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Les femmes dans la révolution algérienne : entretien avec Mohammed Harbi par Christiane Dufrancatel

Entretien paru dans Les révoltes logiques, n° 11, hiver 1979-1980, p. 77-93

Ouarda, la grande chanteuse algérienne a revêtu au Caire la tenue de combat, pour chanter avec ses frères de la troupe Nationale Algérienne la beauté de leur révolution. Elle aussi à sa façon est une militante. (Faîza n° 20 déc. 61)

Comment s’est posée la question de la participation des femmes au début de l’insurrection ?

— Je crois qu’il faut d’abord situer la position de la société féminine à la veille de l’insurrection. La question de la femme était débattue dans des cercles très restreints et portait surtout sur le voile. A part le parti communiste, personne ne posait réellement la question. Un certain nombre de gens dans le mouvement nationaliste avaient conscience de la nécessité de la participation des femmes, mais cette conscience, par exemple dans le M.T.L.D., se heurtait au traditionalisme de la base du mouvement. A Skikda, en 1951, le M.T.L.D. a fait une expérience avec une jeune fille en classe de Maths Elem. Elle a été chargée de contacter des femmes de militants dans les faubourgs de la ville et de discuter avec elles des questions politiques. Petit à petit elles en sont arrivées à lui parler de leurs problèmes familiaux, de leurs relations au sein de la famille, avec leurs frères aînés, leurs maris, etc. A l’époque, personne n’était en mesure ou ne voulait répondre aux questions posées. Au début de l’insurrection, la participation des femmes a été résolue au coup par coup d’une manière spontanée. Dans les villes, ce sont essentiellement des filles, mal à l’aise dans leur famille, en général des lycéennes, qui ont essayé de rejoindre le maquis. Cela n’a pas été toujours facile parce que les maquis eux-mêmes n’acceptaient pas les femmes. Je connais le cas d’une jeune fille qui a voulu rejoindre le maquis le la région de Guelma ; elle a été renvoyée : on lui a dit que les maquis n’étaient pas pour elle, qu’elle était une jeune fille de famille et qu’il n’était pas question de l’accepter. Elle a fait deux ou trois tentatives avant d’être gardée quelque temps dans le maquis ; elle a d’ailleurs été très vite arrêtée. Le responsable de cette région à l’époque était l’actuel responsable de la région militaire de Constantine, le colonel Hadjerès. Il n’acceptait pas de bon gré les femmes au maquis.

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Pierre Saint-Germain et Patrice Vermeren : Les aventures d’un marin allemand

Article de Pierre Saint-Germain et de Patrice Vermeren paru dans Les révoltes logiques, n° 2, printemps-été 1976, p. 121-128

« La réputation d’héroïsme que fit (à Dimitrov) la presse de l’univers entier (…) ne fut à vrai dire que le résultat d’une mise en scène habile et méthodique (…). Des mois avant que le célèbre procès ne commençât, des négociations secrètes étaient déjà en cours entre Moscou et Berlin pour échanger Dimitrov et ses deux complices bulgares contre trois officiers allemands arrêtés pour espionnage en territoire soviétique. Il importait d’épargner à Dimitrov l’épreuve des tortures de la Gestapo, non pas pour le sauver, mais pour sauvegarder le fonctionnement du service secret soviétique et préserver le Komintern dont il connaissait trop bien les rouages intimes.

Devant le danger, Dimitrov s’était montré moins ferme que beaucoup de ses subordonnés. Il donna notamment à la Gestapo l’adresse du couple qui le cachait. Dimitrov livra également à la Gestapo le nom et l’adresse de sa maîtresse (…). Le marché conclu entre Moscou et Berlin le fut le soir qui précéda le procès. Mais pour sauvegarder les apparences Dimitrov fut retenu en Allemagne jusqu’à la fin de la grande comédie de Leipzig. Cet homme (…) bénéficie de privilèges que ne connurent jamais la masse des détenus anonymes (…). Les « petits » camarades, pendant ce temps, ne recevaient eux, que des coups – voire une balle dans la tête. » (1).