Déclaration du Bureau politique du PCF parue dans les Cahiers du communisme, 37e année, n° 11, novembre 1961, p. 1852-1853
LES manifestations de dizaines de milliers d’Algériens qui se sont produites hier à Paris et dans la région parisienne constituent un évènement politique d’une importance exceptionnelles.
S’IL est vrai comme on en a accusé bien légèrement la population allemande, qu’un peuple est responsable de son régime, de quels crimes les Français auraient-ils à rendre compte à l’humanité !
Article paru dans Partisans, n° 1, septembre-octobre 1961, p. 146-148
Ce n’est pas en opposition à nos aînés ou à nos cadets que nous parlons de génération algérienne, nous ne marcherons pas sur les cadavres de nos pères, nous ne brandirons pas nos morts comme l’étendard d’une génération d’anciens combattants, nous ne nous compterons pas pour descendre ensemble sur les Champs-Elysées.
Article de Blanquet paru dans Le Combat syndicaliste,33e année, nouvelle série, n° 172, décembre 1961, p. 1et 4
Pour essayer de pénétrer la cause de ces manifestations de masse, qui ont désagréablement surpris le peuple de Paris, et qui ont mobilisé la presque totalité des Algériens de la région parisienne, il faut revenir très en arrière.
Non pas, certes, remonter jusqu’à la conquête de l’Algérie (ce qui serait nécessaire pour une étude plus ample, sans doute), mais jusqu’à ces années 48-50, peu après la Libération
Article de Louis Janover et Bernard Pêcheur paru dans Sédition, n° 1, juin 1961, p. 6-12
« Plus loin que le réveil de l’amour-propre des peuples longtemps asservis qui sembleraient ne pas désirer autre chose que de reconquérir leur indépendance… nous croyons à la fatalité d’une délivrance totale. Plus encore que le patriotisme qui est une hystérie comme une autre, mais plus creuse et plus mortelle qu’une autre, c’est l’idée de patrie qui est vraiment le concept le plus bestial, le moins philosophique dans lequel on essaie de faire entrer notre esprit. »
La société capitaliste est hiérarchisée et cette hiérarchie est sanctionnée par l’argent.
La société est présentée sous la forme d’une collectivité où tous les individus ont leur chance et peuvent en gravir les échelons. Cela est un mensonge. Cette société basée sur l’inégalité ne peut fonctionner que si l’inégalité subsiste.
Il est difficile de démêler dans l’écheveau des événements leur importance réelle, leur sens, et d’en tirer des perspectives, même relativement proches. Les manœuvres du gouvernement, sur tous les plans (Algérie, Intérieur, et international) le jeu correspondant des organisations (partis et syndicats) en France, celui du F.L.N. et de l’O.A.S. en Algérie et en France, les réactions latentes ou ouvertes des différentes couches sociales en France (paysans, travailleurs, étudiants) aux conséquences conjointes de l’évolution du capitalisme et de la poursuite de la guerre les positions politiques motivées ici même par les péripéties de la lutte entre les deux blocs, tout cela créé une situation bien confuse. La situation capitaliste en France subit en ce moment même des transformations profondes c’est le sens de ces transformations que nous devons essayer de dégager à travers les bouleversements qui atteignent tout depuis les structures de l’Etat, jusqu’au comportement des individus. Il faut essayer de dépasser les réactions « sentimentales » à l’aspect superficiel des faits, les jugements en fonction des idées personnelles pour tout replacer à sa juste valeur dans l’évolution de la société.
Article de Sébastien de Diesbach alias S. Chatel paru dans Socialisme ou Barbarie, n° 31, décembre 1960-février 1961, p. 104-107
A voir des films français, qui pourrait se douter qu’il y ait eu la guerre d’Indochine, les événements d’Afrique du Nord, l’Algérie, le 13 mai ? Ceci n’est encore rien : car qui pourrait se douter même que dans ce pays les gens doivent, comme cela arrive à certains, gagner leur vie, se marier, se loger, envoyer leurs enfants l’école, assister à la mort des personnes qu’ils aiment ?
Textes parus dans Pouvoir ouvrier, n° 33,octobre 1961, p. 1-3
« Acharnement du service d’ordre frappant indistinctement les hommes et les femmes et même des manifestants blessés ». « Rue de Lille, l’un de nos correspondants a vu deux algériens gravement blessés qui sont demeurés inanimés sur la chaussée pendant plus d’une heure ; le service d’ordre interdisait aux passants métropolitains de leur porter secours ». « Devant le commissariat du Ve arrondissement, un autre lecteur a vu des agents… faire passer sous une sorte de voûte de coups de matraque, méthodiquement assénés, un groupe de musulmans appréhendés ». (Le Monde, 19, 20/10/61).
Le 1er novembre, la guerre d’Algérie entrera dans sa huitième année. Non seulement le Prince-Président, plébiscité il y a trois ans pour y mettre fin, n’y est pas parvenu plus que ses lamentables prédécesseurs. Mais une deuxième guerre d’Algérie a mûri pendant ces trois ans. Si bien que le gouvernement du Prince lutte maintenant sur deux fronts. Il lutte avec ses moyens qui, quoi qu’il en pense et qu’il en dise, sont des moyens misérables.
La Révolution algérienne existe depuis sept ans. Malgré la tragédie qui se déroule dans notre pays, les rapports amicaux entre le peuple français et l’émigration algérienne continuent.
Article paru dans Pouvoir ouvrier, n° 26,février 1961, p. 11-12
« Actuellement la profession d’instituteur n’attire plus les jeunes : plus de cent classes n’ont pas de maîtres dans la Seine ; les maîtres malades ou appelés au Service Militaire ne souvent pas remplacés, les débutants ne peuvent recevoir aucune formation professionnelle sérieuse… C’est en fin de compte les enfants qui sont gravement lésés par la médiocrité des traitements des instituteurs et l’insuffisance du budget de l’EDUCATION NATIONALE ».
Dans le passé, seuls les amateurs de « bouts de jardin », de petites propriétés se retrouvaient dans des trains qui les transportaient vers les bords de la Marne, la vallée de Chevreuse, les pavillons « Loi Loucheur ».
Article paru dans Pouvoir ouvrier, n° 33, octobre 1961, p. 4-5
Les travailleurs vivent avec un système de pensée imprégné d’idées et de formules qu’on leur a inculquées depuis leur enfance soit à l’école primaire, soit au cinéma, la radio, à la Télé ou dans les journaux. Ces idées empêchent les travailleurs de prendre conscience de certaines réalités élémentaires et de leur rôle dans la société. C’est la classe dominante qui les diffuse pour maintenir les travailleurs dans leur rôle d’exploité. Le racisme, le patriotisme, les notions de bon citoyen, d’honnête travailleur, etc… sont autant de formules qui encombrent les esprits et empêchent les ouvriers de résoudre leur propre problème et entretiennent chez la plupart la confusion intellectuelle souvent la plus totale.
LA question de l’humanisme du jeune Marx, de la formation de ses idées sur l’essence de l’homme et sur sa situation dans le monde offre aujourd’hui un intérêt qui n’est pas seulement théorique et académique. Le fait est que cette question se détache comme l’un des points centraux dans le subtil « système » de falsification du matérialisme dialectique et du matérialisme historique, auquel travaillent avec zèle à la fois les ennemis directs du marxisme appartenant au camp de la réaction bourgeoise et les théoriciens social-démocrates et révisionnistes qui se réclament de l’ « exposé objectif des choses » et même du « développement créateur ».
Depuis le 9 décembre 1960, pendant plusieurs jours, l’Algérie a connu des événements graves. Les 11, 12 et 13 décembre ont vu le sang couler dans les rues d’Alger, d’Oran, de Bône et de leurs banlieues. Des centaines de tués, des milliers de blessés, voilà le bilan de ces événements. Mais ce ne sont pas seulement les « forces de l’ordre » qui ont mitraillé les Algériens ; il est établi officiellement que plusieurs dizaines d’Algériens ont été assassinés par des Européens. Ils se sont acharnés sur des vieillards et même des enfants qui jouaient. Cette férocité des « pieds noirs » contre les nôtres s’est particulièrement déployée à Bab-El-Oued, à Belcourt et au Ruisseau. C’était sous les hurlements de « l’Algérie française » que les hordes de LAGAILLARDE, de SUSINI et d’ORTIZ massacraient de pauvres innocents ; elles ont ainsi vidé leur haine bestiale et leur racisme odieux et, de ce fait, elles ont tué les mythes de la « fraternisation » et de tous les mensonges que leur « Echo d’Alger » leur « Dépêche Quotidienne d’Alger » n’ont cessé de scribouiller depuis le 13 mat 1958.
Article de Jean-François Lyotard paru dans Socialisme ou Barbarie, n° 32, avril-juin 1961, p. 62-72
En décembre 1960, les Algériens de toutes les villes prennent possession de leurs rues. La guerre dure depuis six ans, les forces de l’ordre sont partout renforcées à cause du voyage de de Gaulle, à Alger le réseau administratif-policier installé depuis la « bataille » de 1957 s’est fait plus serré que jamais, l’organisation de la wilaya a été « démantelée » quatre ou cinq fois, les Algériens n’ont pratiquement pas d’armes, tous les Européens sont armés, dans les grandes villes ils prennent même l’initiative des manifestations, cherchent à occuper les quartiers-clés, à faire basculer l’armée de leur côté.
Texte d’Herbert Marcuse paru dans Arguments, n° 21, 1er trimestre 1961, p. 59-64
A condition de n’être pas réprimée, la sexualité tend à se transformer en Eros, c’est-à-dire à se sublimer en relations permanentes et élargies (comprenant des relations de travail) où se trouve intensifiée et amplifiée la satisfaction des instincts. L’Eros aspire à se perpétuer en un ordre durable. Cette aspiration rencontre dans le domaine de la nécessité une première résistance. Certes, la misère et la pauvreté qui dominent dans le monde pourraient être maîtrisées au point que rien ne s’opposerait plus à l’avènement d’une totale liberté ; mais cette maîtrise semble devoir toujours être remise à plus tard, créer éternellement des contraintes nouvelles. Tout le progrès technique, la rationalisation de l’homme et du travail, n’ont pas aboli le travail contraignant, aliéné, mécanique, que l’on fait sans plaisir et sans y trouver une réalisation de soi (1).
Il y a un an mourait absurdement Albert Camus, fauché en pleine gloire et en pleine vitalité. « Mon œuvre ne fait que commencer » se plaisait-il à dire dans les derniers mois qui précédèrent l’accident, cette véritable ruée vers le royaume des ombres. Et depuis la plaie demeure toujours ouverte en nous ; et depuis nous sommes orphelins d’une lumière qui nous aidait, aux plus sombres instants, quand le monde écumait de violence, de haine, à retrouver la lucidité et l’amour de la vie nécessaire pour ne pas s’enliser irrémédiablement dans le marasme.
Entretien de Paul Thibaud et Pierre Vidal-Naquet, « Le combat pour l’indépendance algérienne : une fausse coïncidence », propos recueillis par Daniel Lindenberg et Olivier Mongin,Esprit, janvier 1995, p. 142-152.
PIERRE VIDAL-NAQUET – J’ai jadis, dans Vingtième Siècle, proposé une tripartition des engagements intellectuels durant la guerre d’Algérie.
Il y avait d’abord ceux que j’appelle les « dreyfusards » — en disant cela, je ne me pose pas personnellement en pur dreyfusard —, c’est-à-dire ceux qui parlaient du salut éternel de la France. Il y avait ensuite les « bolcheviques » qui voyaient la Révolution algérienne à l’image de la Révolution d’octobre : pour eux le mouvement révolutionnaire était indissociable d’un parti jacobin qui devait en incarner la tête. Certains pensaient même que la résistance à la guerre d’Algérie pouvait représenter le noyau d’un parti révolutionnaire en France. Enfin, troisième catégorie, il y avait les « tiers-mondistes » pour lesquels l’Algérie était le noyau historique d’une résurrection autonome de valeurs révolutionnaires : c’était l’Algérie des « damnés de la terre » de Frantz Fanon, qui prenaient dans le contexte une valeur quasi christique.
Communiqué paru dans La Voix du travailleur algérien, septembre 1961.
COMMUNIQUE
Le Bureau Fédéral a appris avec une profonde émotion, le lâche assassinat de Djabourebli Abdelmalek, Membre de la Commission Exécutive et Secrétaire Général de l’Union Locale de Metz et les environs, le 7 août 1961 à Richemond (Moselle), alors qu’il revenait d’une tournée effectuée auprès des Travailleurs de la Section des Métaux d’Ukange.
Article paru dans La Voix du peuple, décembre 1961.
Aïcha BAHRI, patriote algérienne, a été plusieurs fois agressée par le F.L.N. à Lyon. Bien que blessée grièvement plusieurs fois, elle en est sortie avec courage et honneur.
Article d’André Louis paru dans La Cité, 9 juin 1961.
PRESSENTI PAR M. LOUIS JOXE
Le M.N.A. refuse de négocier
« L’offre tardive de la France est une manœuvre »
Selon des informations recueillies auprès de personnalités bien informées proches du Mouvement National Algérien, des membres du Cabinet de M. Louis Joxe, ministre délégué aux Affaires algériennes, ont pris contact avec le MNA à la fin du mois de mai, en vue d’engager des négociations sur le cessez-le-feu et les conditions de l’autodétermination. Nous apprenons qu’une réponse négative a été réservée à cette offre le 6 juin par le MNA compte tenu des circonstances dans lesquelles elle a été faite.