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Pressenti par M. Louis Joxe, le MNA refuse de négocier

Article d’André Louis paru dans La Cité, 9 juin 1961.

 

 

PRESSENTI PAR M. LOUIS JOXE

Le M.N.A. refuse de négocier

« L’offre tardive de la France est une manœuvre »

Selon des informations recueillies auprès de personnalités bien informées proches du Mouvement National Algérien, des membres du Cabinet de M. Louis Joxe, ministre délégué aux Affaires algériennes, ont pris contact avec le MNA à la fin du mois de mai, en vue d’engager des négociations sur le cessez-le-feu et les conditions de l’autodétermination. Nous apprenons qu’une réponse négative a été réservée à cette offre le 6 juin par le MNA compte tenu des circonstances dans lesquelles elle a été faite.

On signale, à ce propos, dans les milieux proches du MNA, que l’entrée en ligne du MNA quinze jours après le début de la conférence d’Evian est difficilement explicable à l’opinion publique. Il fallait, dit-on, que le MNA soit présent à l’ouverture de la conférence, ou bien que les pourparlers commencent parallèlement au même moment, conformément d’ailleurs à la promesse faite par M. Louis Joxe lui-même à Oran. Le danger est grand, dit-on toujours dans les mêmes milieux, que la France chercher aujourd’hui à provoquer un incident susceptible de faire avorter la conférence d’Evian, tout en rejetant la responsabilité d’un échec sur les Algériens eux-mêmes. Le MNA, quant à lui, n’accepte pas de servir de masse de manœuvre aux mains des Français.

On commente en termes forts sévères, dans les mêmes milieux, le comportement du gouvernement français au cours des derniers mois. Après avoir assuré publiquement, ainsi qu’au cours de contacts préliminaires avec le MNA, que les pourparlers se dérouleraient en toute hypothèse avec toutes les tendances de l’opinion algérienne, la France semble avoir suivi en fait une politique différente, y dit-on.

On rappelle à ce propos qu’au moment des conversations de Melun, un émissaire du MNA a été reçu à l’Elysée, mais que dès l’annonce de la rupture avec le FLN les contacts avec le MNA ont été arrêtés. Lorsque rendez-vous fut pris avec le FLN en vue de commencer des négociations à Evian, le gouvernement français réaffirma son intention d’entendre le MNA. Toutefois, devant la réaction du FLN, provoquant l’ajournement du 7 avril, l’on a vu la presse écrire – sans démenti de la part du gouvernement français – que des « assurances avaient été données au FLN concernant la non-participation du MNA aux pourparlers d’Evian ». Force est de constater, dit-on dans ces milieux, qu’en dépit des assurances formelles, des déclarations publiques de M. Joxe et même du général de Gaulle, la conférence d’Evian s’est ouverte sans que le MNA ait été contacté. Il lui apparaît aujourd’hui inconciliable avec sa dignité d’entrer en piste quinze jours après le début d’Evian, à un moment précisément où la conférence piétine.

Les milieux MNA sont d’avis que l’offre tardive de la France est une manœuvre. Après avoir conditionné la politique française en fonction, uniquement, semble-t-il, des réactions du FLN, le gouvernement français recherche le contact avec le MNA chaque fois qu’il se trouve en difficulté. Le MNA refuse en tout cas d’être une carte aux mains des Français. Ainsi que Messali Hadj le déclarait déjà, à « La Cité », à la fin du mois de mars, le MNA ne se sent pas la vocation de roue de secours de la politique algérienne de la France.

Telles sont les raisons, dit-on, qui poussent le MNA à refuser, dans les circonstances présentes, de donner suite à l’offre française. Il préfère rester vigilant et suivre avec intérêt l’évolution de la conférence d’Evian. Il souhaite même que les négociations en cours aboutissent à des résultats positifs et conformes aux aspirations nationales du peuple algérien.

Le MNA, qui ne réclame pas pour lui-même le monopole de la représentativité qu’il conteste au FLN, ne désire pas que la division du nationalisme algérien puisse être utilisée par la France pour battre en brèche des revendications nationales essentielles.

On saisira toute l’importance de ces informations, que nous avons recueilles auprès de personnalités bien informées proches du Mouvement National Algérien. Elles dénotent une fermeté très grande, tant à l’égard de la France qu’à l’égard du FLN, qui ne manquera pas d’influencer la suite du débat franco-algérien.

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