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Brian Grogan : La jeunesse rebelle affronte les conservateurs

Article de Brian Grogan paru dans Inprecor, n° 107, 5 août 1981, p. 7-9

A défaut de discipline parentale, les flics… (DR)

Au cours des deux dernières semaines, les principales villes de Grande-Bretagne ont été le théâtre de la révolte à grande échelle de la jeunesse contre le gouvernement conservateur. Les causes immédiates de ces explosions ont été le harcèlement policier ou les provocations menées par des membres des organisations fascistes. Au cours des événements, la jeunesse a édifié des barricades, jeté des pavés et des cocktails molotov contre la police et pillé les biens de consommation contenus dans les succursales des chaînes de magasins, toutes scènes qui rappelaient les événements d’Irlande du Nord.

Si l’on met de côté la grève générale de 1926, cette explosion représente la plus grave perturbation de l’ordre civil qu’il y ait eu dans la métropole britannique depuis le mouvement chartiste, il y a plus d’un siècle. Devant la dimension, la durée et le caractère généralisé de cette révolte, le gouvernement conservateur s’est engagé dans une spirale répressive. Sa réponse typiquement pavlovienne a été d’étendre considérablement les moyens de répression policière, en refusant avec force toute idée d’augmentation des dépenses sociales. Dans une déclaration à la Chambre des Communes, le 14 juillet dernier, Margaret Thatcher a expliqué :

« Ce n’est pas le moment de faire des analyses détaillées. Nous avons un problème. Nous ne serons pas en mesure de traiter ses aspects économiques et sociaux tant que l’ordre ne sera pas restauré et que l’on verra que l’ordre est restauré. »

Au grand étonnement de tout le monde, à commencer par certains membres de son propre gouvernement, Margaret Thatcher a nié que sa politique, et en particulier le développement d’un chômage massif, ait quoi que ce soit à voir avec la révolte. Et tous les conservateurs sont finalement tombés d’accord pour dire que la cause principale était le « manque de discipline parentale ».

Et c’est afin de renforcer cette discipline que le gouvernement a décidé d’employer les canons à eau, les balles en caoutchouc et le gaz CS, qui n’avaient jamais été utilisés auparavant hors des Six Comtés d’Irlande du Nord occupés par la Grande-Bretagne.

Le gouvernement a également totalement couvert toute l’action répressive de la police. Dans la semaine du 6 au 16 juillet 2 544 jeunes ont été arrêtés. Le secrétaire de l’Intérieur, William Whitelaw, a fait ouvrir un camp militaire pour interner tous ces jeunes qui sont en train d’être condamnés à des peines de prison. Une autre mesure, qui confirme exactement ce que les révolutionnaires ont toujours dénoncé depuis que Londres a envoyé des troupes en Irlande en 1969, a été d’y dépêcher plusieurs hauts responsables de la police britannique pour qu’ils reçoivent sur le terrain une formation sur la tactique de maintien de l’ordre dans les rues.

Pendant ce temps, dans plusieurs villes, des escadrons de police spéciale reçoivent le feu vert pour agir contre les jeunes révoltés et ils essaient, par la terreur, l’intimidation, de les empêcher de descendre dans la rue. De plus, la police a largement utilisé le prétexte du pillage pour effectuer de nombreux raids et des perquisitions dans les ghettos où se concentre la population noire ou pauvre. Cela s’est notamment passé dans l’un des centres de la révolte, le quartier de Brixton au sud de Londres. Dans la soirée du mardi 14 juillet, plusieurs centaines de policiers ont quasiment détruit les onze immeubles qu’ils ont perquisitionnés, prétendument pour chercher des cocktails molotov. Quatre personnes furent arrêtées pour des délits non spécifiés. Il est inutile de dire qu’aucun cocktail molotov ne fut découvert.

Le principal facteur de la révolte est bien sûr le développement extrêmement rapide de la crise sociale et économique qui frappe maintenant de plein fouet la société britannique ; une crise que le gouvernement conservateur, dirigé par Margaret Thatcher, a tout fait pour accélérer et exacerber.

En Grande-Bretagne, la récession capitaliste internationale a eu des effets plus profonds que dans aucun autre pays capitaliste développé. Et il n’y a toujours aucun signe que le fond ait été atteint. La production industrielle continuait de montrer le mois dernier une baisse de 0,7 % par rapport au mois précédent, ce qui signifiait une baisse pour le troisième mois consécutif. Tout ce que trouvent à dire les partisans du gouvernement, c’est que la baisse est moins brutale. Cette semaine, le chiffre officiel des chômeurs atteint 2,8 millions, ce qui représente 12 % de la population active et place le Royaume-Uni, du point de vue du chômage, immédiatement derrière la Belgique parmi les pays capitalistes avancés.

Les zones touchées par les émeutes dépassent ces moyennes établies à l’échelle nationale. Dans le nord-ouest du pays, les statistiques de juin montraient un taux de chômage de 12,7 % contre 8 % un an auparavant. Dans les West-Midlands, le taux est de 12,6 % contre 6,8 % en juin 1980. Et dans les ghettos proprement dits les chiffres sont encore plus élevés. Dans le quartier de Toxteth, à Liverpool, là où les émeutes ont été les plus violentes, un rapport récent chiffrait à 43 % le taux de chômage parmi la population blanche et à 47 % parmi la population de couleur. Plus parlant encore, 60 % des jeunes noirs de Toxteth sont chômeurs. Dans le quartier londonien de Brixton, où les trois quarts de la population sont noirs, le chômage parmi la jeunesse est estimé à 19 % en général, avec un pourcentage plus élevé pour les jeunes noirs. Or, la moyenne de chômage pour tout Londres est d’environ 7,5 %.

En janvier 1981, il y avait 931 000 jeunes de moins de 25 ans qui étaient sans travail. Ils représentent 31,7 % du total des chômeurs. Le taux de développement du chômage des jeunes a été astronomique : il a crû de plus de 70 % au cours de l’année 1980. Et la situation s’est encore aggravée au cours du premier semestre 1981. Le chômage parmi les jeunes à la recherche d’un premier emploi, au sortir de l’école, atteint des proportions catastrophiques. En juin, les chiffres ont fait un bond en avant par rapport à mai, en passant de 100 000 à 217 000, et 100 000 vont venir s’y rajouter en juillet.

Cette situation terrible de l’emploi se combine avec les effets des coupes massives effectuées dans les dépenses sociales sur les budgets du logement, des municipalités, de l’éducation, ainsi que sur les allocations-chômage dont le montant a été réduit et qui sont de plus en plus difficiles à obtenir. Ainsi, par exemple, les jeunes qui ont quitté l’école ce mois-ci ou le mois dernier ne pourront pas s’inscrire au chômage avant septembre. Faut-il dès lors s’étonner que si l’occasion s’est présentée pour eux de gagner une paire de chaussures ou une chaine stéréo, ils en aient profité ?

Face à cela, le gouvernement a répondu par l’escalade du harcèlement policier, auquel il faut ajouter, en ce qui concerne les jeunes noirs, le problème supplémentaire des attaques menées par des groupes fascistes.

La révolte à Toxteth a été allumée par la tentative d’arrestation et les mauvais traitements infligés à un jeune noir accusé d’avoir volé une moto qui en fait lui appartenait. Dans l’esprit des flics, il était impossible qu’un jeune noir possède une moto. Cet incident a ravivé tous les griefs accumulés contre le harcèlement policier à l’encontre des jeunes, blancs et noirs, de cette zone de Liverpool.

A Southall, c’est l’agression perpétrée contre la communauté asiatique vivant dans ce quartier par plusieurs centaines de skinheads, dont beaucoup sont des sympathisants des organisations fascistes, qui a déclenché l’explosion. Ces commandos purent intimider et menacer la communauté asiatique en toute impunité, sans que la police tente vraiment de les en empêcher, jusqu’à ce que les jeunes asiatiques se rassemblent et expulsent du quartier les skinheads, malgré la protection que leur a alors accordée la police.

UNE POLARISATION CROISSANTE

Derrière l’importance et l’étendue de cette révolte il y a le refus de la jeunesse d’accepter le sort qui lui est fait. Les jeunes alimentent et renforcent les sentiments qui existent chez leurs parents et leurs aînés que l’action du gouvernement est illégitime.

Ces révoltes ont porté un coup terrible à la stratégie du gouvernement conservateur. Cela fait déjà plusieurs mois que les patrons ont demandé à Margaret Thatcher de modifier sa politique monétariste, jugée trop rigide. Et, en fait, par plusieurs biais, elle a essayé de s’y employer. Mais aucun tournant à 180 degrés ne peut être fait maintenant, dans un contexte où il apparaîtrait avoir été provoqué par la pression de la classe ouvrière. En ayant lié son sort au seul critère de l’équilibre budgétaire retrouvé, elle s’est enfermée dans une impasse. Désormais le choix d’augmenter les subventions gouvernementales pour les ghettos ou de réduire — ou seulement maintenir — à son niveau actuel le chômage des jeunes soulèverait un problème politique de taille, même si elle disposait des ressources nécessaires. Cela ressemblerait à une concession politique majeure à la classe ouvrière. Ce n’est pas une mince question. En effet, la période de négociation des conventions salariales s’approche, alors même que les conditions que le gouvernement avait obtenues dans les accords passés n’ont pu être imposées aux travailleurs. Margaret Thatcher a montré dans un conflit ouvert qu’elle n’avait même pas été en mesure d’infliger une défaite claire aux employés de la fonction publique qui avaient été pourtant entraînés par leurs directions syndicales dans une suite d’actions sporadiques inefficaces et qui sont en conflit avec le gouvernement depuis maintenant 19 semaines. Et cela sans parler de la défaite humiliante que les mineurs lui ont infligée en mars dernier (quand elle a été contrainte de revenir en arrière sur un programme de fermeture de puits et de licenciements massifs).

Sur la base du succès partiel rencontré dans le secteur privé, où le poids du chômage a limité les augmentations de salaires à moins de 10 % cette année, Margaret Thatcher avait prévu un chiffre maximum de 5 % d’augmentation pour les prochaines négociations salariales, alors que le taux d’inflation n’a aucune chance de descendre en-dessous de son taux actuel de 11,3 %. Mais les mineurs, au cours de leur récent congrès syndical annuel, ont jeté un défi ouvert aux projets déclarés de Margaret Thatcher en demandant, à une très large majorité, une hausse de salaire de 25 %. Et cela pourrait servir de référence si les travailleurs, même dans le secteur privé, détectaient le moindre relâchement dans la détermination gouverne-mentale.

C’est pour ne pas paraître faible que le gouvernement a rejeté tous les appels qui lui avaient été lancés de donner de l’argent pour les ghettos et qu’il a décidé de ne compter que sur la répression. Un signe qui ne trompe pas sur ses intentions en ce domaine est la nomination du ministre de l’Environnement, Michael Tarzan Heseltine, pour diriger une commission gouvernementale chargée d’étudier les réponses que le gouvernement devrait apporter aux problèmes révélés par la révolte. Michael Heseltine est connu pour être « l’homme à la hache », à cause des coupes sombres qu’il a opérées dans les subventions aux collectivités locales et à cause des mesures de rétorsion qu’il a adoptées contre les conseils municipaux coupables d’avoir fait des dépassements budgétaires. Ses premières remarques blessantes pour les habitants de Liverpool, lorsqu’il a débarqué pour une visite de deux semaines, furent pour annoncer « qu’il n’était pas venu avec un tas d’or ». Au moment où il envoyait l’équipe de Michael Heseltine à Liverpool, le gouvernement décidait une coupe de 47 millions de livres dans les subventions pour le conseil général de Lothian, qui couvre la région d’Edimbourg en Écosse, parce que ce conseil « fournissait trop de services sociaux ». Le conseil est ainsi menacé de banqueroute pure et simple.

Mais un tel cours politique est suicidaire. Au cours de la récente élection partielle dans le district de Warrington-Lancashire, près de Liverpool, les voix des conservateurs sont tombées de 29 % à 7 %. Bien sûr, l’identification qui continue d’exister entre le parti travailliste et la politique menée par le dernier gouvernement Callaghan, comme les craintes des secteurs les plus arriérés de la classe ouvrière devant la polarisation qui se développe désormais en Grande-Bretagne, ont signifié que c’est le tout nouveau Parti social démocrate (SDP) qui a été le principal bénéficiaire de la perte de voix des conservateurs. Mais l’outrance des commentaires de presse sur le « miracle » du SDP ne doit pas masquer la catastrophe que cela représente pour les conservateurs. En plus, si le parti travailliste s’était saisi de la rébellion de la jeunesse pour montrer la faillite de la politique gouvernementale et la catastrophe à laquelle est confrontée la société britannique,sa situation — même s’il a déjà gagné un peu —, se serait encore considérablement renforcée.

Cela ne veut pas dire qu’il y a eu une expression spontanée de la solidarité de la classe ouvrière envers la jeunesse. Mais chacun comprend que c’est le chômage qui est à la racine du problème et que les conservateurs sont les principaux responsables de la situation. Ainsi, à mesure que la mobilisation de la classe ouvrière se développe, les potentialités existent pour qu’une liaison s’opère entre le combat général engagé contre les conservateurs et la révolte de la jeunesse. Déjà, plusieurs manifestations monstres ont été appelées par le parti travailliste et le Trades Union Congress (TUC) pour protester contre le chômage. Une manifestation de masse sur la question de l’emploi est appelée par le parti travailliste pour le 19 septembre à Birmingham et une « Marche populaire », organisée par le TUC, se dirigera vers le lieu du congrès conservateur en octobre. Est également prévue pour octobre une manifestation de masse contre l’implantation des fusées à têtes nucléaires qui attirera surtout la jeunesse, mais qui sera également soutenue par plusieurs fédérations syndicales industrielles parmi les plus puissantes. Cette série d’actions de masse — beaucoup d’autres sont planifiées — sera la toile de fond des négociations salariales. Dans ce sens, la révolte de la jeunesse est le baromètre et le signe avant-coureur des tendances qui sont à l’œuvre au sein de l’ensemble de la classe ouvrière. Il est clair que nous allons vers une période d’affrontements ouverts avec le gouvernement de Margaret Thatcher. La question décisive maintenant, c’est la mobilisation d’ensemble de la classe ouvrière pour abattre le gouvernement conservateur, et cela certainement avant les prochaines élections générales qui doivent se tenir en 1984.

LA GUERRE D’IRLANDE RESSURGIT EN GRANDE-BRETAGNE

Il est clair également que l’intransigeance dont a fait preuve Margaret Thatcher à l’égard des grévistes de la faim irlandais pourrait avoir aussi des conséquences funestes en ce qui la concerne. Il est à peu près évident que la jeunesse, même si elle ne s’identifie pas jusqu’à pré-sent à la lutte anti-impérialiste qui est menée en Irlande, a repris à son compte ses méthodes de lutte et a été inspirée par la détermination et l’héroïsme de la jeunesse des Six Comtés dans son combat contre l’armée britannique. C’est le premier pas vers la solidarité avec le combat des Irlandais et cela indique également la nouvelle situation qui est en train de naître dans l’ensemble du mouvement ouvrier. Il est clair que la mobilisation de masse et la détermination de la population nationaliste des Six Comtés, face à l’intransigeance de Margaret Thatcher à propos de la grève de la faim, à porté un coup majeur au système du bipartisme. D’ores et déjà, Tony Benn a publié une déclaration demandant le retrait des troupes britanniques d’Irlande, bien qu’il propose de les remplacer par des troupes impérialistes sous le couvert des Nations Unies. Son appel fait porter néanmoins la responsabilité de la situation en Irlande au compte de l’impérialisme britannique. Plus récemment encore, le parti travailliste a adopté une position qui reconnaît que l’unité irlandaise doit être un objectif à long terme, ce qui tend également à briser le système bipartiste. Même s’il ne s’agit pas, dans cette position, du retrait immédiat des troupes, cela ne peut que renforcer la conviction et l’action des 67 % des Britanniques qui, d’après les sondages, sont en faveur du retrait des troupes.

Ce facteur, combiné à l’isolement international croissant de Margaret Thatcher, contribue à exacerber la crise politique générale en Grande-Bretagne. Comme le note l’Economist, le journal patronal,

« la Grande-Bretagne est en train de perdre la guerre de propagande contre les grévistes de la faim des Blocks H et elle est en train de mettre en péril le gouvernement de Dublin. »

POUR UN PROGRAMME SOCIALISTE

Les révolutionnaires ont un rôle décisif à jouer au sein du mouvement ouvrier. Si le mouvement ouvrier ne s’engage pas et n’offre pas une issue à la jeunesse, la démoralisation succédera à la révolte et créera un terrain fertile pour le développement des organisations racistes et fascistes.

La direction du groupe parlementaire du parti travailliste s’est opposée à quelques-unes des propositions les plus provocatrices des conservateurs, telles que l’utilisation des canons à eau et des balles en caoutchouc. Mais en général, elle s’est jointe au chœur des conservateurs contre « la violence et les pillages ». Pour elle aussi, la solution passe par le renforcement de la police. Simplement, comme l’a expliqué Ron Hayward, le secrétaire général du parti travailliste, « nous ne pensons pas que les canons à eau, les balles en caoutchouc et le gaz CS aideront la police à nous aider ».

Mais d’autres dirigeants de l’aile gauche du parti travailliste ont pris une position quelque peu différente. Tony Benn, dans le message qu’il a envoyé au Comité de coordination de l’aile gauche du parti travailliste, qui se réunissait le samedi 18 juillet, a expliqué : « Les émeutes ne sont pas une voie vers le progrès social. » Mais il a également lancé une mise en garde contre le développement des tendances totalitaires d’un État dont la politique était « de transformer la police en armée d’occupation provisoire des zones où ont éclaté des troubles ».

Lors de la même réunion, Arthur Scargill, président du syndicat des mineurs du Yorkshire et candidat de la gauche à la présidence du syndicat national des mineurs, s’est fait l’écho de ce point de vue. Il a lancé un cri d’alarme : « Nous sommes près d’entrer dans une société totalitaire ». Il a également expliqué que les racines de ces révoltes « étaient cette société capitaliste pourrie ».

Les militants des divers comités de défense qui se constituent aussi bien dans les syndicats qu’au sein du parti travailliste, ont concrétisé ce sentiment en avançant la revendication d’une amnistie totale pour les jeunes arrêtés au cours des émeutes et en proposant que le mouvement ouvrier organise des commissions d’enquête sur les agissements de la police.

Cette action doit être, bien sûr, couplée avec un programme général qui doit prendre à bras-le-corps les problèmes auxquels la jeunesse doit faire face et présenter une alternative à la politique de Margaret Thatcher. James Prior, le ministre conservateur de l’Emploi, serait en train de mener une vigoureuse bataille au sein du cabinet pour étendre son plan d’emploi des jeunes (Youth Opportunity Scheme — YOPS, un programme analogue aux « Pactes pour l’emploi des jeunes » de Giscard-Barre), qui propose aux jeunes des stages de quelques mois, mais qui ne leur garantit pas un travail. Pour ce projet, James Prior prévoit la somme « mirifique » (!) de 90 millions de livres par an. Et pourtant, il existe une opposition au sein du gouvernement à ce projet. Elle vient du conseiller économique de Margaret Thatcher, Alan Walters, partisan effréné du « libéralisme ». Il propose, lui, de donner une subvention à chaque chef d’entreprise qui emploiera des jeunes en-dessous des barèmes syndicaux et pour moins de 40 livres (440 FF) par semaine ! Cela permettrait d’affaiblir les syndicats en créant un marché de main-d’œuvre bon marché…

Face à cela, Len Murray, secrétaire général du TUC, a proposé un plan de subventions immédiates de 500 millions de livres. Cela reste dérisoire, lorsqu’on compare ces 500 millions aux 3 à 4 milliards de livres de marge d’erreur prévus pour le budget, ou aux 8 milliards de coupes budgétaires effectuées dans les dépenses publiques depuis l’arrivée de Margaret Thatcher au pouvoir.

Pour commencer à résoudre le problème des poches de pauvreté, il faudrait entamer un programme massif de travaux publics. Mais cela ne pourrait être qu’une première mesure d’urgence. Le mouvement ouvrier a besoin d’une politique qui permette d’unifier son action à l’échelle nationale et qui engage le futur gouvernement travailliste. Michael Foot, le dirigeant du parti travailliste, a tracé les grandes lignes de l’alternative qu’il propose, lors d’une manifestation de masse du parti travailliste contre le chômage le 4 juillet dernier. Il a promis de réduire les impôts pour les travailleurs, d’augmenter massivement les dépenses publiques et de développer les investissements dans le secteur nationalisé.

Ces mesures seraient certainement les bienvenues pour les travailleurs. Mais avant que les ouvriers ne montent dans le train du futur gouvernement travailliste, ils aimeraient bien savoir où ce train va les mener. Est-ce que ces propositions ne sont pas seulement des palliatifs pour donner une bouffée d’air frais au capitalisme et l’aider à récupérer ? Nous savons tous, après certaines expériences amères, que soit les travailleurs commencent à contrôler les entreprises, soit les patrons parviendront à trouver les moyens de sauver le système. Telle a été l’expérience du dernier gouvernement travailliste et les travailleurs ne veulent pas que cela se renouvelle, comme le prouve la poussée de la gauche travailliste.

C’est pour cela que de telles mesures ne doivent absolument pas être liées à la notion de « contrats sociaux ». Au contraire, il faudra prendre des mesures décidées, prendre le contrôle des banques et des compagnies financières, s’emparer des centres de commandes de l’économie. Si les travailleurs et les jeunes voyaient que le prochain gouvernement travailliste se fixe de tels objectifs, les jeunes deviendraient vite les troupes de choc contre ce système pourri. La révolte des jeunes pose avec acuité l’ensemble de ces problèmes et la nécessité de solutions immédiates, en particulier la lutte pour les 35 heures et le soutien à tous les travailleurs qui occupent aujourd’hui leurs usines pour défendre leur emploi. ■

Brian GROGAN
19 juillet 1981.

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