Article paru dans Tribune algérienne, n° 21, septembre 1979, p. 22-24.
Mobilisation du mouvement ouvrier international pour sauver les 12 militants du P.S.T.
Le peuple Kurde une nouvelle fois crucifié, les organisations ouvrières et démocratiques interdites, les syndicats ouvriers d’Abadan menacés, toutes les publications non conformes à l’orientation de Khomeini interdites, des centaines de journalistes, des milliers de militants ouvriers en prison. Voilà les résultats de l’offensive réactionnaire, contre la révolution iranienne.
Avec les méthodes du Chah, Khomeini vient reconstruire l’Etat bourgeois balayé par les masses.
Parmi les militants fidèles à la classe ouvrière, au droit à l’autodétermination des peuples opprimés, aux libertés démocratiques se trouvent les militants du P.S.T. Parmi ces militants 12 sont en prison depuis prés de cinq mois, leur vie est en danger.
A l’initiative des organisations membres du comité d’organisation pour la reconstruction de la IVème internationale et du secrétariat unifié de la IVème internationale, une véritable bataille se mène dans le mouvement ouvrier international pour les sauver.
Cette bataille a commencé à Paris avec la tenue le 25 juin 1979 d’un grand meeting à l’initiative de l’OCI, la LCR et LO qui a rassemblé plus de 3000 militants et qui ont décidé d’intensifier la campagne pour sauver les 12 militants du PST des griffes de Khomeini.
Dans cette bataille les militants du CLTA, les Tunisiens, marocains membres du comité d’organisation sont partie prenante.
Après ce meeting la campagne internationale a pris une grande ampleur. Des dizaines de sections syndicales, des syndicats nationaux, des organisations ouvrières, des organisations démocratiques ont pris position pour la libération des militants du P.S.T.
La fédération de la Ligue des Droits de l’Homme a formé une mission internationale d’avocats qui a rencontré les militants du PST emprisonnés.
Nous publions ci dessous le compte rendu de cette délégation qui comprenait : Maître Oussedik, qui fut responsable du collectif d’avocat FLN au moment de la guerre d’Algérie et Maître Zavrian qui était membre de ce même collectif.
« Nous sommes arrivés à Téhéran le 9 Août, avec pour mission de connaître les motifs de l’arrestation des 14 militants ouvriers détenus à Ahwaz et les conditions de leur détention.
Nous avons commencé notre enquête. Au même moment était publié le rapport de l’Association des juristes iraniens, transmis aux autorités sans que celles-ci émettent un démenti quant aux faits rapportés dans ce rapport. Nous avons décidé que ce document serait une des bases de notre enquête.
L’analyse qui ressort de ce texte est simple : il y a à Ahwaz, au Khouzistan, des prisonniers politiques, détenus arbitrairement sans qu’à ce jour aucune autorité judiciaire ne se soit saisie des procédures les concernant. Avant leur détention, ces prisonniers avaient subi des sévices.
La minorité arabe du Khouzistan est l’objet de la part du gouvernement d’une véritable tentative de génocide : enlèvement, exécutions sommaires, arrestations arbitraires.
Ayant pris connaissance de ces faits, nous avons pris contact avec les différents représentants du pouvoir iranien. Nous avons été reçus successivement par le ministre de la Justice, par Madhani, gouverneur du Khouzistan, par Tanassouli, procureur prés du tribunal islamique d’Ahwaz.
De ces différentes discussions. Il résulte les constatations suivantes :
Ces autorités étaient dans l’incapacité de dire ce qui était reproché aux prisonniers ;
Elles étaient incapables d’indiquer où en était la procédure.
Tous les interlocuteurs déploraient l’existence de structures clandestines qui se substituaient à eux et agissaient en dehors de leur contrôle. Ils admettaient la carence du pouvoir judiciaire, mais, poussés dans leurs derniers retranchements, ils évitaient de désavouer ces comités et entendaient implicitement les couvrir. Cette carence ne nous a pas permis de mener à bien le premier objectif de notre mission : faire établir clairement les reproches.
Nous avons poursuivi notre mission en partant pour Ahwaz, le lundi 13 Août afin de voir les prisonniers.
La prison d’Ahwaz : un camp d’épuration
Le comité islamique nous a permis de discuter avec tous les détenus. Il en résulte les remarques suivantes.
Il y a trois catégories de prisonniers politiques.
– Ceux que l’on pourrait appeler les « indéterminés », arrêtés sans motif aucun, détenus souvent depuis trois mois, ils ne savent pas encore ce qu’on leur reproche. Ils ont subi des sévices et craignent pour leur vie ;
– deuxième catégorie : les prisonniers arabes. Ils ne se font guère d’illusions sur leur sort. Ils racontent qu’il y a deux mois et demi, une terrible répression s’est abattue sur le Khouzistan, menée par Madhani en personne, à la suite de provocations : exécutions sommaires, tortures, arrestations arbitraires n’ont cessé à leur encontre depuis la chute de l’ancien régime. Ils sont détenus pour avoir été interpellés accidentellement. Seul reproche être Arabe. Ils craignent pour leur vie et ont tous subi des sévices. Ils ont expliqué que la révolution iranienne n’avait apporté aucun changement les concernant. Pour eux se perpétuaient les exactions de l’ancien régime, appuyé sur les féodaux locaux, pour les opprimer sur les plans économique et social.
Les mêmes féodaux se sont aujourd’hui alliés avec les tenants du nouveau régime, créant une continuité dans la répression. Il s’agit essentiellement de dissuader les arabes de réclamer la préservation de leur identité ;
– troisième catégorie : les militants du Parti socialiste des travailleurs. Nous avons pu discuter avec eux. Tous ont subi des sévices et ont été arrêtés pour détention d’un tract ou d’un journal. A ce jour, aucune information n’a été ouverte contre eux. Ils n’ont jamais été entendus par un magistrat.
A chaque moment, leur vie est en danger
La seule proposition qui leur ait été faite : libération en échange d’une déclaration écrite de repentir, ce qu’ils ont évidemment refusé. Leur maturité politique, leur refus de se compromettre, l’attrait qu’ils exercent sur les autres prisonniers par leur comportement digne et solidaire leur valent la haine du comité islamique, qui fait tout pour tenter de les isoler et de les neutraliser. Ils donnent le bon exemple, ce qui est un danger permanent pour le comité.
Ce sont eux qui risquent le plus, et à chaque moment leur vie est en danger. »
La dernière semaine d’Août, le Tribunal militaire d’Ahwaz a condamné deux militants trotskystes à la prison à vie.
Dans la nuit du dimanche 26 Août au Lundi 27 Août, douze militants du PST ont été condamnés à mort par les comités Khomeini.
La mobilisation immédiate du mouvement ouvrier international et démocratique, l’ampleur internationale de la protestation a obligé Khomeini à masquer le scandaleux procès et chercher à couvrir les condamnations à mort qu’il a décidé de prononcer contre les 12 militants trotskystes iraniens.
La campagne doit redoubler d’intensité pour la vie sauve de ces militants. Il s’agit du sort de la révolution prolétarienne en IRAN.