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Mentalité de vaincus

Article paru dans Le Réveil clandestin, n° 3, novembre 1940, p. 1-3

Notre camarade Malatesta disait qu’on n’est pas vaincu avant d’avoir une mentalité de vaincu. Avant même non seulement toute défaite, mais toute attaque, beaucoup ont aujourd’hui cette mentalité de vaincu et, bien loin de songer à une résistance, se demandent quelle concession faire à un vainqueur imaginaire.

C’est l’attitude de l’Union Syndicale Suisse en face des chrétiens sociaux ; c’est aussi celle des socialistes en présence d’un fascisme qui, naturellement, devient d’autant plus insolent qu’ils se montrent plus obséquieux. C’est aussi le cas d’une infinité de braves gens qui, sans qu’il y ait interdiction, ne lisent plus tel journal, ne fréquentent plus tel groupe, renoncent à telle manifestation, n’osent plus faire ceci ou cela en vue d’une domination à venir qui le prohibera.

De tous les défaitismes, c’est bien là le plus à redouter. Il s’est particulièrement aggravé depuis la défaite de la France. Chacun se sent déjà saisi par la main de fer du nazisme et songe à se conformer à une tyrannie dont il n’est pas encore étreint matériellement mais moralement. Comment expliquer autrement l’audace des gens des Fronts et des sacristies, sinon que par cette véritable mentalité des vaincus ?

Car, enfin, que signifient fascisme, nazisme et cléricalisme ? Là où ils règnent le sort des populations est-il meilleur ? Ont-ils assuré le bien-être et la paix dans la liberté ? Ont-ils supprimé les inégalités, les usurpations, les oppressions du corps social ? A toutes ces questions, il ne saurait être donné qu’une réponse négative, et alors pourquoi ne pas souffleter avec les faits, les expériences, les exemples que nous pouvons invoquer certains faux novateurs et rénovateurs ?

Il n’est pas rare d’entendre aussi parler de faillite du socialisme. Mais où, quand et comment a-t il trouvé un commencement d’application ? Même là où il y a eu des ministres et même des gouvernements socialistes, ils ne détenaient guère les leviers de commande, qui restaient toujours aux mains des ploutocrates, appuyés par le clergé, le fascisme et le nazisme, qui n’en ont pas moins trouvé bon, comble d’impudence, de s’affirmer anticapitalistes ! Nous n’entendons certes pas excuser les partis dits socialistes et leurs chefs, mais leur tort a été de n’être socialistes que de nom et d’avoir, sous la pression de tous les éléments rétrogrades, fait la politique de leurs ennemis. Il est ainsi canaille de parler de faillite du socialisme.

La démocratie aussi, selon nos frontistes et corporatistes, aurait fait faillite. A part qu’elle a réalisé des progrès immenses, de beaucoup supérieurs à ceux de toutes les autocraties, qui a empêché la démocratie de faire mieux sinon ceux qui ont travaillé haineusement contre elle en vue d’une soi disant révolution, qui n’est en réalité qu’une restauration de ce qu’une longue et tragique expérience avait condamné ?

Que le monde capitaliste soit vaincu, moralement du moins, nous n’en disconvenons pas, mais à quoi peuvent bien songer les ennemis de tous temps du socialisme sinon à le sauver ? Lorsqu’ils déclament contre lui, ils font preuve de la plus perfide hypocrisie, car en réalité ils méditent par une fausse transformation économique d’escamoter celle que réclament les immenses changements accomplis dans les moyens de production et de communication.

Le socialisme — ce mot étant compris dans son acception la plus large — n’est pas vaincu, puisque à aucun moment il n’a pu faire librement ses preuves, expériences et applications. Les socialistes, les premiers, avaient renoncé à les faire pour reléguer Marx dans les combles, selon le mot de Giolitti. Et ce n’est certes pas à présent qu’ils songent à le descendre des combles pour le porter à travers les rues et les places. Eh bien, c’est nous qui avons à lutter contre leur mentalité de vaincus, à repousser l’embrassade menteuse qui nous est proposée pour affirmer notre programme d’émancipation intégrale par l’expropriation.

Ouvrier, prends la machine !

Prends la terre, paysan !

2 réponses sur « Mentalité de vaincus »

On pourra remplacer  » prends la machine »par ouvre l’ordinateur. .. autrement, rien n’a changé …ou peut-être si : une révolte souffle sur toute la terre et affolle les chefs … qui ont tous sorti l’artillerie lourde.
A suivre….

En effet, le contexte est bien différent. Nous ne sommes pas en 1940 fort heureusement. Mais d’aucuns diraient qu’il ne faut pas prendre la machine mais la saboter et sauver ce qu’il reste de terre…

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