Mon texte intitulé « Messali Hadj. Un Tlemcénien rencontre une Lorraine » a été publié dans le livre collectif Un Paris révolutionnaire. Émeutes, subversion, colères, paru cette année aux Editions Libertaires.
Voici la présentation de l’ouvrage par Claire Auzias :
Un jour, la tombe de Jean Baptiste Clément était couverte de cerises fraîches ; des pendants d’oreilles ornaient juteusement ses bas-reliefs. C’était magnifique. Las, de conventionnels œillets rouges vinrent plus tard les faner. Plus jamais on n’embauma la stèle du chansonnier le plus célèbre de la geste révolutionnaire.
Je préfère quant à moi le Paris bohémien de la cité des Roulottes qui éclot un fier matin de la fin du XIXe siècle aux flancs de la place Clichy, semant un beau désordre dans l’équerre des lois scélérates, comme j’aimais savoir proche le cirque Romanès, en ce même lieu cent ans plus tard. […]
De réminiscences en hauts lieux partagés, nous avons porté des raisins frais à Louise Michel à Levallois-Perret, des fruits au gastrosophe du cimetière de Montmartre, et nous avons joué au tarot des rues pour agrémenter l’aujourd’hui.
Ce livre est une incitation au jeu.
Pour rire encore, nous avons répudié pédantisme ou didactisme ; ces pages n’étalent pas des connaissances monumentales qui sont la vie commune de ceux qui se contemplent dans les révolutions.
Encore bien moins s’agit-il de faire le tour de la question ! Seuls les ignorants croient tout savoir. Les kilomètres de bibliothèques du monde, les kilogrammes de papiers impubliés, les monceaux d’archives jamais triées, les mémoires sensibles des contemporains confirment qu’on ne vient pas à bout — c’est son essence même — d’une chose illimitée telle que la révolution.
Depuis « Sur certaines possibilités d’embellissement irrationnel d’une ville » des surréalistes, jusqu’aux flâneries du Baudelaire barricadier de 1848, à travers les jeux de l’oie des pouvoirs successifs qui s’approprièrent la ville, nous dérivons, après les situationnistes, parmi nos émotions arbitraires : pourquoi ce lieu plutôt qu’un autre ? Pourquoi cette silhouette, et non pas celle-ci ?
Les quelques règles du jeu proposées aux auteurs étaient précisément leur bon plaisir, et entière partialité ; ni représentativité (ce leurre d’objectivité auquel les scientifiques durs ont renoncé depuis belle lurette), ni concours général : nos manuels scolaires sont là pour nous promener d’images pieuses en Champs-Élysées tricolores. À quoi bon célébrer ceux que chacun connaît ? Place ici aux rassemblements anonymes, aux héros d’un grand soir, aux visionnaires inaperçus et aux cosmopolites de toujours. Mais oui, nous nous jouons aussi des constructions hiérarchiques, et les plus visibles devant la scène ne sont peut-être qu’instruments provisoires.
Ce livre est invitation à Cythère : à continuer l’écriture des révolutions comme il vous plaira.
Claire Auzias