Article de Lucien Tronchet paru dans Le Réveil anarchiste, n° 1033, 4 novembre 1939.
Il est indéniable que les événements actuels jettent le trouble dans les consciences.
Par la « guerre des nerfs » les gouvernements remportent ainsi une première victoire sur leur ennemi héréditaire : Le peuple.
Tout le monde sait que le bourrage de crâne fait partie intégrante du système pour la préparation et la conduite de la guerre.
Ces dernières années, nous assistons à des volte-face déconcertantes et à des tournants vertigineux. Bien malins sont ceux qui s’y retrouvent dans le maquis diplomatique.
Ainsi, qu’on le veuille ou non, nous sommes entraînés dans l’orbite de la guerre, que ce soit sur ou sous terre, sur ou sous l’eau, dans les airs comme à l’usine, au chantier comme chez soi.
C’est précisément à cause de cela que la guerre est la plus ignoble des épidémies qui frappe indistinctement forbans et innocents.
La méthode militaire consiste à limiter les dégâts dans son camp, par toute sorte de moyens de protection.
Les civils ont donc bien le droit, eux, de se mettre à l’abri des bobards de la « guerre blanche », qui doit détruire leurs nerfs, comme facteur de la guerre totale engagée par des diplomates de tous les gouvernements au service du capitalisme.
Pour se préserver de cette Xme arme, il ne s’agit pas de porter un masque à gaz, complété par des œillères, en se proclamant neutre. Nous devons analyser les événements avec sang-froid, en nous plaçant à l’angle du socialisme et plus exactement au point de l’anarchie.
La logique anarchiste nous évitera de sombrer jamais dans le j’m’enfichisme ou de nous enliser dans la fange des diplomaties. Notre raison nous convaincra davantage que la guerre actuelle est imputable non pas à quelques hommes, mais au seul système capitaliste.
Car enfin, ce qui importe, c’est de ne jamais oublier que les guerres se préparent, se gagnent ou se perdent par la diplomatie, celle-ci étant par définition la duperie devenue principe de gouvernement.
Pendant des années, les anarchistes ont dénoncé l’acheminement inéluctable du capitalisme vers la guerre. D’aucuns ont subi la persécution pour avoir manifesté leur volonté de résister à lai préparation guerrière. Nous n’avons récolté que les railleries des j’m’enfichistes, qui maintenant sont les cobayes du régime.
Les mémoires sont-elles si courtes que l’on aurait déjà oublié l’attitude des diplomates et des gouvernements au cours de ces dernières années ? Ces « oublieux » vont-ils pouvoir profiter du fait qu’on nous empêche déjà de citer certains événements et certaines responsabilités, sous prétexte de sauvegarder les libertés nationales ?
S’imagine-t-on les souffrances endurées par nous pendant des années, alors que chaque jour l’ignoble presse stipendiée par les gouvernements publiait ses manchettes, annonçant les défaites du prolétariat ? C’était chaque fois autant de baïonnettes que l’on retournait dans nos plaies qui saignaient avec celles de nos frères d’outre-frontière.
Car n’est-ce pas, à ce moment-là, les démocraties n’avaient nul besoin de la censure, qui aujourd’hui nous empêche de clamer les rappels nécessaires et vengeurs.
Alors, non ! tout de même ! que l’on ne vienne-pas nous, accuser de manquer de sensibilité, alors qu’en réalité notre cœur est saturée de douleur.
Nous n’avons jamais été des pacifistes bêlants. Et cependant nous ne sommes ni des j’m’enfichistes, ni des neutres, dont le mot rime si bien avec pleutres.
Nous restons anarchistes étant convaincus de l’inhumanité des guerres, qui ne seront abolies que par le remplacement du régime capitaliste par une société égalitaire.
Nous choisissons donc, mais non pas entre deux blocs de diplomaties parallèlement exécrables, mais pour la solution du socialisme.
Seule la paix peut être profitable aux peuples aspirant tous à la justice sociale.
Les peuples sont donc déjà vaincus, dès le moment où éclate la guerre, qui toujours permet au gouvernement de détruire tous les droits et conquêtes populaires.
Ainsi, chaque jour, nous pouvons constater que les gouvernements « démocratiques » emploient l’ « état de guerre » pour imposer l’arbitraire des dictatures que l’on nous convie de combattre.
Alors nous refusons de nous laisser intégrer dans la grande menterie. Nous nous opposons à être des pions amorphes entre les pattes sanglantes des diplomates. Nous résistons à leur guerre.
Au carrefour, trois issues se présentent. Nous voyons : la voie large et plane des acceptations ; la route tortueuse des aveugles ; le chemin raviné, raide et rocailleux du socialisme.
C’est cette dernière issue qui mènera les peuples vers une humanité consciente, juste et fraternelle.
Nous avons choisi ce chemin !
Lucien Tronchet.