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Du « Black-Power »…

Article paru dans L’Insurgé, n° 10, 15 février 1969, p. 2


L’hypocrisie collective de l’Est comme de l’Ouest ne voulait pas voir que, dans les sacro-saintes Olympiades, s’affrontaient les grandes puissances politiques qui président à la destinée du monde.

Des coups de fusil à Harlem, le poing à Mexico… Notre univers est devenu politique ; chaque acte de révolte est la résultante d’une oppression économique, d’une oppression aliénante qui revient toujours au bourbier politique.

Les Jeux de 1936 n’ont-ils pas servi admirablement le IIIème Reich ? Le problème de l’Afrique du Sud reste toujours présent, prouvant bien le caractère raciste des Jeux. Il ne faut pas non plus oublier l’aberrante situation de l’Allemagne de l’Est que nie l’Allemagne Fédérale ; en 1972, les athlètes de l’Allemagne de l’Est auront-ils le droit de concourir à Munich ? L’Amérique blanche refuse toujours le droit d’être aux Afro-Américains. Laissons parler Smith :

« Ils ont dit qu’un Américain avait gagné la course ; si j’avais fait quelque chose de mal, ils auraient dit qu’un nègre avait couru ».

Le Blanc américain, dans sa majorité, raisonne de cette façon. La parole a cessé, le fusil est le seul dialogue pour une ethnie qui a tout perdu et à laquelle on nie la condition d’homme égale à tous.

Le Black Power veut dire Pouvoir noir. Est-ce à dire qu’il faudrait créer un Etat noir ? L’économie même des Etats-Unis ne peut permettre ce genre de réalisation. Alors, le Pouvoir noir est-il condamné à se battre en vain ? Le Pouvoir noir, par la forme même de sa lutte, est un précurseur de ce que sera la lutte de demain de toutes les minorités face aux économies totalitaires : la guérilla urbaine.

La création d’un Etat noir soumettrait le peuple afro-américain à une exploitation beaucoup plus subtile, mais aussi intense : l’exploitation du Noir par le bourgeois noir.

La création d’un Etat noir au sein d’un pays capitaliste serait l’avortement du Mouvement.

D’où vient et qui est le Black Power ?

C’est un Mouvement qui est né en 1954. Il succède au Mouvement Freedom Now (Liberté immédiate). Au départ, par suite de la faillite de l’intégration, c’est un mouvement qui se veut séparatiste. Mais Malcolm X et Carmichael lui donnent vite un autre caractère. Au nationalisme des premiers temps, ils font succéder un contenu idéologique qui est étroitement lié à la lutte du Tiers-Monde et au mouvement socialiste. Malcolm X, après bien des étapes, prêchera l’internationalisme. Il lui faut prendre conscience politiquement de la force des Noirs américains, et de là viendra se greffer le Mouvement des Panthères Noires.

Le but de ce Mouvement est simple : sortir de l’esclavage (bien qu’officiellement il ait été aboli) et mettre en cause le capitalisme et les valeurs occidentales. Sur le plan idéologique, l’influence marxiste est malheureusement notoire.

Il y a une solidarité effective avec tous ceux qui souffrent de l’impérialisme américain. Luther King disait avant sa mort :

« Toute bombe lâchée au Viet-Nam explose chez nous ».

Et cette phrase de Malcom X :

« La lutte pour les droits de l’homme, c’est la lutte pour la liberté concrète de l’homme ».

Et encore :

« Des gens ricanent et disent que la lutte raciale des Noirs est inefficace, mais il faut penser que les minorités agissantes peuvent faire une lutte à l’échelle du monde. Notre lutte est reliée à celle du Tiers-Monde dans l’exploitation et, en général, des exploités contre les exploitants».

« A la violence, nous répondrons par la violence » (Carmichael).

Toutes ces phrases montrent bien la position éminemment révolutionnaire des Noirs américains. Le seul dialogue avec les maîtres est la révolte des esclaves.

Mais l’alliance avec les prolétaires et les révolutionnaires blancs s’avère hypothétique, car le Blanc pense que son intérêt est plus lié avec ceux de sa race. Pourtant, le mot d’ordre du Black Power est clair :

« DETRUIRE TOUT RACISME ET DETRUIRE LE CAPITALISME ».

Pour nous, Européens, la voie est tracée. Cocktail molotov et arme automatique ouvriront de force la voie au socialisme qui, depuis une centaine d’années, cherche à être. Non pas au socialisme que proposent les marxistes de toute obédience, mais le socialisme réconcilié avec la liberté, seule garantie de la chute de cet univers absurde dans lequel nous vivons.

Les fossoyeurs de l’impérialisme seront tous les peuples de toutes races qui sont opprimés.

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