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Palestine

Article paru dans Front libertaire des luttes de classes, n° 1, octobre 1970, p. 8

In the Dawson’s Field hijackings (September 6, 1970) four jet aircraft bound for New York City were hijacked by members of the Popular Front for the Liberation of Palestine (Source)

Depuis plusieurs semaines le conflit israélo-arabe retient l’attention du monde entier. Ce fut d’abord les actions spectaculaires des commandos du F.P.L.P. qui grâce aux détournements d’avions, réussirent à mobiliser l’intérêt de la presse mondiale. Mais ces actions qui avaient pour but de sensibiliser l’opinion publique au problème palestinien, et en même temps de permettre l’échange de prisonniers palestiniens contre les passagers des avions détournés retenus par les palestiniens comme otages, eurent en fin de compte un effet inverse de celui qu’attendait le F.P.L.P.

La bourgeoisie mondiale, par l’intermédiaire de sa presse et de sa radio, réalisa une reprise en main de l’opinion publique mondiale qui consista à faire condamner les organisations palestiniennes en tant que mouvements politiques sur des aspects militaires. Le capitalisme international pouvait ainsi avoir les mains libres pour imposer aux belligérants « sa » paix par le moyen du Plan Rogers proposé et imposé peu avant les détournements d’avions. La bourgeoisie mondiale ne voulait pas remettre en cause l’équilibre politique dans le monde, et dans l’état des choses, il s’agissait par conséquent de mettre un terme au conflit du Proche-Orient ; c’est-à-dire qu’il s’agissait pour l’U.R.S.S. et les U.S.A. de faire accepter « leur » solution par « leurs protégés », malgré eux s’il le fallait. Ainsi s’explique l’agressivité d’Israël envers les U.S.A. et l’hésitation du gouvernement Golda Meir à véritablement commencer les négociations prévues par le plan Rogers. Les arabes le savaient bien qui pouvaient alors se permettre de fracassantes déclarations en faveur de la paix. Finalement dans ce jeux diplomatique où tout n’est que sous-entendu, hypocrisie, les Palestiniens sont les trouble-fêtes. Ce sont les seuls qui ont véritablement quelque chose à gagner dans ce conflit et rien à perdre : enfermés dans leurs ghettos, exilés, subissant les brimades des gouvernements en place ; quand on n’est pas content d’eux, on leur coupe l’eau et l’électricité ! pour eux la victoire est une nécessité de survie. Les pays arabes s’étaient engagés avec les Palestiniens dans une lutte contre le sionisme et l’Etat Israélien en tant qu’instrument de domination de la bourgeoisie capitaliste locale, représentante de l’impérialisme américain, avec une vision révolutionnaire, ce qui impliquait pour les palestiniens, et ils ne s’en sont jamais cachés, de réaliser également la révolution dans les pays arabes ; aussi l’acceptation, même forcée, par les pays arabes du plan Rogers, est une trahison envers les Palestiniens. Les Palestiniens engagés entièrement dans cette optique révolutionnaire ont donc radicalisé leur position vis-à-vis des pays arabes en lançant un formidable défi à la bourgeoisie mondiale. Cette dernière, qui sait très bien que « sa » paix ne résoudra rien, avait donc beau jeu de désigner des responsables. Hussein, face à ce défi du F.P.L.P. qui mettait directement en cause son autorité a dû choisir entre l’acceptation d’une radicalisation du conflit à travers un processus révolutionnaire, ou la reprise en main du pays contre les Palestiniens, au prix d’une guerre civile, avec l’aide de l’extrême droite militaire. Il a choisi. Près de 30 000 morts, huit jours de tueries sauvages, aveugles, de bombardements au phosphore.

Ainsi la conspiration mondiale réalisée contre les Palestiniens a finalement réussi à démanteler une grande partie des commandos. Mais Hussein a perdu la face. Il a mis huit jours là où il pensait régler le problème en 48 heures, parce que les Palestiniens, eux, ont quelque chose maintenant à défendre : leur vie. Ces marginaux du conflit israélo-arabe, et pourtant les premiers intéressés à la résolution du problème, étalent les victimes toutes désignées des impérialistes d’Est et d’Ouest. Ce pantin d’Hussein a pris la responsabilité d’un massacre inutile et qui démontre bien le caractère foncièrement fasciste de la Jordanie et de la majorité des pays arabes. Il est bien temps maintenant pour la bourgeoisie mondiale de jouer les pleureuses sur un massacre qu’elle a incité, soutenu et qui l’arrange bien dans la perspective d’une paix imposée par les tapis verts ou les téléphones colorés des diplomates russes et américains. Une nouvelle fois les bourgeois se font une bonne conscience. Mais les germes d’une paix réelle ne sont ni à Moscou ni à Washington, ils sont, premièrement, dans la destruction du sionisme israélien et du nationalisme arabe (y compris le nationalisme palestinien), et dans la jonction des luttes révolutionnaires des opprimés de cette région, par-delà les intérêts propres à chaque état bourgeois, même s’il se dit progressiste ; luttes contre ces bourgeoisies en place, contre le capitalisme. Il ne s’agit pas, dans l’état actuel des choses, d’approuver ou de condamner tel ou tel mouvement palestinien ; il s’agit de constater que Nasser et les autres clowns arabes sont contents de s’asseoir autour d’une table avec Arafat, le représentant de la bourgeoisie nationaliste palestinienne, et remercient, en silence, Hussein d’avoir peut-être réussi à éliminer les organisations extrémistes.

En effet, il faut bien préciser les choses. Il y a une masse d’exilés palestiniens et de nombreuses organisations qui se disputent la représentativité, et qui vont du nationalisme le plus abject à un anarcho-syndicalisme qui n’ose pas dire son nom. Si politiquement le mouvement palestinien en général est sorti vainqueur de ce conflit, ce n’est pas le peuple palestinien qui en profitera mais bel et bien la bourgeoisie palestinienne sans royaume, solidaire, dans le fond, des bourgeoisies arabes. Aucun des mouvements n’a véritablement réalisé les conditions pour développer un processus révolutionnaire, peut-être parce qu’ils ont donné priorité à la lutte armée contre Israël, mais également et surtout parce qu’ils n’ont pas réussi à toucher les masses arabes et juives et à les engager dans un processus révolutionnaire. Il a donc manque un impact politique dans les masses, au sein des mouvements ouvriers, ou parallèlement. La bourgeoisie palestinienne s’est créée un appareil militaire ; ses intérêts sont éloignés de ceux du peuple qui vit dans les camps. Les organisations palestiniennes dans leur ensemble ont été entretenues par les états arabes, elles n’ont jamais pu développer leur propre vision autonome et révolutionnaire. Elles servaient « d’aiguillons » contre les Israéliens. La seule fois où l’une d’elles a voulu se rendre autonome par rapport aux objectifs des états arabes, le mouvement palestinien s’est retrouvé isolé et vaincu sur le terrain, même si après-coup il y gagne un poids politique qu’il n’avait pas auparavant ; c’est la bourgeoisie palestino-arabe qui sort vainqueur de cette guerre civile. On peut se demander si le peuple palestinien ne va pas être à plus ou moins longue échéance sacrifié sur l’autel de l’intérêt du capitalisme et de l’entente impérialiste russo-américaine, abandonné par tous et pourchassé ?

C’est pourquoi nous devons envisager globalement ce problème et voir comment la lutte révolutionnaire pourra continuer et mettre à bas les bourgeoisies locales et les capitalistes israéliens. Nous avons tenté de le définir tout au long de cet article. Nous pensons que le mouvement palestinien révolutionnaire peut sortir du ghetto dans lequel tout le monde l’enferme actuellement, s’il rejette avant tout sa propre bourgeoisie nationaliste, s’il admet de développer une stratégie révolutionnaire auprès des masses ouvrières, et s’il réalise la liaison avec les mouvements authentiquement révolutionnaires dans les pays arabes et en Israël (il en existe).

La collaboration avec la bourgeoisie a toujours amené la défaite du mouvement révolutionnaire. C’est donc un refonte organique complète et une nouvelle vision théorique et pratique que doit réaliser le mouvement révolutionnaire dans cette partie du monde. Sans lutte sociale et sans internationalisation, il ne peut y avoir de solution révolutionnaire.

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