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Kurt Landau : Pour la renaissance du mouvement ouvrier allemand

Article de Kurt Landau paru dans Masses, n° 9, 15 septembre 1933, p. 4-8

DANS son dernier numéro Masses annonçait l’ouverture d’une enquête sur le fascisme allemand. Le questionnaire ci-dessous est adressé aux militants des divers groupements politiques et syndicaux qui ont participé à l’expérience allemande. Ceux-ci s’expriment en toute liberté et prennent l’entière responsabilité de leurs appréciations sur les événements et les hommes.

1° Quelles sont, à votre avis, les causes économiques, sociales et politiques du mouvement fasciste qui a réussi à prendre le pouvoir en Allemagne ?

2° Quelles ont été, à votre avis, les positions des diverses organisations ouvrières allemandes en face de la poussée fasciste, les raisons historiques de ces positions et quelle aurait dû être l’action de ces organisations ?

3° Quelles perspectives assignez-vous à la situation allemande en général et quelles sont les possibilités éventuelles d’action révolutionnaire ?

4° Quel rôle a joué la Russie Soviétique dans la crise politique en Allemagne et comment les révolutionnaires de l’extérieur et particulièrement ceux de France, peuvent-ils aider de façon la plus efficace le mouvement ouvrier allemand ?


POUR LA RENAISSANCE DU MOUVEMENT OUVRIER ALLEMAND

Plus nous nous éloignons des jours tragiques de mars, plus la catastrophe du mouvement ouvrier devient tristement claire dans toute son amplitude. Le rêve de la révolution pour l’hiver après le printemps hitlérien s’évanouit lentement. Les illusions que l’I.C. avaient nourries après la défaite se brisent contre les angles de la réalité. Au lieu de s’atténuer, la dictature fasciste s’accentue. Elle déçoit bien un grand nombre de ses adhérents, mais elle accroît aussi l’armement de son pouvoir d’Etat et la terreur par laquelle elle étouffe dans le sang toute tentative de la classe ouvrière pour se rassembler à nouveau.

Personne ne peut dire combien de temps la dictature fasciste en Allemagne se maintiendra. Il y a beaucoup de chances pour que le fascisme allemand ne réussisse pas dans la même mesure que le fascisme italien à détruire le mouvement ouvrier ; au contraire de l’Italie, l’Allemagne est un pays très industriel ; les conditions naturelles pour le renouveau de la classe ouvrière qui est rassemblée dans de gros centres industriels y sont plus favorables ; l’importance sociale et économique de la petite bourgeoisie, qui forme la base populaire du fascisme, y est moins grande ; les espérances que toutes les classes possédantes de la société mettent dans le fascisme y sont aussi puissantes, mais les possibilités qu’a Hitler de les réaliser dans le domaine économique sont bien moindres que celles de Mussolini. On sait que Mussolini prit le pouvoir au début d’une période de stabilisation, tandis qu’Hitler y parvient au milieu d’une crise dont on ne voit pas encore la fin. La vague d’industrialisation de ces dix dernières années a renforcé en Italie le pouvoir du fascisme ; en Allemagne, au contraire, le capitalisme, avec son industrie ultra-rationnalisée, ne peut prendre de nouvel essor, ci ce n’est en obtenant par des moyens politiques un nouveau partage de l’Europe. Mais, d’ici-là, un certain temps ne manquera pas de s’écouler.

D’autre part, la classe ouvrière italienne avait été vaincue en combattant, cependant que la classe ouvrière allemande, incomparablement plus forte et plus éduquée, a abandonné sans lutte la scène politique. Les conditions subjectives pour une décomposition durable de la classe ouvrière sont en Allemagne sensiblement plus grandes qu’en Italie.

Ainsi, une comparaison superficielle montre déjà que l’exemple italien ne permet aucune déduction sérieuse par rapport à la durée du fascisme. Nous ne préparerons pas le terrain idéologique d’une montée future de la classe ouvrière allemande avec des analogies et des prophéties, mais par un examen critique de la situation en Allemagne et des facteurs généraux qui ont amené la victoire du fascisme.

I. – LES FACTEURS PRINCIPAUX DE LA VICTOIRE FASCISTE

Dans la discussion internationale qui est engagée actuellement en partie dans les rangs de la social-démocratie, en partie dans les groupes révolutionnaires situés en dehors de la 3e Internationale – l’I. C. interdit dans ses rangs une controverse sérieuse et surtout dans le parti allemand – deux raisons essentielles de la situation actuelle sont invoquées : la terrible crise économique et le système de Versailles. La social-démocratie surtout adopte de plus en plus nettement la thèse que ces deux facteurs ont rendu la victoire du fascisme inévitable.

L’histoire de la Révolution allemande contredit absolument cette théorie fataliste et démontre clairement que les mêmes conditions qui ont amené maintenant la victoire du fascisme auraient amené celle du prolétariat dans des circonstances données. Il est devenu d’usage de dire que le petit-bourgeois enragé, qui a soi-disant toujours été réactionnaire, est et reste le coupable. Mais jetons un coup d’œil sur la dernière décade de la lutte de classes allemande, et nous verrons que la partie avancée de la petite bourgeoisie, longtemps avant de se jeter avec désespoir dans les bras de la contre-révolution, a essayé de trouver le chemin du progrès aux côtés de la classe ouvrière. De 1919 à 1923, une grande partie de la petite bourgeoisie s’est tournée vers la social-démocratie, attendant d’elle un changement profond dans les rapports sociaux et économiques. Elle a été presque aussi amèrement déçue que le prolétariat. Même au point de vue de cette classe et des exigences de la démocratie bourgeoise, la social-démocratie s’est affirmée comme une force réactionnaire. Elle a presque toujours été largement surpassée en radicalisme par les courants de la gauche bourgeoise.

C’est à bon droit que l’I.C. signale la trahison historique de la social-démocratie. Mais elle « oublie » quelques petites choses essentielles. Durant les années 1922-23, sous les coups de l’inflation et de l’occupation de la Ruhr, une profonde transformation s’était opérée dans la conscience des masses, y compris une importante partie de la petite bourgeoisie. Profondément irritées par le comportement des partis bourgeois et de la social-démocratie qui se montrèrent incapables de résister à l’impérialisme français et soutinrent l’inflation, non seulement la majorité de la classe ouvrière, mais encore une grosse partie de la petite bourgeoisie se tournèrent vers le parti communiste. Leur mot d’ordre était : « Avec les communistes contre Stinnes, avec l’armée rouge dans la Ruhr ». Naturellement, le fascisme hitlérien croissait en même temps, ainsi que d’autres mouvements contre-révolutionnaires, principalement dans les parties non industrielles, semi-agrariennes de l’Allemagne. Mais le rythme de croissance des forces révolutionnaires était incomparablement plus rapide que celui des forces contre-révolutionnaires. C’est alors, dans la profonde crise sociale et politique de l’année 1923 que le prolétariat eut les plus éclatantes possibilités de combattre pour le pouvoir, avec l’appui de la petite bourgeoisie.

La politique de l’I.C. et de la direction du P.C.A. a étranglé alors la Révolution montante. La tentative aventureuse que fit alors la Centrale du parti sous l’influence de Radek pour réaliser un front de lutte extra-parlementaire dans la Ruhr (1) avec les fascistes, dans le même temps qu’un gouvernement commun avec la social-démocratie dans les pays allemands, cet opportunisme a décomposé le mouvement de masse. Les ouvriers réformistes perdirent confiance en raison du front unique tenté avec les fascistes, et les ouvriers révolutionnaires furent déroutés quand ils virent que la lutte n’était pas dirigée vers l’insurrection, mais vers un gouvernement parlementaire des communistes avec les social-démocrates.

Quand, en octobre 1923, le P.C.A. voulut poser la question de la prise du pouvoir, il vit avec étonnement que l’essor révolutionnaire des masses était déjà en décrépitude. Sans opposer de résistance, il abandonna son champ de lutte politique quand la marche de la Reichswehr ordonnée par Ebert le chassa du gouvernement de la Saxe.

Lors de cette défaite historique, non seulement de grandes parties du prolétariat perdirent confiance dans le P.C.A., mais la petite bourgeoisie s’éloigna du prolétariat pleine de déception et d’amertume. Elle perdit après ses expériences avec le P.S.A. et avec le P.C.A. sa confiance dans la capacité du prolétariat de tirer le pays du trouble et des contradictions capitalistes.

En exhumant ce fonds historique, il devient compréhensible que, dès le début de cette crise (1929-30), les masses de la de la petite bourgeoisie soient entrées en lutte ouverte avec le prolétariat et se soient jetées dans les bras du fascisme. Cela ne signifie pas cependant que, du fait des conséquences de 1923, l’effort de la classe ouvrière, pour arracher ces couches sociales au fascisme, était sans espoir. Cela signifie seulement que la situation pour le prolétariat était difficile.

La crise qui survint, en empirant la situation matérielle des masses, les tira de leur tranquillité. Bien avant la radicalisation des masses ouvrières, l’avant-garde contre-révolutionnaire de la petite bourgeoisie était passée à une action qui gardait encore un caractère d’isolement, mais qui n’en était pas moins symptomatique de la profonde fermentation sociale, surtout dans les masses paysannes (vague de terreur du Schlesvig-Holstein, été 1929).

La classe ouvrière, toutefois, avait encore à ce moment toute possibilité d’orienter les mouvements sociaux et politiques naissants dans la voie de la révolution prolétarienne. Il était seulement nécessaire, pour cela, que la partie révolutionnaire avancée du prolétariat reconnaisse la situation véritable, et prenne conscience des moyens de rassembler toutes les forces de la classe ouvrière pour se défendre contre l’offensive générale de la bourgeoisie. Si la petite bourgeoisie penchait à voir dans le plan Young la cause de l’empirement de sa situation, il n’y avait qu’un seul moyen de la convaincre que le véritable ennemi commun des masses ouvrières et petites-bourgeoises est le capital financier allemand. Ce moyen, c’était l’action de masse révolutionnaire du prolétariat. Si, en 1923, la petite bourgeoisie s’était détournée avec mépris des ouvriers dans la pensée qu’ils étaient incapables de bouleverser le sort du pays par une révolution, elle ne pouvait plus, dans la crise de 1930, être convaincue par la seule propagande, mais uniquement par l’action, que la classe ouvrière et son parti révolutionnaire avaient tiré leçon de leurs erreurs. Il fallait parvenir à rassembler pour sa défense toutes les forces de la classe ouvrière, et par ce rassemblement élever à tel point sa conscience de classe qu’elle résiste par une lutte de masse à l’attaque politique et sociale de la réaction, et, dans un essor extraordinaire, entraîne avec elle la petite bourgeoisie. Le sort du mouvement ouvrier allemand en dépendait. L’action seule pouvait montrer aux masses non prolétariennes que la lutte de classes prolétarienne, en supprimant l’esclavage capitaliste du salariat, abolissait aussi le système de Versailles et le plan Young. L’Allemagne n’a pas vu cette lutte. En dehors de quelques exceptions isolées il n’y eut pas de grève en Allemagne depuis 1929. Il n’y eut pas d’action de masse. Il n’y eut pas de combat. Dans les campagnes, le ruisseau fasciste s’enflait en torrent, emportait la petite bourgeoisie des villes, et, dans la seconde moitié de 1930 déjà, frappait aux portes des bastions prolétariens. Des tentatives de rassemblement se faisaient jour dans le prolétariat pour entreprendre de résister ; toujours à nouveau ces tentatives étaient étouffées dans l’œuf. Ces convulsions durèrent trois années pleines avant d’aboutir finalement à la catastrophe en mars 1933.

Le prolétariat allemand, l’avant-garde de la classe ouvrière européenne, a-t-il désespéré de lui-même ? A-t-il oublié ses traditions héroïques ? A-t-il été vaincu parce qu’il s’est incliné sans combattre devant les forces croissantes de la contre-révolution, comme le pense Karl Kautsky, et comme le déclarent les chefs social-démocrates ? Là est la question.

II. – SOCIAL-DEMOCRATIE ET INTERNATIONALE COMMUNISTE

LEURS POLITIQUES ET LEURS RESPONSABILITES

Juan Rustico, dans ses notes émouvantes, a décrit les stations de calvaire du prolétariat allemand. Je ne veux pas répéter ce qu’il a déjà dit, mais seulement insister sur quelques faits primordiaux.

Les chefs de la social-démocratie allemande ont trahi en 1914 le socialisme et les intérêts élémentaires du prolétariat en passant du côté de l’impérialisme allemand. En 1918-19, ils ont réprimé par la force armée la révolution prolétarienne qui se développait en dehors d’eux et malgré eux, et ils ont détruit l’avant-garde du prolétariat allemand sous leurs coups sanguinaires.

La République bourgeoise de Weimar n’était pas le résultat de la politique social-démocrate, mais celui de la peur de la bourgeoisie allemande devant la révolution prolétarienne menaçante. Les droits politiques de la classe ouvrière, ses conquêtes sociales de la révolution de novembre furent les sous-produits, les concessions de la bourgeoisie au cours des luttes révolutionnaires de la classe ouvrière allemande. Rien de ce qu’elle a conquis depuis 1918 ne le fut par la social-démocratie, mais malgré celle-ci.

Quand la démocratie bourgeoise, du fait des formidables tensions sociales occasionnées par la crise se rompit, ce fut la social-démocratie qui se montra la partie la plus corrompue de la société bourgeoise. Elle se livra elle-même, ainsi que la république bourgeoise, fors du coup d’Etat Papen-Schleicher, le 20 juillet 1932, contre le gouvernement, prussien. Les « hommes forts » qui menaçaient continuellement le prolétariat du fer et du feu et l’avaient écrasé avec la plus bestiale cruauté (janvier 1919, 1921, mai 1929), ces mêmes hommes d’Etat qui persécutaient les organisations et la presse révolutionnaires du prolétariat, n’osèrent pas la moindre lutte politique en face de la contre-révolution fasciste. Comparativement à la lâcheté politique de la social-démocratie allemande, certains politiciens bourgeois réactionnaires, comme les ministres bavarois, se conduisirent en héros.

Tout cela est connu, mais il faut fixer le rôle réactionnaire sans équivalent de la social-démocratie allemande, il faut savoir de quelle haine profonde et brûlante la poursuivent les ouvriers avancés et la jeunesse ouvrière révolutionnaire, elle, ses « hommes d’Etat » et ses fonctionnaires qui avaient en outre adopté les mœurs et les habitudes de la bourgeoisie réactionnaire et se montraient, pour une part d’entre eux, directement corrompus – pour comprendre comment la politique petite-bourgeoise d’apparence révolutionnaire de la direction du P.C.A. trouva néanmoins tant d’échos dans le prolétariat.

Il y a aujourd’hui des révolutionnaires, des communistes, qui accusent le P.C.A. vaincu d’avoir trahi par sa politique la classe ouvrière allemande. C’est par exemple l’opinion de Trotsky que les chefs communistes auraient su ce qu’il fallait faire, mais qu’ils ont été forcés par Staline à poursuivre une politique contraire, parce que celui-ci voulait à tout prix éviter la lutte révolutionnaire.

On ne peut absolument pas parler d’un pareil « complot de trahison » de Staline et de Thaelmann. Si l’on jette un coup d’œil d’ensemble sur la politique du P.C.A. et sur ses funestes erreurs de la période qui précéda la victoire fasciste, il n’est pas difficile de voir que la fraction dirigeante se montrait en toute circonstance incapable d’apprécier la situation réelle. Ce n’était pas la conscience des ouvriers avancés marxistes qui se reflétait dans sa politique, mais les espoirs et les illusions de la partie révolutionnaire de la petite bourgeoisie citadine et des couches inexpérimentées, inévoluées du prolétariat, particulièrement de la jeunesse et des chômeurs.

Le groupe Thaelmann-Neumann-Remmele, à la veille de la crise, lors du « Congrès de Wedding du P.C.A. » (1929), qui était sous le signe du 1er mai sanglant, accomplit un tournant décisif. Il admit que le 1er mai serait le prologue d’une lutte révolutionnaire dans laquelle, comme en janvier 1919, on verrait d’un côté de la barricade le gouvernement social-démocrate, et de l’autre le prolétariat révolutionnaire. C’est de ce pronostic que renaquit la dénomination de « social-fascisme » pour la social-démocratie (2).

La tactique du P.C.A. résulta de cette fausse appréciation de la social-démocratie et de la constellation des forces en présence. Il vit en la social-démocratie son principal ennemi et sous-estima le fascisme jusqu’au dernier moment. De là le refus inflexible de tout front unique avec la social-démocratie et l’idée de nouveaux syndicats ; de là la tactique aventureuse d’août 1931, le front unique avec les fascistes dans le plébiscite contre le gouvernement social-démocrate de Prusse, et finalement dans la grève des transports de Berlin en novembre 1932.

Cette appréciation fondamentalement fausse ne fut jamais abandonnée, même quand le fascisme parvint au point central de l’arène politique. Comme la social-démocratie, jusqu’au 20 juillet, c’est-à-dire sept mois avant la catastrophe de mars 1933, avait encore le pouvoir dans les deux tiers de l’Allemagne, en Prusse, les chefs communistes tenaient pour impossible que le fascisme la combatte sérieusement ou l’anéantisse, alors qu’elle avait rendu de si étonnants services à la contre-révolution et organisé la terreur contre le prolétariat révolutionnaire. Le caractère propre du fascisme leur échappait. Ils le voyaient déjà dans la dictature Brüning, et méprisaient les oppositionnels de gauche qui les mettaient en garde contre l’approche de la bataille décisive avec le fascisme.

Aveugle et sourd, plein d’illusions, surestimant ses propres forces, le P.C.A. s’avançait en titubant vers la catastrophe. Ses chefs la voyaient si peu venir, ils étaient si peu préparés à un engagement décisif, que le 28 février, le jour du coup d’Etat fasciste, ils ont été parfaitement surpris. Et ceci bien que, depuis un mois déjà le bloc contre-révolutionnaire Hitler-Hugenberg ait été formé, au sein duquel la dictature fasciste mûrissait de toute évidence.

L’aveuglement du parti révolutionnaire qui, sous la direction de Thaelmann, avait été changé en caserne, où la politique était remplacée par le commandement, la pensée critique par le mot d’ordre, et l’éducation par les formules toutes faites, a idéologiquement désarmé le prolétariat révolutionnaire. Il ne lui fut pas possible d’attirer à lui les ouvriers social-démocrates déçus et radicalisés. Les ouvriers socialistes perdirent la foi en la capacité du P.C.A. de conduire sérieusement une lutte de classe.

Les deux parties du prolétariat doutèrent de la possibilité d’une lutte commune. Mais quand malgré tout, sous l’impression de l’approche de la catastrophe, les ouvriers faisaient, de leur propre chef ou influencés par de petits groupes révolutionnaires, un pas en avant, alors la bureaucratie communiste, de peur que les communistes puissent oublier que l’ennemi principal était la social-démocratie, et la bureaucratie socialiste, par frayeur que des luttes révolutionnaires ne viennent à s’engager, étouffaient dans l’œuf toute tentative vers une issue quelconque. Ainsi les organisations sur lesquelles s’appuyait le prolétariat, d’instruments de ses énergies révolutionnaires et créatrices, devinrent ses freins. Ce renversement du rôle progressif des organisations ouvrières en un facteur de décomposition, d’un côté par la trahison de la social-démocratie, de l’autre par la dégénérescence petite-bourgeoise du P.C.A., explique le phénomène sur lequel Juan Rustico a insisté : chacun des ouvriers conscients, soit socialiste, soit communiste, était individuellement plein de courage et prêt au combat. Mais la classe était paralysée par la trahison et l’aveuglement politique de ses organisations.

A l’automne 1931, un groupe important de social-démocrates de gauche tenta de trouver une issue à cette situation en fondant un nouveau parti ouvrier : le parti ouvrier socialiste (S.A.P.). Ce parti qui, à son début. comprenait 50.000 membres, entra en lice avec la prétention d’être le véritable représentant de la classe ouvrière. Sa politique au début fut de phrases pacifistes et de serments de front unique prolétarien. Dans l’étape décisive, en février 1933, ce parti ne trouva rien de mieux que de proposer un plébiscite pour le front unique prolétarien. Tandis qu’il perdait ses membres à un rythme accéléré, et que sa petite influence diminuait toujours davantage aux divers votes de 1932, il se renforça d’un groupe de communistes de droite : Walcher, Frölich, Frank, les mêmes qui, en 1923, avec Brandler, avaient mené le parti à sa dégénérescence idéologique et à la défaite politique. A la veille de la catastrophe, l’opportunisme décomposa le petit parti : la majorité de ses dirigeants retourna au P.S.A. (Seydewitz, Ziegler), d’autres cherchèrent refuge dans le P.C.A. (K. Rosenfeld). Même avant que la véritable terreur ait été instaurée, le chiffre des membres du S.A.P. était tombé à 14.000 (3). La tentative de fonder un nouveau parti en Allemagne avant la catastrophe de mars avait lamentablement échoué. Offre-t-elle aujourd’hui, après la défaite du P.C.A. et la dissolution du P.S.A., plus de chances de réussite ?

La question de savoir si la défaite du P.C.A. doit engager les éléments révolutionnaires du parti et de la classe ouvrière à rompre avec le P.C.A. et l’I.C. est aujourd’hui à l’ordre du jour dans les rangs communistes, surtout en Allemagne. Les éléments de gauche du P.C.A., aussi bien ce qu’on appelle « la gauche de Wedding » (groupe « Der Funke ») à laquelle appartient l’auteur de ces lignes, que la majorité des trotskistes allemands – ceux-ci appartinrent à notre groupe jusqu’en mai 1931, et s’en séparèrent au cours d’une discussion politique où ils soutinrent que notre perspective qu’Hitler était à la porte du pouvoir était fausse et ressortissait à un sentiment de panique (4) – tous repoussent la fondation d’un nouveau parti. Nous partons de ce fait que le P.C.A. n’a pas trahi la classe ouvrière. Les ouvriers allemands savent très bien que le P.C.A. s’est montré incapable d’entraîner le prolétariat au combat, malgré ses efforts désespérés, tandis que le P.S.A. s’est montré capable de mener jusqu’au bout la trahison des ouvriers et la capitulation devant Hitler, jusques et y compris à se solidariser avec Hitler au Reichstag (17 mai). C’est pourquoi les ouvriers social-démocrates conscients se détournent avec mépris et dégoût de leurs chefs et de leur politique, tandis que le noyau prolétarien du P.C.A., tout en commençant à se dissocier violemment de sa direction, reste fidèle à son parti.

III. – LE ROLE DE LA REPUBLIQUE SOVIETIQUE DANS LA TRAGEDIE ALLEMANDE

Longtemps avant l’écroulement du mouvement ouvrier allemand, le doute quant à la justesse de la stratégie et de la tactique qu’empruntait le parti russe, principale section de l’I.C., s’était répandu. La catastrophe allemande met au point central aux yeux de toute la classe ouvrière consciente la question de la responsabilité immédiate du parti russe dans les événements d’Allemagne. C’est avec une profonde colère que les ouvriers révolutionnaires ont constaté qu’aucun geste de solidarité avec la classe ouvrière allemande ne s’était fait jour dans la République des Soviets. Aucune manifestation de masse, aucun meeting de protestation dans les usines, aucune mesure contre l’Etat fasciste de la part de l’Etat soviétique ; de tels faits ne donnent-ils pas à penser que Staline voulait la capitulation sans combat du P.C.A. pour éviter des troubles et les complications qui s’en seraient suivies pour sa politique extérieure comme le pensent les adhérents de Trotski ? Ou plutôt, comme les dirigeants du S.A.P. Walcher, par exemple, le soutiennent depuis longtemps, n’est-ce pas que Staline voulait une victoire du nationalisme extrémiste en Allemagne, et imposa dans cette vue le national bolchevisme au P.C.A., afin d’éviter un bloc franco-allemand qui aurait été fatal pour la Russie ? Les gauches ont combattu avant la catastrophe ces « idées » de marxisme vulgaire et ils ne les combattent pas moins résolument aujourd’hui. La révolution allemande n’a pas été étranglée par un complot de Staline, ni pour l’un ni pour l’autre but qu’on lui prête.

Toute tentative de critiquer, de ce point de vue la politique de l’I.C. ou des Soviets, conduit inévitablement au marais. Mais il est indéniable que le pouvoir soviétique a failli à sa tâche de la façon la plus funeste en ce qui concerne la situation allemande. Le parti russe n’a pas seulement fortifié le P.C.A. dans sa fausse appréciation de la situation et dans sa fausse politique, mais il lui en a lui-même montré le chemin sur les principales questions. La confusion de la social-démocratie et du fascisme et le refus persistant de front unique émanaient de la direction de l’I.C. qui est entre les mains du parti russe. La création de syndicats indépendants en Allemagne a été recommandée par Losovsky, le protagoniste de l’Internationale syndicale rouge.

Ici, on ne peut plus parler de fautes, mais d’un système radicalement faux (5). Les dirigeants de l’I.C., c’est-à-dire les dirigeants du parti russe, à chaque étape de la crise allemande ont conduit le parti allemand vers la catastrophe. Et maintenant que les résultats de cette politique sont visibles dans toute leur horreur, loin d’apprendre quelque chose de l’expérience, ils exercent au contraire une répression accentuée dans leurs rangs contre ceux qui commencent à douter de la justesse de la politique poursuivie jusqu’ici.

La direction du parti russe n’a pas trahi la révolution allemande, mais elle a depuis longtemps perdu la foi dans la révolution internationale et, en vertu de ce pessimisme, qui s’est développé dans le parti russe depuis la défaite allemande de 1923, elle a tiré des conséquences théoriques et stratégiques de grande portée. Elle concentre son attention et celle de la classe ouvrière russe exclusivement sur les questions russes et répand la lamentable illusion qu’elle réussira, indépendamment du développement et du rapport de forces internationales entre la bourgeoisie et le prolétariat, à édifier une société socialiste nationale isolée en Russie.

Jamais un médecin convaincu que son malade est perdu sans remède, ne se dira capable de trouver un moyen nouveau de sauver le désespéré. Sans la croyance à la possibilité de sauver le patient jamais les forces intellectuelles qui conduisent à la découverte de nouveaux moyens de sauvetage ne se mettront en mouvement. Se confier à un pareil médecin équivaudrait à se mettre entre les mains du fossoyeur. Or, la révolution qui mûrissait en Allemagne était confiée à des chefs qui tenaient bien pour possibles des situations révolutionnaires, mais qui ne croyaient pas à la victoire de la révolution prolétarienne en Allemagne à l’époque actuelle. Comment une pareille direction aurait-elle pu déployer les capacités créatrices nécessaires pour armer moralement le parti en vue des possibilités révolutionnaires ? Elle croyait que la révolution naîtrait seulement sur le tombeau de la social-démocratie. En réalité la révolution s’approchait en Allemagne sous la forme d’un choc entre fascisme et prolétariat que les communistes, prenant pour point de départ la position de défense, devaient transformer en lutte pour le pouvoir prolétarien.

Le résultat de la direction stalinienne n’est pas funeste pour le prolétariat allemand seulement, mais pour la Russie elle-même. La victoire d’Hitler n’a pas fortifié la position internationale de la Russie, mais l’a grandement affaiblie. Prise entre les tenailles d’un Japon ultra-impérialiste à l’est et d’une Allemagne fasciste, la Russie se trouve dans une situation très sérieuse.

Les dirigeants du parti russe ont réagi aux événements d’Allemagne en véritables opportunistes, et non en révolutionnaires, c’est-à-dire par un appel aux masses ouvrières russes et des protestations publiques ; au contraire, ils se retirent encore davantage de l’arène internationale et croient améliorer leur situation en évitant d’ « exciter » le fascisme allemand par des manifestations de solidarité ou d’y perdre leur temps. Sans doute un statisticien ingénieux a déjà calculé combien de millions d’heures de travail coûte une seule action de ce genre, et montré de combien de jours elle retarderait la société socialiste.

IV. – QUE FAIRE ?

La catastrophe allemande pèse lourdement sur le prolétariat international. Espérer que la dictature fasciste s’écroulera prochainement est pure illusion. Les forces qui pourraient traduire en actions révolutionnaires le mécontentement général et croissant des masses ne sont pas encore mûres. Le prolétariat vaincu est encore en voie de décomposition. Les points extrêmes de la crise du mouvement ouvrier et de l’ascension de la dictature fasciste ne sont pas encore atteints. Les rares luttes dans les usines, les quelques protestations ici et là ne sont que de faibles relents de la bataille perdue, mais non les premiers symptômes d’une activité des masses réveillées. Le nombre des petits bourgeois trahis et déçus qui commencent à se rendre compte du caractère véritable du fascisme, est encore infime. Pour autant qu’ils manifestent leur mécontentement du régime hitlérien, ce n’est pas en se rapprochant de la lutte prolétarienne antifasciste, mais en tant que courant indépendant, romantique et contre-révolutionnaire qui essaye de pousser le fascisme au-delà de sa politique réaliste, avouée.

Les révolutionnaires allemands doivent compter avec de longs délais. Cela ne veut pas dire que l’on doit attendre passivement que la situation s’améliore. Pour le travail illégal, elle ne deviendra pas plus favorable, mais plus difficile. La police politique secrète est encore jeune et montre souvent une inexpérience et une ignorance surprenantes. Elle apprend vite et beaucoup. Tous ceux qui attendent des temps meilleurs et reculent maintenant devant le travail illégal le pratiqueront encore moins dans l’avenir.

Une politique de longue vue consiste avant tout à ne pas, perdre légèrement les cadres existants pour un simple succès momentané. A ce point de vue, la direction du P.C.A. illégal se conduit d’une façon criminelle. Mais la situation dans le parti illégal se différencie profondément de la période légale. L’autorité de la direction battue est ébranlée. Les meilleurs cadres du parti commencent à tirer par eux-mêmes les leçons de la défaite. Ils seront soutenus dans leurs efforts de clarté et de travail révolutionnaire sérieux par les oppositionnels de gauche, qui forment une fraction indépendante qui essaye de développer les ouvriers avancés, dans le parti et hors de lui, surtout dans les usines, par des publications et un travail politique systématique. Ce travail sera affaibli par le départ volontaire des adhérents de Trotsky, car s’ils ne se séparent pas de Trotsky, ils seront obligés de suivre la ligne d’un nouveau parti ; actuellement, la grande majorité de ses cadres s’oppose encore à cette ligne.

Déjà, dans le parti illégal, nombre de ses membres refusent de répandre le matériel politique de sa direction et demandent aux oppositionnels du matériel politique sérieux. La transformation idéologique de la meilleure part du parti illégal s’opère lentement et dans des conditions épouvantablement difficiles.

La reconstruction du parti battu et la transformation idéologique de ses cadres est la tâche essentielle. Elle ne peut être menée à bien que par les cadres de l’aile gauche du parti, dont la plate-forme a été confirmée par les événements, et non par sa direction banqueroutière. Mais la reconstruction du parti révolutionnaire du prolétariat ne suffit pas. Il faut trouver des moyens pour attirer dans la lutte les ouvriers antifascistes qui ne sont pas encore communistes, pour les rassembler, et, par leur expérience, les gagner au communisme. Le groupe des communistes de droite (Brandler, Talheimer) pense – et ils sont en cela pleinement d’accord avec la direction du parti – que des nouveaux syndicats illégaux peuvent remplir cette tâche. Ce n’est pas notre opinion. Sous la domination fasciste qui oblige la classe ouvrière tout entière à s’organiser dans ses syndicats, en Allemagne où 4 millions de syndiqués conscients ont été simplement « étatisés » par. le nouveau régime, le mot d’ordre de la droite « refus de cotisation et sortie des syndicats », est une aventure qui ne coûtera que des sacrifices et ne mènera à rien. Le devoir du révolutionnaire est de rester même dans les syndicats fascistes contre révolutionnaires, et d’y rassembler les ouvriers conscients en une aile de lutte de classe illégale qui sera de force, quand la crise de la dictature fasciste éclatera, à faire sauter le joug des syndicats fascistes. D’après l’exemple des hommes de confiance autour desquels les masses révolutionnaires se groupèrent en 1918 dans les usines, il faut instituer de ces hommes de confiance qui constituent l’épine dorsale de la lutte de classe dans les usines, parmi les chômeurs et dans les camps de travail. Ce système des hommes de confiance est l’organe large, qui convient sous la dictature fasciste au prolétariat. Dans la vague montante de la lutte, il peut être le point de départ d’un système de conseils ouvriers.

V. – COMMENT LE PROLETARIAT INTERNATIONAL PEUT-IL AIDER LE PROLETARIAT ALLEMAND ?

Le prolétariat international n’a réagit que très faiblement jusqu’ici. Les grandes organisations étrangères, et ceci s’applique aussi à la France, ne se sont pas encore mobilisées dans des actions de solidarité contre le régime hitlérien. La 2e Internationale et l’Internationale syndicale d’Amsterdam se sont décidées à soutenir le boycottage des marchandises allemandes, obéissant à l’appel de grandes organisations bourgeoises, juives surtout. Nous tenons cette forme de lutte pour fausse et dangereuse. Elle mène à un front unique avec les bourgeoisies des pays qui, pour des raisons visibles de concurrence, tiennent à éloigner de leurs marchés les marchandises allemandes. En outre, ce qui l’emporte sur le marché mondial, ce n’est pas le sentiment, mais le prix ; et dès l’inauguration du mouvement de boycottage, des plaintes s’élevèrent contre le sabotage du mouvement, même par des capitalistes juifs. Cela peut paraître très triste à des petits-bourgeois nationalistes et honnêtes ; pour des marxistes, cela va de soi. Pour la bourgeoisie, la nation finit où le profit commence.

Ce n’est pas dans un front unique avec les bourgeoisies de ses patries respectives que la classe ouvrière internationale peut venir en aide au prolétariat allemand persécuté, mais seulement par sa propre lutte de classe. Les dockers d’Anvers et de Barcelone, de Constanța et d’autres ports qui ont refusé de décharger les navires portant la croix gammée, ont suivi la bonne voie. Les actions politiques de masse contre toutes les manifestations du fascisme allemand, contre ses bateaux, contre ses films, contre ses consulats, empêcher toute tentative des nazis de fonder à l’étranger des groupes locaux de son parti de mort, voilà le chemin de la lutte prolétarienne. Actuellement, les frontières allemandes sont le champ de provocations fascistes inouïes. Le prolétariat doit veiller à ce que la lutte prolétarienne antifasciste pénètre au-delà des frontières, jusque sur le territoire allemand. Des démonstrations de masse dans les villes frontières doivent donner la réplique prolétarienne des pays voisins. Si 10.000 prolétaires se rassemblent dans une ville frontière pour manifester leur solidarité aux travailleurs allemands, la nouvelle en pénétrera dans les quartiers ouvriers des villes allemandes malgré l’illégalité et la terreur, à des centaines de kilomètres au-delà des frontières, pour donner aux travailleurs allemands un espoir nouveau et une assurance fortifiée dans leur lutte ardue.

Pour le prolétariat allemand, il y a une route longue et difficile à parcourir encore avant qu’il ne se ressaisisse. Il semble que la grande vague révolutionnaire qui suivit la guerre mondiale et conduisit à la conquête du pouvoir le prolétariat russe, se soit brisée après une série de défaites (Italie 1922, 1923 Allemagne et Bulgarie, 1927 Chine, et 1933 Allemagne), et que le capitalisme peut encore une fois oser une guerre mondiale, puisque le prolétariat ne s’est pas montré capable de jeter bas la société capitaliste ébranlée.

Beaucoup, qui doutent de la révolution, mettent de l’espoir dans la guerre. Ils se grisent à la pensée que la révolution suivrait la guerre si elle ne peut réussir à l’empêcher. L’expérience de 1918 contredit cette illusion. La révolution n’a suivi la guerre et ne s’est montrée victorieuse que là où les forces révolutionnaires étaient déjà rassemblées longtemps avant et pendant la guerre. La Révolution d’Octobre a triomphé en Russie après l’interruption que la guerre avait apportée dans l’essor révolutionnaire de 1912. Mais la révolution en Europe centrale (Allemagne, Autriche, Hongrie et, dans un certain sens Bulgarie et Italie), fut écrasée, et le vainqueur ne fut pas le prolétariat et pas même la démocratie bourgeoise, mais en fin de compte la contre-révolution capitaliste féodale.

Désespérés que le front unique de lutte ne se soit pas réalisé en Allemagne, de nombreux travailleurs envisagent aujourd’hui une nouvelle unité de la classe ouvrière, l’unité de tous les travailleurs dans un seul grand parti, libéré du crime socialiste et de la dégénérescence communiste. Cette unité n’est possible que dans un parti communiste renouvelé, un parti qui repose sur les mêmes fondements que celui de Rosa Luxemburg et de Liebknecht. Il ne peut être fondé qu’avec le matériel révolutionnaire qui, informe, mais héroïque, se trouve dans les rangs du P.C.A. Entre ceux qui adoptent cette ligne, et ceux qui essayent de fonder un nouveau parti, un troisième parti contre le P.S.A. et contre le P.C.A., il ne peut y avoir d’autre rapport qu’une lutte acharnée.

Que le S.A.P. et les adhérents de Trotski s’unissent en un nouveau parti en Allemagne et fondent une quatrième internationale avec les socialistes indépendants d’Angleterre et d’autres partis ! L’aile gauche du parti communiste d’Allemagne suivra imperturbablement son chemin pour la renaissance de son parti au moyen de la liquidation des forces réactionnaires du P.C.A. responsables de la défaite. C’est à elles que s’appliquent les phrases que Lénine adressait aux siens à l’époque de la plus profonde dépression :

« Nous marchons en petit groupe, nous tenant par la main, le long d’un chemin tranquille qui borde le précipice. Nous sommes entourés d’ennemis de tous côtés, et devons à tout instant avancer sous leur feu. Nous nous sommes unis par une libre décision, justement pour combattre nos ennemis et non tomber dans le marais voisin, dont les habitants nous ont toujours reproché d’avoir formé un groupe à part et d’avoir choisi le chemin de la lutte et non celui de la conciliation.» (Traduit de l’allemand.)

Kurt LANDAU.


(1) Alors, sous la direction de Brandler, de Thalheimer et des actuels dirigeants du S. A. P. : Walcher, Frölich, etc., le chef fasciste, le comte Reventlov, pouvait écrire dans la Rote Fahne et Frölich lui répondait. Alors, la R.F., le 18 août écrivait : « Même avec des gens qui ont assassiné Liebknecht et Rosa Luxembourg nous nous associerons s’ils veulent se joindre à nous ».

(2) Quand, en 1923, le prolétariat révolutionnaire subit une lourde défaite lors de la marche de la Reichswehr en Saxe et en Thüringe, ordonnée par Ebert, et alors que la république bourgeoise se raffermissait par des moyens dictatoriaux aussi bien contre le prolétariat que contre le fascisme (répression du putsch d’Hitler, novembre 1923), c’est à cette époque que Zinoviev, Radek et Walcher, à la séance de l’exécutif élargi de l’I.C., en janvier 1923, lancèrent le mot d’ordre de « social-fascisme ».

(3) Dans la Révolution Prolétarienne du 10 août 1933, un camarade du S.A.P. donne pour effectifs actuels du S.A.P. 14.000 membres, et du P.C.A. 25.000 membres. Les deux estimations sont inexactes. Les cadres illégaux du P.C.A. comprennent aujourd’hui environ 40.000 membres, et ceux du S.A.P. doivent atteindre environ 10 % de ce nombre.

(4) La logique interne de cette politique conduisit les dirigeants trotskistes à capituler devant Staline juste avant la catastrophe (Well, Senin).

(5) Nous ne pouvons ici, faute de place, donner une analyse approfondie de ce système politique, que nous désignons par le nom de centrisme et qui est en contradiction flagrante avec le marxisme révolutionnaire. L’absurde appréciation de la situation allemande lors du Congrès de Wedding du P.C.A. a conduit presque sans aucune résistance sérieuse le P.C.A. à adopter cette politique et à se soumettre à la fraction stalinienne.

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