Article de Kurt Landau paru dans La Vérité, n° 11, 22 novembre 1929, p. 4
Berlin, 18 novembre.
Le 17 novembre ont eu lieu en Prusse et en Saxe les élections municipales. Ce sont les premières élections importantes depuis que la social-démocratie est à la tête du gouvernement, ce sont à Berlin les premières élections depuis les massacres du 1er mai.
Le P.C.A. est entré dans la lutte électorale en affirmant que l’Allemagne se trouve dans une étape d’ardent élan révolutionnaire, que les masses reviennent de leurs illusions réformistes et s’orientent vers le P.C.A.
Une comparaison des élections au Reichstag en 1928 avec celles du 17 novembre éclairent la situation. Le 20 mai 1928, aux élections du Reichstag le P.C.A. obtint à Berlin 611.317 voix. Le parti social-démocrate, 816.196. Le 17 novembre après le massacre du 1er mai, après un an de gouvernement de coalition social-démocrate, après le scandale Klarek (administration de Berlin), ce chiffre descend à 651.735. Mais le profit n’en revient pas au P.C.A., car lui non plus n’arrive pas à maintenir les chiffres de 1928 qui tombent de 611.317 à 565.595.
Il est vrai que le 17 novembre, il y eut 180.000 votants de moins à Berlin, qu’aux élections de 1928. Cependant les partis du centre bourgeois (à l’exception des démocrates que l’affaire Klarek a compromis le plus) ont conservé leur nombre de voix de 1928.
Par contre, le bloc fasciste, c’est-à-dire les socialistes-nationaux et les racistes, liés entre eux (Hugenberg-Hitler) a réussi, malgré le petit nombre de votants, à augmenter le chiffre de ses voix de 475.184 (en 1928) à 536.787, et le profit en revient dans l’ensemble au parti socialiste-national. On ne peut donc nullement dire que le résultat des élections berlinoises soit une « victoire écrasante » pour le Parti communiste allemand. Le parti, à la suite de sa politique fausse et aventurière, n’a pas su renforcer sa base dans les derniers dix-huit mois. Les pertes du parti social-démocrate ont profité aux fascistes.
Dans l’ensemble de la Prusse, les résultats diffèrent de ceux de Berlin. En province l’accroissement du parti socialiste, déjà très visible en 1928, ne s’est pas encore arrêté contrairement à Berlin. Dans le centre industriel de l’Allemagne centrale (Halle-Mersebourg) le parti soc.-démocrate a gagné 20 % de ses voix. Autant en perd le P.C.A. dans cette citadelle de jadis. Le bloc fasciste n’a dans cette contrée aucun gain, mais plutôt un affaiblissement. Dans la Wasserkante, Schleswig-Holstein et dans l’ouest les social-démocrates croissent partout. Ils ont en partie obtenu de sérieux résultats dans la Haute-Silésie (Breslau, Beuthen) mais de grosses pertes en faveur des fascistes. Nulle part le P.C.A. n’a su garder ses positions dans ces régions, surtout en Saxe. Après avoir subi, dans les élections au Landtag (en mai) des diminutions, il perd maintenant dans cette région industrielle, 20 à 30 % de voix de plus (Dresde, Leipzig, Plauen). L’espoir des brandlériens d’influencer, dans leur place forte qu’est la Saxe, une assez grande partie des ouvriers a lamentablement échoué.
Les élections n’ont pas apporté de changement décisif. Elles montrent qu’il était juste d’apprécier le regroupement des masses en disant que celles-ci ne se dirigeaient pas encore vers le communisme. Le processus d’évolution des masses vers le réformisme bourgeois dure encore. C’est ce qui ressort encore plus clairement que dans les élections du Landtag des mois derniers. Sur des points décisifs (régions industrielles, Saxe, Berlin) ce processus a cessé. Mais ce développement ne profite pas au P.C.A., à cause de sa politique néfaste, mais en partie au bloc fasciste qui organisera le 22 décembre dans le referendum sur le plan Young, une nouvelle mobilisation des masses pour la dictature fasciste. Des dizaines de milliers d’ouvriers qui suivaient il y a un an les réformistes tombent dans l’indifférence.
Sans accorder à ces élections et aux élections en général une importance exagérée, on peut dire qu’elles donnent un tableau assez révélateur du processus de fermentation et de regroupement des masses. Malheureusement on ne peut pas dire, comme la Rote Fahne du 18 novembre : « Les chiffres électoraux montrent la magnifique avance du P.C. ». Aussi favorables que soient en Allemagne les circonstances objectives pour une avance rapide du communisme, le parti, sous la direction de Thaelmann, Remmele, se montre incapable de profiter de cette possibilité et de grouper la majorité de la classe ouvrière autour du drapeau du communisme. – K. L.