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Kurt Landau : Lettre d’Allemagne. Le Leninbund sur une mauvaise voie

Article de Kurt Landau paru dans La Vérité, n° 13, 6 décembre 1929, p. 3

Berlin, 29 novembre.

Le malheur du Leninbund consiste en ce qu’il veut jouer le rôle d’un parti autonome, alors qu’il n’est en réalité qu’une faible fraction. Je ne doute pas un instant que si vous persistez dans la voie actuelle, vous mènerez en peu de mois l’organisation à une catastrophe.

(Lettre du camarade Trotsky à la direction du Leninbund, 13 octobre 1929)

Il y a dix-huit mois, le Leninbund recueillait 40.000 voix ouvrières en Prusse, dont 8.374 à Berlin seulement. Durant ces dix-huit mois, il n’a pas su consolider les positions acquises, étendre son influence dans de nouveaux domaines et ainsi renforcer ses rangs. Depuis quelque temps, des camarades s’efforcent de montrer que l’absence d’une ligne politique claire, le flottement perpétuel entre Korsch et Brandler ne peuvent avoir que de funestes conséquences pour le Leninbund. Les faits ont justifié leurs prédictions. Aux dernières élections municipales, le Leninbund a perdu plus de la moitié des voix qu’il avait eues en 1928. A Berlin, où parait son journal, Volkswille, il tombe de 8.374 suffrages à 3.784.

Les camarades de la minorité demandaient qu’on ne présente pas partout, par principe, des listes de candidats – ce qui serait le fait d’un second parti – mais qu’on se borne à en présenter là seulement où nous avons une forte position et où nous représentons le parti dans l’esprit des masses. C’est ainsi qu’à Neu-Isenburg, par exemple, nous avons non seulement pu recueillir toutes les voix communistes, mais encore nous avons enlevé 4 mandats aux social-démocrates. Voilà un véritable succès. Malheureusement, sur d’autres points du Reich, le fait de présenter des candidats a servi la social-démocratie et a ainsi disqualifié le communisme aux yeux des ouvriers.

L’établissement à tout prix et par principe, de listes autonomes était déjà assez grave, mais les moyens employés pour la campagne électorale étaient souvent tels qu’ils ne pouvaient que ridiculiser le Leninbund. Un des membres du Comité national n’a pas hésité à lancer un tract qui est un modèle d’opportunisme et pourrait être revendiqué par n’importe quel social-démocrate.

Ce sont là des manifestations d’une extrême gravité et qui doivent retenir l’attention de tous les membres du Leninbund, s’ils veulent retenir leur organisation sur la pente dangereuse où elle glisse.

Les masses ont encore des illusions réformistes avec lesquelles il faut compter. Il s’agit justement de faire une politique qui, dans l’âpre lutte quotidienne, mène les masses au moyen de leur expérience propre aux limites de la démocratie et leur prouve pratiquement que seul le dépassement de la démocratie bourgeoise par l’action révolutionnaire peut améliorer réellement leur situation.

Au lieu d’entreprendre ce travail sérieux et fécond, on s’imagine que ces illusions peuvent être détruites par des décrets et des phrases creuses qui ne s’appuient sur aucune expérience concrète. C’est ainsi que la classe ouvrière est laissée sans direction dans les moments décisifs et demeure incapable de tirer profit des circonstances comme ce fut le cas en Allemagne en octobre 1923, au 1er mai dernier, et comme c’est le cas actuellement en Autriche.

Un congrès national de l’opposition syndicale

Le 30 novembre aura lieu à Berlin le congrès des éléments révolutionnaires qui forment l’opposition syndicale. Les représentants de l’opposition existant dans un certain nombre de syndicats, ceux des conseils d’usine rouges et ceux des chômeurs, se réunissent pour délibérer sur l’organisation d’un vaste front de défense contre l’offensive du capital.

Les réformistes attaquent férocement ce congrès et en particulier le Parti communiste allemand qu’ils dénoncent comme « l’organisateur de la scission syndicale ». Mais tous les ouvriers révolutionnaires appuieront cette initiative, car le congrès peut donner une nouvelle et puissante impulsion aux masses exploitées, à condition, bien entendu, qu’il soit conscient de ses tâches, qu’il apprécie d’une manière juste la situation en Allemagne et qu’il élabore un programme de lutte révolutionnaire capable de rassembler les ouvriers et d’assurer leur défense.

On peut craindre malheureusement que le Parti communiste allemand manque une fois encore à son rôle et ne sache pas aider efficacement les délégués rassemblés. A la veille du congrès, il n’a rien fait, rien étudié, rien préparé de sérieux.

Quelles indications apportera-t-il au congrès pour grouper les millions de prolétaires allemands en un puissant front de défense ? Tout indique qu’il cherchera à couvrir l’absence d’une politique mûrement réfléchie par les petits moyens habituels concernant exclusivement l’organisation : on parlera de créer de nouveaux comités ! Et l’on répétera les fautes qu’on a déjà souvent commises. Que compte faire le comité central du Parti communiste allemand contre l’offensive scissionniste méthodique des réformistes ? Continuer à se laisser isoler jusqu’au moment où il n’y aura plus un seul communiste dans les syndicats ? Jusqu’au moment où les réformistes auront réussi à démoraliser, sans même avoir eu à lutter, les millions d’ouvriers syndiqués ?

Et comment le Parti pense-t-il agir pratiquement pour amener l’énorme masse des chômeurs dans la lutte, pour éviter que la misère ne les décourage et ne les jette dans les bras du fascisme ? Il n’est guère permis d’espérer que la direction actuelle se montre capable d’aborder sérieusement ces problèmes.

Enfin, il est inconcevable que le Leninbund, qui veut être et devrait être l’organisation de l’avant-garde communiste, n’ait pas encore pris position à l’égard de ce congrès, qu’il ne s’efforce pas d’y envoyer des délégués, et ne s’occupe pas des problèmes qu’il aura à résoudre. – K. L.

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