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Kurt Landau : Sur la capitulation de Maslov, Ruth Fisher, Scholem et consorts

Article de Kurt Landau paru dans Contre le Courant, 2e année, n° 12, 28 juin 1928, p. 1920

Nous publions ci-dessous un article que le camarade Kurt Landau a adressé à Contre le Courant. Nous le faisons d’autant plus volontiers que nous jugeons indispensables les échanges d’opinion entre les oppositions des différents pays.

Toutefois il est un point de cet article avec lequel nous ne sommes pas d’accord. Landau approuve la présentation par le Leninbund de listes séparées aux élections. Nous pensons, au contraire, que ce fut une faute tactique, et qu’en Allemagne nos camarades de l’Opposition ne pouvaient faire acte de Parti sans risquer de se séparer des masses. Nous n’en faisons pas une question de principe comme nos camarades russes de l’Opposition, et nous pourrions approuver ailleurs, en Belgique par exemple, ce que nous blâmons en Allemagne. Tout est dans le rapport des forces entre l’Opposition et le Parti officiel ; tout est dans l’appréciation que l’on donne au degré de dégénérescence de ce Parti et dans la conscience que les communistes de la base ont pris de cette dégénérescence.

Evidemment Landau voit surtout dans la présentation de listes séparées une affirmation principielle, mais les élections sont un mauvais terrain pour une telle affirmation et, de plus, il est essentiel pour l’Opposition de garder le contact avec les ouvriers communistes.


Cette capitulation est l’avant dernier acte de l’écroulement définitif de la soi-disant gauche zinovieviste. Le premier acte se déroula à Moscou au XVe Congrès du Parti, le dernier se jouera à Paris quand L’Unité Léniniste se mettra en route pour Canossa (1), faisant enfin les dernières démarches pour consacrer sa soumission au point de vue organisation.

Cette « gauche », dès le début, fut marquée du sceau de l’opportunisme, de cette empreinte de Caïn ; depuis 1923-1924, depuis la fameuse campagne de Zinoviev, Kamenev, etc., contre l’Opposition de Moscou, elle était engagée sur la pente. Objectivement, sans envisager comment la marche des événements se reflétait dans la conscience des individus, le rôle des « gauches » en 1924-25 et au Ve Congrès mondial fut de créer un camouflage de gauche pour les liquidateurs de droite dans l’Etat Soviétique.

Cela caractérisait déjà Maslov dès 1924. Dans son livre « Les deux révolutions russes de 1917 » il donna dans l’ « anti-trotskysme », en prouvant méticuleusement qu’au IIIe Congrès mondial Lénine se serait mis à suivre la voie du « Trotskysme ». Cette attaque contre les résolutions du IIIe Congrès mondial qui fut l’apogée de l’Internationale Communiste, reflète objectivement le révisionnisme naissant qui pendant ses premières étapes se déguisait en tendance de gauche pour arriver finalement pendant la période des conflits aigus entre bourgeoisie et prolétariat (Chine, Angleterre), à montrer ouvertement son caractère anticommuniste (Stalinisme).

Aussi longtemps que le groupe Zinoviev fut de l’Opposition, Maslov estimait que sa tâche principale était de convaincre les communistes allemands d’opposition que « Trotsky serait venu à Zinoviev ». La quintessence de l’opportunisme est contenue dans cette brève formule. Elle signifie que : 1° L’Opposition de Moscou de 1923 était dans l’erreur. Le régime existant dans le Parti était donc dans le vrai en détruisant ce groupement ; 2° Il était juste de combattre le « trotskysme » comme l’avait décidé le Ve Congrès car jusqu’au 1925 il y avait un « trotskysme ». Ce n’est que quand Trotsky « vint à Zinoviev » qu’il devint bolchevik.

Aussi longtemps que le bloc de l’opposition exista en Russie, cette façon de « présenter » la situation n’était qu’un faux opportuniste au point de vue de l’histoire, amenant à confondre les causes profondes du différent, masquant les forces qui poussaient l’Opposition, dissimulant en fin de compte le caractère de classe de cette lutte.

Zinoviev en capitulant ouvertement et honteusement démolit cette escroquerie de l’histoire. Il mit Maslov devant un dilemme : ou bien celui-ci devait en finir avec son opportunisme traditionnel ou bien il était forcé de capituler. Il choisit cette deuxième voie. Mais sachant que les communistes d’opposition allemands avaient beaucoup trop « appris » par leur propre expérience il se proposa d’agir en désagrégeant systématiquement, au point de vue idées, le mouvement communiste de gauche. Cela apparut clairement dans les thèses qu’il proposa à la Conférence Nationale des communistes de gauche allemands qui se tint le 4 mars 1928. Ces thèses avaient comme caractères importants non seulement le pessimisme profond avec lequel Maslov envisage l’avenir de la Révolution russe, mais aussi le semblant d’attaque qu’il entreprit du point de vue gauche contre l’Opposition russe ; il lui reprocha surtout « de s’être tue sur les vues d’avenir de la Révolution russe ». Pour combler cette « lacune », cette « omission » de l’Opposition russe Maslov dans ses thèses présente les perspectives en opposant, somme toute, au danger thermidorien dont Trotsky parla dans son discours de juin 1927 devant la Commission Centrale de Contrôle et qui fut dénoncé par tous les écrits importants de l’Opposition celui d’un coup d’Etat tenté par les garde-blancs. D’après l’exposé de Maslov le « danger de Thermidor » ne serait notamment qu’une mauvaise expression pour designer le coup d’Etat des garde-blancs ». Pour que cette thèse puisse tenir debout Maslov est oblige de passer sous silence un fait décisif sur lequel l’Opposition russe avait attiré l’attention du communisme international : la formation d’un second Parti, d’un parti bourgeois qui surgirait à l’aile droite du Parti Communiste de l’U.R.S.S. par la soudure entre le groupement national conservateur de Rykov et les démocrates sans parti ayant à leur tête le professeur Oustrialov.

C’est de ce côté que vient le danger immédiat de la liquidation de la dictature prolétarienne, de l’établissement d’un régime thermidorien, d’une démocratie paysanne. C’est sur ce point que portent les paroles suivantes de Trotsky :

« Dictature du prolétariat ou Thermidor. Voilà la façon scolastique de Boukharine de poser la question à la Conférence du Parti à Moscou. En réalité nous avons une dictature prolétarienne menacée par Thermidor, sous laquelle les éléments thermidoriens pénètrent dans les institutions fondamentales de la dictature. »

D’autre part l’achèvement de Thermidor amènerait inévitablement la scission du Parti. L’Opposition dirigerait les cadres révolutionnaires des bolcheviks dans la voie de la lutte contre l’Etat bourgeois.

La question des vues d’avenir de la Révolution russe a une importance décisive pour la stratégie à adopter par l’opposition. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner que Maslov après les avoir présentées de son point de vue spécial ait dû s’éloigner de plus en plus de l’Opposition. En se basant sur ses prévisions qu’il sait fausses Maslov en arrive aux conclusions suivantes. Il est vrai qu’en face du péril blanc le régime stalinien ne constitue pas, une bonne défense, mais il représente en tout cas le « moindre mal » comparativement aux droitiers qui défendraient « plus mal » encore la dictature du prolétariat. Alors que faire ? Au nom de la lutte « contre le plus grand mal » capituler devant le « moindre ». Nous ferons remarquer à ce sujet que cette théorie à l’emporte-pièce compte encore parmi ses « petites » erreurs celle de ne pas admettre le caractère de classe du régime petit-bourgeois de Staline, ni celui nettement bourgeois du groupement Rykov-Oustrialov. En général Maslov entraîné par les traditions de la fraction de Zinoviev voyant seulement le côté du pouvoir politique s’oppose inconsciemment au jeu des forces de classe dans l’Etat soviétique ; il n’admet pas que la bataille des fractions dans l’unique parti légal et gouvernemental n’est que l’image déformée comme dans un miroir courbe de la lutte des classes dans le pays même.

C’est ainsi que Maslov a atterri dans le marais des capitulards. Les manœuvres actuelles d’un opportunisme orienté vers la gauche mises en œuvre par le régime de Staline lui offrirent un prétexte heureux. En présence de cette situation la majorité de la direction du Leninbund est dans le vrai chemin en adoptant lors des élections la tactique de la liste séparée (qui a certainement de sérieux inconvénients). Maslov insista pour qu’il soit tenu compte de ce que « Staline visiblement avait changé d’attitude » et recommanda pour cette raison de voter pour le Parti Communiste allemand. Ainsi cette question de tactique électorale revenait à savoir s’il fallait lutter ou capituler. En partant du point de vue que la liste séparée du Leninbund était avant tout un appel à la lutte contre la capitulation, à la lutte pour la doctrine du communisme révolutionnaire la tactique du groupe Urbahns était juste. Les camarades qui bataillent en Allemagne avec la plus grande ténacité, avec un esprit de sacrifice pour l’enseignement du marxisme et du léninisme ont rompu avec les capitulards. Il est surtout heureux que sans réserves ils rejettent les conceptions réformistes que méthodiquement Maslov apportait dans leurs rangs.

Kurt LANDAU.


(1) C’est chose faite à l’heure actuelle N.D.L.R.

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