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Guerre au racisme !

Dossier paru dans Lutte ouvrière, n° 343, 29 mars 1975, p. 20

LE lâche assassinat du jeune Laïd Moussa n’est malheureusement pas le seul crime à mettre au compte de la canaille raciste.

Ainsi, rien que depuis le début de l’année, plusieurs attentats ont eu lieu dans la banlieue parisienne contre des travailleurs immigrés.

Le but ultime des tueurs racistes, comme de ceux qui les commandent et de ceux qui les protègent dans la police ou ailleurs, est clair. Il s’agit, en s’appuyant sur les préjugés les plus imbéciles, de diviser la population laborieuse, de désigner aux travailleurs français un bouc émissaire en la personne de camarades immigrés, de dresser une fraction de la classe ouvrière contre une autre, de diviser pour mieux régner.

Malheureusement, certains parmi les travailleurs se laissent prendre. Ils prennent pour argent comptant les infamies imprimées par le Parisien Libéré ou Minute.

Racisme imbécile, d’autant plus imbécile que les inconscients qui propagent ces préjugés d’un autre âge ne se rendent même pas compte que c’est contre eux-mêmes qu’ils agissent. Ils étaient racistes, les nazis qui ont envoyé des millions d’hommes et de femmes, des millions de travailleurs à la mort.

Et ceux qui, même par des propos qu’ils pensent sans conséquence ou par leur comportement, propagent, tolèrent des attitudes racistes, préparent le terrain à ceux qui prolongent la parole par le geste, à ceux qui aujourd’hui tabassent, ratonnent, tuent les travailleurs immigrés, ces travailleurs-là agissent contre les intérêts de leur classe. Par contre ils favorisent les intérêts de leurs exploiteurs.

Le racisme doit être combattu partout où il ose se montrer, mais d’abord dans nos propres rangs, à nous, travailleurs. Nous ne devons tolérer aucune attitude raciste, ni du cafetier du coin, ni de l’épicier, ni de notre voisin de palier, mais encore moins dans les ateliers et les bureaux où nous travaillons.

Tous ceux qui profèrent des propos racistes, et à plus forte raison ceux qui se livrent à des gestes d’hostilité vis-à-vis des travailleurs immigrés, doivent savoir qu’ils se mettent au ban de leur classe et les travailleurs conscients, les organisations ouvrières doivent le leur faire savoir.

Car, consciemment ou pas, tous ceux qui, directement ou indirectement, participent au développement ou à la propagation du racisme préparent à leur classe, à la classe ouvrière, les camps de concentration de demain. Et cela, aucun travailleur conscient ne peut l’admettre. S’il le laissait faire sans réagir, il approuverait son propre esclavage.

Face aux tueurs racistes, face à l’extrême-droite, la riposte unie s’impose.


Manifestation antiraciste à Marseille

Une manifestation antiraciste a eu lieu samedi 22 mars à Marseille, organisée par la Ligue Communiste Révolutionnaire, le PSU, Lutte Ouvrière, l’Organisation Communiste Révolution !, le comité antiraciste CSTI et un certain nombre d’organisations de travailleurs et d’étudiants immigrés, le Front Patriotique Arabe, le Mouvement des Travailleurs Arabes, l’Union Générale des Etudiants Libanais en France, l’Union Nationale des Etudiants Syriens, Révolution Afrique, Al Charara.

A 17 h 30 se tient un rassemblement place de la Bourse, avec des prises de parole brèves qui rappellent les faits, dénoncent le racisme, mettent en cause la presse, notamment Le Méridional, l’utilisation par le gouvernement et la presse du prétendu seuil de tolérance, dénoncent énergiquement la police. La dernière intervention rappelle que la classe ouvrière doit être unie et appelle à lutter contre le racisme.

Puis la foule, de plus en plus importante (1.500 à 2.000 manifestants, dont près de la moitié de Nord-Africains) part en manifestation, remonte la Canebière, le boulevard Dugommier, enfile la rue Nationale, remonte la rue d’Aix jusqu’à la porte d’Aix où, après des prises de parole en arabe, la manifestation se disperse.

Les banderoles proclamaient : « A bas le racisme assassin », « Travailleurs français-immigrés, tous unis », « 25 assassinats, 13 non-lieux ! Police, justice : complices des tueurs », « Halte aux assassinats de travailleurs immigrés ».

Les slogans les plus repris ont été : « A bas le racisme » et « Nous vengerons Laïd Moussa ». Mais aussi « Travailleurs français-immigrés tous unis » et « Méridional, journal raciste, journal d’assassins ».


Pas de discrimination dans la délivrance des cartes de séjour aux travailleurs africains

Plusieurs centaines de travailleurs africains sont menacés d’expulsion par l’application des mesures prises par Poniatowski le 30 novembre 1974, imposant aux ressortissants originaires des Etats africains du sud du Sahara l’obligation de posséder désormais une carte de séjour.

Cette mesure est en tout état de cause révoltante, car elle soumet une nouvelle catégorie de travailleurs immigrés à un contrôle policier accru et à des tracasseries administratives supplémentaires. Mais de surcroît, comme la carte de séjour n’est délivrée automatiquement qu’aux ressortissants présents en France avant le 1er décembre 1974, un certain nombre de travailleurs africains, arrivés en France quelques jours après cette date, voire même présents en France à la date limite mais incapables d’en fournir la preuve légale, ont déjà reçu une fin de non-recevoir à leur demande de carte de séjour. A partir du 31 mars, ils se trouvent en situation illégale et leur présence en France sera à la merci d’un contrôle policier.

Tous les travailleurs qui sont soumis à cette menace avaient dû payer cher le droit de venir se faire exploiter en France. Ils ont du payer le transport, voire les trafiquants d’hommes ; ils ont dû parfois encourir le risque de mourir en traversant clandestinement la frontière. Il est révoltant que des autorités disposent du sort de centaines de travailleurs africains de cette manière.

Toutes les initiatives prises pour obliger les autorités préfectorales à délivrer la carte de séjour sans discrimination à tous les travailleurs africains qui en font la demande doivent être soutenues. Plus généralement les travailleurs doivent mettre en bonne place dans leurs revendications la fin de toute discrimination entre travailleurs français et immigrés et l’égalité totale des droits.


Policiers racistes devant les tribunaux

Il y a presque trois ans, maintenant, une nuit de mai 1972, sept policiers qui avaient fêté un départ -à la retraite ont terminé leur soirée par une expédition de ratonnade contre un café-hôtel habité par des immigrés. Cela se passait à Noisy-le-Sec, dans la banlieue parisienne. Les policiers ont fait irruption dans l’hôtel avec matraques et nerfs de bœuf. Selon les témoins présents, ils se sont mis à casser, à frapper et à boire. Un habitant de l’hôtel est précipité dans les escaliers, un autre est suspendu à deux mètres du sol avec des menottes, la patronne et des consommateurs sont violemment frappés.

Ce sont d’autres policiers, alertés par le patron de l’hôtel, qui mettront fin au carnage. Ajoutons que les policiers casseurs ont profité de leur descente pour voler des portefeuilles.

Il a fallu trois ans pour que ces énergumènes passent en justice. Et le plus scandaleux c’est que deux d’entre eux exercent toujours ; ils ont seulement été mutés de commissariat. Un troisième s’est recyclé comme vigile dans une société privée.

Bénéficiant d’un tel régime de faveur, il n’est pas étonnant que les policiers racistes soient enclins à donner libre cours à leur brutalité.

Pierre PLUMIER.


Une balle… pas perdue

Robert Schumaker, 18 ans, s’ennuie. Pensez donc, il y a peu de distraction à Saint-Julien-les-Metz. Alors, on pratique la chasse : à l’homme. La victime est un Algérien qui passe dans la rue et qu’on va essayer d’écraser avec une voiture : le jeu devient passionnant si l’homme traqué réussit par quatre fois à échapper à ces tentatives de meurtre …

Racisme, sadisme, immonde dégradation morale ? Sans doute ! Ce qui n’a pas empêché le juge d’instruction de relâcher Robert Schumaker et ses trois copains. Le zèle antijeunes de la police n’a pas opéré dans ce cas-là.

On comprend alors la juste colère du père de Robert Schumaker lorsqu’il prit connaissance des amusements de son fils. Pour démontrer à son fils qu’il est plus difficile d’être chassé que chasseur, il prit lui-même un fusil. Démonstration parlante : le fils a reçu une balle dans le pied mais, pour une fois, ce n’était pas une balle perdue !


Pouvait pas s’appeler Dupont ?

Un commerçant parisien de 50 ans vient de se plaindre à la justice : il affirme avoir été victime de sévices de la part de policiers en uniforme qui l’auraient interpellé durant la nuit du 10 au 11 février dernier au Quartier Latin. Il aurait été passé à tabac dans un car de police et au commissariat. Bilan : hospitalisation à l’hôpital Bichat, un traumatisme crânien, deux côtes fracturées et plusieurs hématomes.

Si cette affaire se confirme, cela fera un élément de plus au lourd dossier des violences policières. Pas n’importe quelles violences d’ailleurs, et pas contre n’importe qui. Le commerçant s’appelle M. Sion Didi. Alors, avec un nom comme cela, forcément, ça ne peut qu’exciter les policiers !