Article de Henri Minczeles alias Henri Montmartre paru dans Le Réveil des jeunes, organe de la jeunesse socialiste juive « Bund », nouvelle série, n° 3, février 1945
Principalement depuis le National-Socialisme, les idées racistes ont été remises à l’honneur. On a assisté et à un état d’esprit borné et intransigeant et malheureusement à des applications hideuses qui se sont traduites par les sinistres exploits des S.S. et de la Gestapo. Je vais ici m’attacher à montrer que tout Socialiste ne peut être ni raciste, ni antisémite.
D’abord, quelle est la signification du mot « race » ? En vérité, c’est un substantif manquant de précision. Peut-on parler d’une race pure ? Non, car s’il y en a une comme les Polynésiens, ce type est actuellement à un stade dégénéré. D’ailleurs, le métissage est salutaire et les humains qui vivent aujourd’hui sont des produits de croisements complexes et le peuple juif pas plus que les autres n’existe à l’état pur.
Et maintenant, parler de la race anglo-saxonne, de la race slave, de la race juive, c’est proférer des stupidités sans fin. Il est préférable d’employer le terme « peuple » dont les hommes, éléments disparates, sont réunis, liés par des habitudes, des coutumes, par une langue, une littérature, un folklore communs, etc … Il peut y avoir plusieurs peuples dans une nation (Yougoslavie), un peuple dans un pays (France) ou des éléments disséminés (Juifs).
Le racisme national-socialiste s’est inspiré du mythe « aryen ». Pour lui, la race blanche est divisée en une race vile : les sémites, et en une race supérieure : aryenne. Le racisme n’est pas nouveau, il s’est inspiré stupidement et maladroitement des assertions de Gobineau (Inégalité des races humaines) et de ses disciples, en particulier du crétin notoire Woltmann (1).
Hitler, dans « Mein Kampf », ignore tout de la biologie fondée sur la race, et ne traite que sur des facteurs culturels et sociaux quand il s’attaque aux Juifs. Quel est le fameux type allemand « nordique » ? Il est blond, la tête allongée, grand, mince, fort, viril, chevaleresque, doué d’un esprit supérieur. S’imagine-t-on un Bavarois blond et mince, un Saxon grand et la tête allongée ? Voyez-vous de vrais aryens en Hitler (blond ?), Himmler (franc), Goering (mince), Rosenberg, Ribbentrop ou Goebbels ? Allons donc !
Non, ce qu’il y a de vrai, c’est que le racisme et le nationalisme à outrance vont de pair. Quand il s’agit d’exciter la populace, on crie « sus aux juifs ou aux nègres ». C’est pour cela que nous autres, marxistes, nous ne pouvons nous arrêter à analyser des bêtises aussi saugrenues. Le temps n’est plus où l’ouvrier chauvin de l’Affaire Dreyfus criait « sale youpin ». Pour un ouvrier, un travailleur, un socialiste, ils n’assistent qu’à une lutte des classes. Il y a des exploités, des exploiteurs. Que les exploités soient juifs ou non-juifs, cela n’a pas d’importance. Ce sont des prolétaires comme lui, des paysans, des métallurgistes ou des artisans.
Guerre au Racisme. Le capitalisme profite de ces multiples diversions, de ces haines personnelles pour REGNER. Le capitalisme a toujours inventé et soutenu toutes ces thèses absurdes, mais le travailleur ne doit voir que ceci : il y a deux classes en lutte perpétuelle : la classe bourgeoise et la classe ouvrière. La classe laborieuse n’a rien, elle est une marchandise humaine entre les mains de l’exploiteur. Le débardeur de Dieppe, le docker de Londres, le coolie de Shanghaï, le mineur de Prétoria, le tourneur de Détroit sont frères. Aussi devons-nous appliquer le vieux chant révolutionnaire : « tous ensemble dans la lutte … »
Juifs et non-Juifs ont lutté dans la Résistance contre le fascisme allemand. Ensemble nous combattrons les capitalistes, qu’ils s’appellent Rothschild ou Morgan, car nous nous battons pour la Vérité !
Et nous instaurerons les Etats- Unis d’Europe sur une base socialiste, où les mensonges divisant les hommes sous prétexte de races seront effacés. Car, pour en revenir aux Juifs, selon la phrase de Julian Huxley « ils ne constituent pas une race, mais une société ayant une forte base religieuse et des traditions historiques particulières, société dont certaines sections ont été amenées, sous l’effet de la dispersion et d’une pression extérieure, à se constituer en groupes pseudo-nationaux ».
Seule la création du Socialisme International à brève échéance permettra d’éduquer le peuple sur un point de vue internationaliste et, de ce fait, les questions racistes et juives se supprimeront d’elles-mêmes.
En attendant, aujourd’hui plus que jamais, exécutons le mot d’ordre de Marx : « Prolétaires de tous les pays, unissons-nous ! » et travaillons pour l’avenir.
Henri MONTMARTRE.
(1) Woltmann attribue des origines germaniques à tous les grands hommes. Exemple : J. B. Poquelin (Molière) vient de Bæcklin.
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