Texte de la conférence de Jean-Louis Hurtz donnée à Alger et paru dans Sous le drapeau du socialisme, n° 108/109, novembre-décembre 1988

Il y a un paradoxe. L’œuvre de Fanon a été plus lue, au moment de sa parution, en Occident que dans le tiers-monde. Ce n’est pas seulement parce que les librairies des éditions du Seuil ou Maspero se trouvaient au Quartier Latin. C’est aussi parce que le message de Fanon – je pense surtout aux « Damnés de la Terre » – répondait chez les jeunes Français de mon âge, à la fin de la guerre d’Algérie, à une formidable demande.
J’appartiens à ce que l’on appelait alors la « génération algérienne », c’est-à-dire celle qui était censée vous pacifier. Plus la guerre durait, plus nous nous rendions compte que nous étions des cocus. Le discours de droite – la mission civilisatrice de la France – ne passait plus. Quant à la gauche, elle nous donnait la nausée. Les socialistes justifiaient la torture et le Parti Communiste nous disait de partir en Algérie pour ne pas nous couper des masses. Le gaullisme virait au pétainisme et les grands résistants au fascisme d’hier se cramponnaient sénilement aux lambeaux d’un empire dont nous sentions plus ou moins confusément, depuis Dien-Bien-Phu, que les jours étaient comptés. Mais, pendant que l’Occident trahissait tous ses idéaux, le camp socialiste faisait de même en envoyant ses tanks à Budapest, à peine connu le Rapport Khrouchtchev.
Plus d’alternative. Nous n’avions plus confiance en personne. « Le gâchis » comme titrait l’un des nôtres. Ma génération était orpheline.
Certes, nous pressentions que quelque chose était en train de naître au sud, qu’il était impossible que les deux milliards d’hommes qui sortaient de la nuit coloniale n’inventent pas un monde un peu plus fraternel. C’est pourquoi certains d’entre nous, en véritables kamikazes, rompant avec le consensus quasi-général de notre peuple, ont déserté leurs casernes ou leurs familles spirituelles pour se mettre à la disposition du FLN. Un soldat de la guerre d’Algérie sur dix mille s’est insoumis, ce qui n’est guère plus reluisant, numériquement, que ce qui s’est passé dans la Wehrmacht nazie. Mais notre influence, heureusement, fut sans commune mesure. Grâce à la police et à la justice, c’est-à-dire aux arrestations et aux procès, nous nous sommes fait entendre, à partir de 1960, du mouvement étudiant et il y eut un sursaut. La jeunesse intellectuelle française se réveilla et commença même, pour la première fois de son histoire, à s’organiser politiquement en dehors de tous les partis. C’était le début de ce que nos détracteurs appelleront par la suite, le gauchisme. Il culminera, vous le savez, en mai 1968, après s’être mûri d’ailleurs en Algérie indépendante et à Cuba.
Mais pour l’heure, au tout début des années 60, si la cause des Algériens nous paraît juste, les messages qu’ils nous transmettent, disons-le franchement, ne sont pas particulièrement exaltants. Les discours de Ferhat Abbas ont la prudence d’un sénateur de la 3e République. Et ceux qui, parmi nous, vivent avec des militants de la Fédération de France du FLN, en prison ou dehors, sont étonnés de leur intérêt plus que tardif pour le socialisme ou toute option d’édification nationale nettement originale.
C’est alors qu’éclate une voix tonitruante, limpide, radicale, sans complexe et en même temps d’une chaleur jusque-là inconnue. La nouvelle fait le tour du Quartier Latin en 24 heures : « As-tu lu la conclusion des Damnés de la Terre ? ». Car, dans notre fringale de perspectives nouvelles, nous sommes allés directement à la conclusion du gros livre qui venait de paraître à la vitrine de la « Joie de Lire »(1).
Ce n’est pas que le détail des thèses qu’y développait Fanon nous laissa indifférents. Mais le problème de l’aliénation de l’homme colonisé, par exemple, nous paraissait, je l’avoue, un peu dépassé. Car si nos camarades de la Fédération de France, dont je parlais à l’instant, n’avaient pas les idées claires sur leur avenir immédiat, ils n’avaient en tout cas, par rapport à nous, plus aucun complexe d’infériorité depuis longtemps.
La question de la paysannerie (autre thème) nous semblait un peu lointaine. Encore que conjuguée, quelques années plus tard, avec les thèses de Mao Tse Toung, elle se mua pour nous, progressivement, en question stratégique fondamentale : celle de l’encerclement des villes par les campagnes, du centre par la périphérie.
Le thème de la violence, par contre, nous fit jubiler. Enfin un moyen de démasquer l’hypocrisie de nos démocrates de gauche qui justifiaient leur démission en renvoyant dos à dos Massu et Djamila Bouhired (2). Nous, nous acceptions sans problème, comme le père Davezies qui est dans cette salle, de porter les valises du commando qui attaqua Soustelle. Pour vous donner une idée de la polémique, je ne peux m’empêcher de vous lire, avec délectation, ce que l’honorable Jean Lacouture pensait alors dans le journal « Le Monde » du livre de Fanon :
« Long cri de haine … Apocalypse de la décolonisation … On ne pourrait imaginer sans un serrement de cœur ce qu’aurait été la situation de ce brûlant idéologue s’il avait conservé son poste d’ambassadeur du FLN à Accra et avait été chargé d’expliquer en Afrique Occidentale le thème des négociations conduites par ses amis Ben Khedda et Saad Dalhab … ».
Ce qui appela la réplique cinglante et immédiate de François Maspero dans « Présence Africaine » :
« Ici le clin d’œil de Lacouture se fait ignoble. Voyons, glisse-t-il, un peu de commisération pour cet égaré qui a bien fait de disparaître. Quant à nous, voyez comme nous avions raison de ne pas bouger puisque le FLN lui-même s’inquiète. Ainsi, la boucle est-elle bouclée : les libéraux français continueront d’être ce centre cartésien du monde qui donne à celui-ci son sens et sa forme définitive ».
La question de la violence, posée en termes nouveaux par Fanon et reprise avec pertinence par Sartre dans sa préface des « Damnés », nous agitera d’ailleurs encore longtemps. Mais nos petits frères de mai 68, qui n’ont pas été mis, comme nous, au pied du mur par l’envoi dans les djebels ni structurés par le choix radical que nous avions à faire, s’embourberont dans des analyses de plus en plus coupées des réalités qui les feront osciller, comme Sartre vieillissant d’ailleurs, entre des positions aussi extrêmes qu’absurdes : le terrorisme sous-prolétarien d’Action Directe ou le contre-terrorisme verbeux d’André Glucksmann.
Mais nous avons été happés, disais-je, par la conclusion des « Damnés de la Terre ». Pourquoi ? Parce qu’elle répondait aux deux questions, pour nous vitales, que nous posions sans cesse.
Génération orpheline, ne croyant plus en l’Ouest ni en l’Est, nous étions en attente d’une troisième voie. Mais pas n’importe laquelle. Car, écœurés par le cynisme de nos aînés, nous étions d’une exigence extrême. Nous étions avant tout une génération morale. Les ruptures ne nous faisaient plus peur. Nous étions totalement disponibles, mais pour une œuvre qui répare les crimes de nos pères, qui réhabilite l’homme sans le bafouer sous prétexte d’impératifs politiques, économiques ou civilisationnels.
Troisième voie, humanisme révolutionnaire, voilà précisément ce que nous proposait Fanon. Et il le disait avec un ton, une force, un mélange de rage et de fraternité si intense, qu’il nous fascina d’emblée. Il y a, au début et à la fin de la conclusion des « Damnés », deux phrases, apparemment antagoniques, qui résumaient si bien notre haine et notre soif de réparation, que nous les avons sues immédiatement par cœur :
« Quittons cette Europe qui n’en finit pas de parler de l’homme tout en le massacrant partout où elle le rencontre, à tous les coins de ses propres rues, à tous les coins du monde ».
Et, à l’autre extrémité :
« Pour l’Europe, pour nous-mêmes et pour l’humanité, camarades, il faut faire peau neuve, développer une pensée neuve, tenter de mettre sur pied un homme neuf. »
Rompre psychologiquement avec l’Europe, avec celle qui est dans nos têtes, qu’elle soit à droite ou à gauche du rideau de fer. Mais aussi, pourquoi pas, prendre Fanon au pied de la lettre, rompre physiquement avec l’Europe, partir et épouser non seulement la cause mais la vie de ses anciens esclaves, inventer avec eux une autre manière de vivre.
Mais cette rupture, sous-entendait magnifiquement Fanon, est aussi réconciliatrice puisque notre créativité profitera à tous, à l’humanité entière, donc à l’Europe aussi, à l’ancien maître qui s’en trouvera métamorphosé. La vision, ici, devient presque mystique. Elle entraînera, nous le savons, ce que nos détracteurs (pour reparler d’eux) appelleront nos «illusions lyriques». Eh bien, je le dis sans honte, nous qui trempions depuis notre enfance dans le sang des autres jusqu’à en vomir, nous n’avions pas peur non plus d’une certaine mystique purificatrice.
Mais, si nous avons écouté Fanon, ce n’est pas seulement parce que sa voix était la plus belle de celles qui montaient du Tiers-Monde. C’est aussi parce que le personnage nous était parfaitement crédible. Il avait, comme nous, osé rompre avec son milieu d’origine, tenté une fusion avec un autre peuple, tout en se retrouvant dans une position intermédiaire, inconfortable mais propice au souffle des inspirations les plus audacieuses. Il était, au fond, de la race de ces grands apatrides internationalistes qui, comme Henri Curiel ou Michel Pablo, nous avaient interloqués puis conquis dans la clandestinité. A cette différence près que Fanon ne nous avait pas organisés mais subjugués.
C’est ainsi qu’au lendemain de l’indépendance algérienne, nous avons été des centaines à passer la Méditerranée pour vous rejoindre. Vous nous avez appelés plus ou moins aimablement les « pieds rouges ». Puis, d’autres jeunes français sont arrivés, par milliers cette fois, dans un état d’esprit voisin : les coopérants militaires. Ils n’avaient d’ailleurs de «militaire» que le nom puisqu’ils étaient en Afrique précisément pour ne pas être sous les armes, et en Algérie parce qu’elle était considérée comme un des pays les plus révolutionnaires de la planète.
Mais il y avait là aussi d’autres coopérants, venus de l’ensemble du Monde Arabe et des pays de l’Est, ainsi que tous les mouvements de libération d’Afrique et d’Amérique Latine. Alger était un carrefour du monde.
Il y a un deuxième paradoxe. Lorsque nous sommes arrivés en Algérie plus personne n’y parlait de Fanon. Il fallut attendre un an et demi après l’indépendance pour que son nom apparaisse dans un hebdomadaire de la gauche du FLN, « Révolution Africaine » du 14 décembre 1963, dirige alors par Mohammed Harbi. Encore était-ce sous la plume de Josie Fanon qui demandait, avec une pudeur légèrement impatiente, qu’à l’occasion du deuxième anniversaire de la mort de son mari, son œuvre ne soit pas oubliée. La réponse ne se fit pas attendre mais de manière totalement imprévue.
Dans la polémique culturelle qui l’opposait alors, dans ce même journal, à Mourad Bourboune, Mostefa Lacheraf glissa la phrase suivante :
« Je reviendrai un jour sur Fanon dont le système idéologique, accepté sans discernement par nos théoriciens et notre jeunesse, pourrait fort bien ressusciter à contre-temps un succédané de nationalisme et un ruralisme primaire dans un pays qui se cherche une vocation socialiste rigoureuse » (Révolution Africaine n° 46).
Le très populaire quotidien « Alger Républicain », proche du Parti communiste algérien interdit, préféra, quant à lui, contourner ce sujet apparemment tabou en faisant allusion, à l’occasion, aux thèses de l’idéologue communiste vietnamien Nguyen Nghe. Celui-ci venait, dans un numéro de « La Pensée », de régler son compte à l’auteur des « Damnés de la Terre » à qui il reprochait son populisme paysan, son mépris du rôle dirigeant de la classe ouvrière et son refus des valeurs modernes.
Nous tombions de haut. Eh bien, puisque les marxistes se drapaient dans un dédain condescendant à l’égard de Fanon, n’y avait-il pas, du côté de l’Algérie profonde donc arabo-islamique, quelqu’un qui lui portait plus d’intérêt ? Si précisément. M. Malek Bennabi, qui venait de remplacer notre ami André Mandouze, démissionnaire à la direction de l’enseignement supérieur, fit, en février 1964, une conférence sur l’idéologie reproduite intégralement dans l’organe officiel « Le Peuple » :
« C’est faire injustice à Fanon lui-même, déclara-t-il, que de lui faire jouer, comme on a voulu le faire, le rôle de théoricien de la révolution algérienne. Pour parler le langage d’un peuple, il faut partager ses convictions. Or, Fanon était athée. » Et il poursuit : « Mais ce serait lui faire encore injustice si on oubliait ou minimisait son rôle dans la constitution d’une idéologie africaine. Là, Fanon est tout, parce qu’il porte dans l’âme, toute l’âme, toute l’Histoire et tout le drame de l’Afrique ».
En résumé : Fanon dans la brousse, d’accord ; au nord du Sahara, pas question ! Inutile, semblait-il, d’attendre un son de cloche différent des hommes du pouvoir (même s’ils avaient connu Fanon à Blida, Tunis ou Ghardimaou) puisqu’ils construisaient l’Etat sur un modèle que Fanon avait partiellement désavoué.
Seul un « pied rouge » prit sa défense. C’était un de ces apatrides dont je parlais tout à l’heure. Michel Pablo, qui avait eu un rôle moteur pendant un an au Bureau d’Animation du secteur socialiste (autrement dit l’autogestion) envoya à « Révolution Africaine » une lettre de lecteur après l’appel de Josie.
« A la lumière de l’expérience présente de la révolution algérienne victorieuse, écrivait-il, je continue à croire qu’un livre comme les « Damnés de la Terre » est toujours très actuel. Non seulement par sa mise en garde envers la bourgeoisie nationale et les dangers de la bureaucratisation mais aussi parce que l’expérience de cette révolution confirme pleinement le rôle révolutionnaire particulier de la paysannerie. Après avoir été la force sociale déclenchant et soutenant la lutte armée, elle prend toute son importance aujourd’hui avec la réforme agraire. L’autogestion des terres des colons constitue un tel bouleversement des structures du pays qu’elle déclenche une dynamique globale irrésistible dans le sens d’une transformation radicale de l’ensemble du pays ».
Mais Pablo venant de perdre son poste, son témoignage n’était pour nous qu’une mince consolation.
Or, il advint qu’un personnage étonnant vint séjourner à plusieurs reprises à Alger. Il nous tenait en privé des propos qui ressemblaient souvent à ceux de Fanon dont il nous disait, d’ailleurs, qu’il aimerait écrire la biographie. Le Che Guevara (car c’était lui) pariait aussi de troisième voie et d’humanisme révolutionnaire. Mais il le faisait en des termes peut-être plus réalistes et donc, parfois, plus désabusés. Il s’exprima un jour publiquement sur ces deux points avec un culot qui fit sensation. C’était à l’occasion du séminaire économique afro-asiatique qui se tint à Alger en janvier 1965. Ecoutez : « Les pays socialistes ont le devoir moral de liquider leur complicité tacite avec les pays exploiteurs de l’Ouest ». Peu de temps après, dans « Le socialisme et l’homme à Cuba », il reprenait le thème fanonien de « l’homme neuf » :
« Il y a nécessité à créer un homme nouveau qui ne soit ni celui du XIXe siècle, ni celui de notre siècle décadent et pourri … Mais pourquoi prétendre chercher dans les formes figées du réalisme socialiste l’unique recette valable ?… C’est l’homme du XXIe siècle que nous devons créer, bien que ce ne soit encore qu’une aspiration subjective et non systématisée. »
Inutile de vous préciser que nous avons alors transféré sur le Che l’immense capital de sympathie que nous avions gardé intact pour Fanon.
Il y a un troisième et dernier paradoxe. « Quittons cette Europe » nous avait-il dit. Aujourd’hui, un quart de siècle après la mort de Fanon, vingt ans après celle du Che, on ne quitte plus l’Europe, on y afflue de tous les coins du globe et toutes les races s’y côtoient. Le carrefour du monde n’est plus la Place des Martyrs ou la Plazza de la Revolucion mais le Trou des Halles. On prétend même que Paris est devenue la capitale culturelle du Monde Arabe. D’ailleurs on ne dit plus arabe mais « beur ». Car tout cela se mélange plus ou moins mollement malgré les coups de 22 long rifle d’un Ku Klux Klan d’autant plus rageur qu’il est en réalité paniqué par l’invasion, tout cela semble à première vue se réduire à une humanité de rats de plus en plus uniforme, inodore et sans saveur de tchi-tchis cosmopolites. Après la terre promise, le retour à Babylone. Nous sommes à mille années-lumière de l’homme nouveau dont rêvaient Fanon et le Che.
Mais cet échec évident du tiers-mondisme est-il pour autant une revanche de l’impérialisme ? Eh bien, je ne le crois pas. Car il faut y regarder de beaucoup plus près.
Je suis rentré en France moi aussi mais je n’ai jamais pu me réconcilier vraiment avec mon peuple d’origine. Alors je suis resté dans l’entre-deux et j’ai découvert que nous y étions des millions. Car il existe aujourd’hui une nouvelle race d’hommes qui n’est ni du nord ni du sud mais du milieu (Je n’ai aucune intention de blasphémer mais cela vous rappelle peut-être une sourate). Ce n’est pas que ces gens rejettent le pays de leurs ancêtres, c’est qu’ils n’y ont pas trouvé toutes les conditions de s’y épanouir. Ils sont terriblement exigeants. Fils de colonisés mais aussi de colonisateurs, ils se ressemblent et n’ont plus aucun complexe, ni d’infériorité, ni de supériorité. Il leur faut la chaleur de la solidarité qu’ils ont connue dans le tiers-monde, tout en étant atteints de l’irrépressible besoin de liberté individuelle que leur chante l’Occident. Comment trouverais-je d’ailleurs ce virus dangereux puisque c’est lui qui m’a donné la force de rompre au moment où il le fallait ? De même, comment pourrais-je rire de cette lancinante nostalgie de la fusion puisqu’elle m’habite depuis les chantiers du volontariat de Oued-Fodda ?
Les gens de ma race – les « beurs » et leurs cousins germains – sont contre toute forme d’intégrisme. Ils ne rejettent aucune civilisation, ils veulent additionner ce qu’elles ont de meilleur. C’est possible aujourd’hui puisqu’avec la décolonisation chaque culture s’est fait reconnaître et peut exiger de traiter d’égale à égale avec les autres.
Pour le peuple du milieu, pas de solidarité sans liberté individuelle, et réciproquement. Redha Malek qui reprochait ici, il y a trois jours, à Fanon un certain manque de rationalisme, revendiquera lui, peut-être, l’accouplement de l’imagination et de la raison. Nous parlons, je crois, de la même chose.
Dans sa conclusion des « Damnés de la Terre », Fanon, à un certain moment, traduit « homme nouveau » par « homme total ». Mais il ne développe pas. Je me demande aujourd’hui si son utopie n’est pas en train de se faire réalité, à un moment et en des lieux où l’on s’y attendait le moins.
Jean-Louis Hurst
(1) Située au quartier latin, la librairie la Joie de Lire était le principal lieu parisien de diffusion de littératures progressistes révolutionnaires.
(2) Djamila Bouhired, jeune étudiante de 22 ans, militante du FLN ; elle est gravement blessée au cours de son arrestation et sera sauvagement torturée par les parachutistes français; condamnée à mort elle est graciée en 1958.

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