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Les Chemises Noires

Article paru dans Le Monde du Travail, n° 2, décembre 1925

L’arrogance fasciste est de plus en plus grande. Les chemises noires se sentent les maîtres incontestés de la péninsule. Leurs manifestations nationalistes outrancières deviennent permanentes.

Le parlement, domestiqué par la trique, vote toutes les lois, même les plus criminelles, qu’il plaît au « Duce » et à ses séides de faire avaler. L’assassinat systématique, les bastonnades, les viols, les pillages et l’huile de ricin sont devenus des moyens ordinaires de gouvernement.

Malheur au libre esprit qui voudrait protester. Les injures et les coups, ou même le « lingue » et le « pétard » maniés par nos modernes apaches, risquent de lui prouver les beautés du régime.

Les revendications les plus folles : Nice, les Savoies, la Corse, la Tunisie, l’Algérie, voir l’Albanie, sont des articles de foi. On ne cesse de rire de la France et des Français « incapables même d’engrosser leurs épouses ». Jusqu’où n’ira-t-on pas dans la voie du ridicule.

Les chemises noires et le fascisme : c’est l’assassinat froidement perpétré, les pires violences au service d’une caste de bandits de droit commun, le viol, l’incendie des établissements créés par les ouvriers, la destruction systématique des coopératives, des syndicats et des institutions ouvrières, les brimades quotidiennes, la suppression des moindres libertés sociales. Il faut se soumettre à la loi du plus fort. Les plus mauvais instincts humains sont déchaînés pour mieux servir celui qui dirige tout, au nom de la nation, le capitalisme international sans patrie.

En Italie, il sert et fomente le fascisme ; en Amérique du Nord, c’est le « Ku Klux Klan » ; en Allemagne, la « Reichsbanner » ; en France, les « Ligues civiques » ; en Espagne, les « Somatens » ; ailleurs les juntes d’officiers. Partout les hautes sphères militaires prêtent l’appui le plus large à ces mouvements uniquement dirigés contre la classe ouvrière. Et souvent celle-ci se heurte lorsqu’elle veut réagir à un certain nombre de ceux qui se réclament d’elle. Les Noske d’Allemagne. Les Tsankoff bulgares.

Voici en Italie le fascisme à son apogée.

Et pourtant, pour soutenir la « foi » et légitimer les meurtres, ce ne sont que complots, découverts à temps, tentatives de meurtres contre le « Duce », heureusement avortées, et autres machinations policières ineptes qui permettent de proposer des lois ?? comme la dernière sur les émigrés, la plus honteuse. Voilà les méthodes. Voyez les résultats. Pensez au meurtre de Matteoti, aux nombreux communistes assassinés, aux incendies et au pillage des Bourses du Travail et des Coopératives. Méditez, jugez et concluez vous-même.