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Georges Adèce : La Séparation

Article de Georges Adèce paru dans Les Semailles, n° 1, 20 juillet 1905

Encore que la teneur de certains articles la rende contestable, il apparaît éminent à l’opinion publique, qu’on peut appeler l’opinion aveugle, que la décision de la Chambre des députés est bien la Séparation des Eglises et de l’Etat.

Pour d’aucuns, lorsqu’ils connurent cette nouvelle, ce fut une véritable joie. Avec enthousiasme ils accueillirent cet évènement qu’ils considèrent mériter la meilleure place dans une histoire de progrès.

D’autres, au contraire, outre leurs clameurs de réprobation, dirent que cette décision est une honte faite au peuple français, cependant qu’ils savent bien que sans être d’une rigoureuse exactitude, elle est la sanction de la pensée populaire.

Mais, que voulez-vous, il faut bien s’exclamer ainsi pour faire croire à ce bête peuple que grande est son évolution. Ainsi, il est satisfait, se croyant très fort, très éclairé. Il arrive à sentir avoir fait un pas gigantesque et que ce serait méconnaître la loi d’évolution s’il marchait plus vite.

Alors, pendant que son cerveau s’embourbe, rayonnant, dans cette politique, il oublie qu’il n’est qu’un misérable esclave qu’on exploite, qu’on pille à satiété et qu’on tue à toutes occasions.


Pour nous aussi ce fait fait partie de l’histoire contemporaine mais il ne [ill.] sur d’autres moins retentissants. Il nous révèle pas moins qu’eux, la crasse d’âneries que possèdent les mentalités.

Qu’importe de montrer par là le désir de se soustraire à la religion d’un Dieu céleste si elles la remplacent par celle d’un Dieu terrestre, c’est-à-dire l’Etat, pour mieux dire l’Autorité. Ce culte montre autant d’ignorance et de bêtises et force autant de servitudes que le précédent. La seule différence c’est que son existence n’est pas une hypothèse.

Qu’importe de rompre avec cette bêtise qui s’imagine une force surnaturelle, fuite de justice et de bonté, qui se plaît à torturer l’humanité quoiqu’elle puisse faire autrement, si on la remplace par cette bêtise qui s’imagine qu’un gouvernement, qu’une dictature quelconque peut être d’excellente bonté et peut leur donner le bonheur.

Le gouvernement n’est-il pas créé dans le but de rester dans le cycle de la constitution actuelle pour forcer les individus à s’y soumettre ? Sa force policière réside dans sa diplomatie, c’est-à-dire qu’il sache détruire le mécontentement populaire au lieu de le réprimer. Et s’il arrive à ce résultat c’est parce que le peuple ne désire que diminuer le fardeau trop lourd de l’esclavage. Encore sa réjouissance n’est que l’œuvre d’apparences qu’il croit réalités.

Le cas n’existe-t-il pas aujourd’hui par la séparation ?


Il est donc bien avéré que le rôle du peuple serait d’exécrer l’Etat qui ne subsiste que pour perpétuer la propriété individuelle dont seuls jouissent, à son détriment, les parasites de tout acabit : prêtres, soldats, politiciens, bourgeois, patrons, magistrats, fonctionnaires, etc., etc.

C’est là ce que nous voudrions qu’il comprenne. Si nous crions mort aux religions, nous crions pour cela sus à l’esprit religieux.

Georges Adèce.