Résolution du congrès du Parti socialiste de France tenu à Lille du 9 au 11 août 1904 suivie par la résolution du Congrès socialiste international tenu à Amsterdam du 14 au 20 août 1904, publiées et présentées dans Le Socialiste, 7-27 août 1904

Le citoyen Vaillant demande que le Parti insiste sur le devoir de tout militant et de tout élu socialiste de s’opposer par tous les moyens aux entreprises coloniales.
La résolution suivante, rédigée par une commission composée des citoyens Guesde, Vaillant, Lafargue et Bracke, est adoptée à l’unanimité :
Considérant que la politique coloniale est la forme la plus odieuse de la piraterie capitaliste,
Qu’elle tend exclusivement à élargir le champ des profits de la classe possédante en épuisant de sang et d’argent la classe qui produit tout, sans rien produire elle-même,
Considérant que sous prétexte de civilisation et d’honneur national ces expéditions qui sont de plus en plus à l’ordre du jour de toutes les nations industrielles, sont aussi désastreuses pour les populations indigènes qu’elles corrompent et détruisent, que pour les nations colonisatrices chez lesquelles elles se traduisent par l’importation de toute espèce de fléaux (militarisme, opium, absinthe, etc.) ;
Considérant que dans l’annexion de ces pays lointains le capitalisme des deux mondes ne voit et ne cherche que l’écoulement fructueux des produits de leur travail volés aux travailleurs dits libres et une source nouvelle de tripotages financiers,
Considérant que la seule façon à la fois normale et humaine d’assurer les débouchés à la surproduction mécanique moderne est de supprimer la barrière des classes et de permettre ainsi aux producteurs maîtres sous la forme sociale des moyens de production, de consommer ce qu’ils sont seuls à créer,
Le Congrès international d’Amsterdam s’élève de toutes ses forces contre les flibusteries coloniales,
Et déclare :
Que le devoir de tout socialiste est de les combattre,
Que le devoir non moins impérieux de tout élu parlementaire est de leur refuser tout vote et tout crédit.

La politique coloniale
La commission, présidée par Van Kol, s’était trouvée en présence de plusieurs propositions :
1° Celle du Parti socialiste hollandais ;
2° Celle que le Parti socialiste de France avait adoptée dans son Congrès national de Lille ;
3° Celle que présentait Stadthagen, du Parti démocrate-socialiste allemand, et qui coïncidait, pour le fond, à peu près exactement avec la précédente, à la réserve d’un alinéa qui figure dans la résolution définitive sous le paragraphe 5° ;
4° Celle de Terwagne, tendant à faire prendre au Parti socialiste une part active à la politique coloniale.
A la suite des discussions auxquelles prirent part Van Kol, Terwagne, de Brouckere, Marmonnier, Tarbouriech, Bernstein, Hyndman, Bruce Glazier, Bracke, Paul Constans, Karsky, la proposition hollandaise fut retirée par Van Kol, et une commission de trois membres fut nommée pour rédiger, en tenant compte de l’ensemble des débats, un projet de résolution.
Il est ainsi conçu :
Le Congrès,
Constatant l’exploitation capitaliste toujours plus dispendieuse d’un domaine colonial toujours plus étendu, exploitation sans règles et sans frein, qui gaspille capitaux et richesses naturelle, exposent les populations coloniales à l’oppression la plus rude, souvent la plus sanguinaire, et qui n’amène pour le prolétariat qu’une aggravation des misères ;
Rappelant la décision du Congrès de Paris de 1900, sur la question coloniale et la politique impérialiste,
Déclare qu’il est du devoir des partis socialistes nationaux et des fractions parlementaires :
1° De s’opposer irréductiblement à toutes mesures impérialistes ou protectionnistes, à toutes expéditions coloniales, à toutes dépenses pour les colonies ;
2° De combattre tout monopole, toutes concessions de vastes territoires ; de veiller attentivement à ce que les richesses du monde colonial ne soient pas accaparées par le haut capitalisme ;
3° De dénoncer sans relâche les actes d’oppression dont les populations indigènes sont victimes, d’obtenir pour elles des mesures efficaces de protection contre la barbarie militariste ou l’exploitation capitaliste, de veiller notamment à ce qu’elles ne soient dépouillées de leurs biens ni par la force, ni par la fraude ;
4° De proposer ou de favoriser ce qui sera de nature à améliorer la condition des indigènes, travaux d’utilité publique, mesures d’hygiène, création d’écoles, etc., et de s’efforcer de les soustraire à l’influence nuisible des missionnaires ;
5° De réclamer pour les indigènes la plus large somme de liberté et d’autonomie compatible avec leur état de développement, en se rappelant que l’émancipation complète des colonies est le but à poursuivre ;
6° De tendre à replacer effectivement sous le contrôle parlementaire la direction de la politique internationale qui, par une conséquence naturelle du système capitaliste, subit de plus en plus l’influence occulte de bandes ploutocratiques.
DE BROUCKERE, VAN KOL, BRACKE.
C’est ce projet que défendit, en séance plénière du Congrès, le rapporteur H. Van Kol.
Après quelques observations des citoyens Terwagne et Uhry, le Congrès adopta la résolution de la Commission.
En outre, sur la proposition du délégué italien Rossi, le Congrès, à l’unanimité, exprime le vœu qu’il soit constitué dans chaque pays une commission spéciale ayant pour mandat d’étudier les questions coloniales au point de vue socialiste.
Une seconde proposition, relative aux Indes anglaises, présentée par la Social democratic Federation d’Angleterre, avait été également votée par la commission, n’ayant été combattue que par Bernstein.
Le rapport fut fait par un représentant socialiste des Indes anglaises, Dadabhai Naoroji, qui, âgé de près de 80 ans, a consacré plus de cinquante-cinq années à lutter contre l’oppression anglaise.
Dadabhai, accueilli par une longue ovation du Congrès, fit, en des termes à la fois précis et énergiques, un tableau exact de l’exploitation inouïe dont sont victimes les trois cent millions d’hommes qui peuplent l’Hindoustan.
C’est par acclamations et sans vote que, sur la proposition de Van Kol, le Congrès adopte la résolution de la Social democratic Federation, qui est ainsi conçue :
Le Congrès de tous les délégués des ouvriers du monde civilisé,
Après avoir entendu des représentants de l’Angleterre et de l’Inde, indiquer comment le gouvernement britannique, en pillant et drainant continuellement et de plus en plus les ressources du peuple, cause à dessein l’extrême appauvrissement, et crée la plaie des famines et des privations, sur une échelle de plus en plus grande, pour plus de 200,000,000 d’habitants de territoire anglais dans l’Inde,
Fait appel aux ouvriers de la Grande-Bretagne pour qu’ils insistent auprès de leur gouvernement pour l’abandon du présent système, exécrable et déshonorant, et pour l’établissement d’un self-government, dans la meilleure forme praticable, par les Hindous eux-mêmes (sous souveraineté anglaise).

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