Article de Francis Dumont paru dans Gavroche, n° 98, 11 juillet 1946, p. 5
DANS quelle mesure a-t-on le droit du vivant d’un auteur de rechercher l’explication de l’oeuvre dans les éléments biographiques ? Le fait est qu’Arthur Koestler ne consent à livrer à la curiosité du public que quelques indications précises, jalons de la route visible. Or, il n’est nullement prouvé qu’il est indifférent que Koestler soit né là ou ailleurs. Tout au contraire le fait qu’il ait passé ses années d’enfance et de jeunesse dans un milieu de bourgeois libéraux et israélites au moment de la décadence de l’empire austro-hongrois, nous parait chargé de sens. A l’époque où le jeune Koestler commençait son apprentissage d’homme, une société qui obscurément se savait condamnée jouissait de ses restes et réalisait une certaine douceur de vivre à peu près inégalable. Nous sommes persuadés que c’est cette ambiance qui a contribué à déterminer chez Koestler la primauté de la liberté individuelle sur la justice sociale.