Catégories
revues

Paul Eluard : De l’usage des guerriers morts

Texte de Paul Eluard paru dans La Révolution surréaliste, n° 6, 1er mars 1926, p. 29

Une nouvelle religion s’est établie depuis la guerre, une religion qui réalise vraiment l’union sacrée entre tous les hommes de tous les pays combattants, dont tous les vivants sont les prêtres austères, une religion plus absurde et plus laide encore que les autres : celle des morts.

Catégories
revues

Robert Desnos : Description d’une révolte prochaine

Texte de Robert Desnos paru dans La Révolution surréaliste, n° 3, 15 avril 1925, p. 25-27.


Issus de l’Est ténébreux, les civilisés continuent la même marche vers l’Ouest qu’Attila, Tamerlan et tant d’autres inconnus. Qui dit civilisés dit anciens barbares, c’est-à-dire bâtards des aventuriers de la nuit, c’est-à-dire ceux que l’ennemi (Romains, Grecs) corrompit. Expulsées des rives du Pacifique et des pentes de l’Himalaya, ces « grandes compagnies », infidèles à leur mission, se trouvent maintenant face à ceux qui les chassèrent aux jours pas très lointains des Invasions.

Catégories
revues

André Breton : La dernière grève

Texte d’André Breton paru dans La Révolution surréaliste, n° 2, 15 janvier 1925

C’est sans doute au sujet du travail que se manifestent les plus sots préjugés dont soit imbue la conscience moderne, au sens collectif du mot. Ainsi les ouvriers, excédés à bon droit du sort inférieur qui leur est fait, se fondent généralement pour affirmer leur droit de vivre sur le principe même de leur esclavage. Au nom du sacrifice individuel qu ils consentent, qu’ils luttent de ci de là pour obtenir une légère atténuation de leur peine, selon moi c’est trop peu, en vérité. A leurs grands maux, bien sûr ils n appliquent pas assez les grands remèdes des révolutions. Mais la convention sociale dont ils sont de naissance les prisonniers les plus surveillés leur a fait une âme de misère. Ils se recommandent trop volontiers de leur capacité de travail, par un de ces détours élémentaires qui, dans sa réflexion sur lui-même, conduit l’homme à s’exagérer la valeur de ce qu’on méconnaît en lui. Si paradoxal que cela puisse paraître, ils cultivent de façon quasi-religieuse l’idée du travail. C’est à croire que par là, comme tous les autres, ils éprouvent le besoin de donner la mesure de leur désintéressement. Il n’est pas jusqu’à la dureté du travail qui ne confère à ceux qu’il courbe le plus le maximum d’autorité. Dans les confédérations les voix qui l’emportent ne sont-elles pas aujourd’hui celles du Bâtiment, de la Terrasse, des Métaux ? Toutes proclament le caractère sacré du travail et tendent à l’exalter d’autant plus que ce travail est plus matériel.