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Le tueur, Azzouzi Kaddour accueillit, une arme dans chaque main, ceux qui venaient l’arrêter

Article paru dans La Dépêche quotidienne d’Algérie, le 25 août 1955.

Responsable d’autres attentats

Le tueur, Azzouzi Kaddour

après avoir lancé une grenade

accueillit, une arme dans chaque main

ceux qui venaient l’arrêter

Trois complices appréhendés

dont un revêtu d’un

uniforme américain neuf

Un important dépôt d’armes saisi

Le hasard, dit-on, est le dieu des policiers. Pourtant, c’est après une préparation des plus minutieuses que les représentants algérois de l’ordre ont vu leurs efforts couronnés de succès.

Les soupçons, les preuves détenus, les déclarations de certains témoins, amenaient jour après jour, une certitude : les auteurs des attentats perpétrés à Alger contre plusieurs particuliers se trouvaient quelque part dans la Casbah, terrés dans leur repaire. Les policiers orientèrent leurs recherches dans cette direction.

Les hors-la-loi soupçonnés étaient-ils ceux qui n’avaient pas hésité à abattre successivement M. Aich Mohamed, au Bd Cervantès ; M. Radji Mohamed, rue Barberousse ; M. Moussaoui, gargotier à Bab-el-Oued ; M. Lazib Hadj Mohamed, agent spécial rue Vialar ; M. Mohamed ben Mohamed, marchand de beignets, rue Annibal et tout dernièrement MM. Baiche Arezki et Mohamed, boulevard de la Victoire? Comme on peut s’en rendre compte le champ d’action des tueurs, – car il s’agit bien là de tueurs, – s’étendait surtout sur la Casbah. Les méthodes, le calibre des armes employées, les personnes visées, tout faisait penser qu’il s’agissait, sinon du même individu, du moins de la même bande.

Sur la piste

Le champ des recherches entreprises était assez restreint, il est vrai. Dans une région comme la Kabylie, les auteurs possèdent des hectares et des hectares pour pouvoir se terrer et échapper aux recherches. Dans une ville comme Alger, les cachettes ne se trouvent pas à foison et un suspect, même bien dissimulé, finit toujours par être démasqué et tomber dans les filets des policiers. Après six mois de recherches, des constatations puis des certitudes dénonçant certains individus prouvèrent aux enquêteurs que le gibier n’était pas loin.

Dans la nuit de mardi à mercredi, vers 23h des indications parvenaient aux policiers qui apprenaient par la même occasion qu’un repère se trouvait au numéro 1 de l’impasse du Lion, en plein coeur de la Casbah. A 2h du matin, les derniers doutes étaient dissipés et quelques instants plus tard, les services de police, renforcés de plusieurs CRS se dirigeaient avec plusieurs voitures vers la partie haute de la ville.

Le repaire est assiégé

Par la rue Kléber, les forces de l’ordre s’égaillèrent à l’entour, envahissant mètre par mètre les ruelles qui se trouvent autour de l’impasse du Lion. Le gibier était enfermé dans le piège ; il ne restait qu’à l’y faire tomber. L’un des assiégeants appela par son nom un des occupants que l’on savait se trouver derrière la porte. Celle-ci ne fut pas ouverte. Par contre une rafale de mitraillette, tirée à travers l’huis, obligea les policiers à se mettre à l’abri et à ouvrir le feu. Traqués jusque dans leur refuge, les terroristes allaient jouer leur dernière carte. C’est d’ailleurs ce qu’ils firent.

Un véritable déluge de feu et de fer s’abattit sur les policiers qui ripostèrent. Au bruit saccadé des PM 38 et des pistolets, venait se mêler l’aboiement furieux d’une Sten qui crachait derrière la porte.

L’engagement fut très bref, et fort heureusement sans perte pour les assiégeants. Mais les terroristes décidèrent de jouer le tout pour le tout : la porte s’ouvrit et par l’ouverture passa une grenade « Mills » de fabrication anglaise ; l’engin manié précipitamment tomba sur le pavé de la ruelle étroite et n’explosa pas. Les assiégeants s’attendaient au pire ; Il arriva. Par le trou sombre de la porte envahi par la fumée, un homme en effet fit irruption. Pieds nus le terroriste serrait dans la main droite une mitraillette « Sten » et dans la gauche un pistolet automatique P 38 ; il fit feu de ses deux armes, cherchant à se frayer un passage parmi l’étau qui se resserrait autour de l’immeuble. Ses chargeurs vidés, l’individu s’enfuit à toutes jambes en direction de la rue Kléber, mais n’alla pas loin. Après avoir parcouru une dizaine de mètres, le fuyard s’abattit, atteint mortellement par les policiers.

L’homme mort, les représentants de l’ordre se retournèrent vers l’entrée de la cave où personne ne donnait signe de vie.

Un terroriste en « uniforme »

Quelqu’un se trouvait-il encore à l’intérieur du repaire? Pour plus de précaution, trois grenades lacrymogènes furent lancées par l’ouverture. Puis prudemment, les policiers pénétrèrent dans la cave munis de masques à gaz. La pièce enfumée, où l’atmosphère était irrespirable, était vide : dans un coin, quatre matelas, à côté desquels on retrouva 7 pistolets automatiques, 3 poignards de scout, une baïonnette, un poing américain. Les CRS ramassaient des corps de bombe et du matériel pour leur fabrication ; le repaire servait par la même occasion de dépôt d’armes.

Les efforts de six mois d’investigation étaient couronnés d’un succès mérité. Dans la journée, les policiers réussissaient à mettre la main au collet de trois comparses, dont le rôle exact n’a pas été défini. L’un des inconnu était vêtu d’un uniforme neuf de l’armée américaine. Sur la manche de sa chemise kaki, deux galons en usage dans l’armée U.S. étaient surmontés d’un écusson rouge fait de gros drap.

Quel but recherchait cet homme? Passer dans les rues d’Alger dans une telle tenue n’aurait certainement pas servi son intention (si facile à comprendre) de demeurer dans l’anonymat. Il est pourtant permis de supposer que la présence de cet homme en uniforme kaki n’est pas étrangère à la diffusion ces derniers temps de certains tracts et qui annonçaient la venue à Alger de l’ « Armée de la libération nationale ». Les enquêteurs cherchent actuellement à expliquer le rôle du « soldat ».

Azzouzi le « tueur »

Le cadavre photographié, puis identifié par les services de l’identité judiciaire, révélait qu’il s’agissait de Azzouzi Kaddour, sit « Si Mohamed » né le 27 juillet 1929 au douar Sli, C.M. du Chélif. Azzouzi, polisseur d’orfèvrerie se promenait dans Alger avec des papiers d’identité en règle.

« Si Mohamed » est pourtant indéniablement l’auteur des attentats perpétrés contre les commerçants algérois et contre MM. Lazib et Baiche. Attentants à main armée, car rien ne prouve que la bande de l’impasse du Lion est reliée aux attentats à la bombe. Le calibre des armes employées correspond à celui de celles retrouvées dans le repaire de la Casbah. Azzouzi était un tueur au sens propre du mot ; son signalement répond à celui des meurtriers vus plusieurs fois au moment des attentats.

Azzouzi tuait pour tuer et il était certainement le chef du petit groupe qui se terrait avec lui, impasse du Lion. Pour quelques jours au moins, l’organisation terroriste se trouve frappée en plein coeur. Ce répit permettre aux policiers, qui ont réussi là un magnifique coup de filet, de parer à toute éventualité.

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