Extrait de la brochure du Parti de la révolution socialiste, Remarques critiques à propos de la « charte nationale », collection El Jarida, 1976, p. 25-29
(…) Mais les aspects les plus réactionnaires de la « charte » apparaissent lorsqu’on aborde les questions idéologiques et culturelles. Dans ces domaines s’affirme d’une façon éclatante le caractère totalitaire de l’idéologie officielle : par le refus de la diversité, le terrorisme intellectuel, l’intolérance érigée en système. Le but visé est d’étouffer la contestation, de tuer l’initiative créatrice, de créer la passivité en imposant un conformisme intellectuel au nom duquel tout ce qui n’est pas dans la norme établie par le pouvoir doit être condamnée, rejetée.
En ce qui concerne la religion, dans l’avant-projet, l’Islam n’était pas considéré comme religion d’Etat, mais le chapitre en question était d’une telle malhonnêteté qu’il fut la cible de nombreuses critiques. Une grande partie des citoyens s’est prononcée sans équivoque pour que l’Islam reste du domaine privé. Car si les Algériens sont croyants, dans leur grande masse, ils sont hostiles à une exploitation politique de la religion au profit d’un groupe ou d’un clan.
L’affaire des Imams d’Oran a montré que les milieux du culte eux-mêmes étaient contre l’invasion des mosquées par la propagande gouvernementale. Mais autour du F.L.N. une tendance dite de « frères musulmans » a fait de la religion d’Etat son cheval de bataille, utilisant l’Islam comme une arme pour mener une attaque en règle contre le P.A.G.S. taxé d’athée. L’un des principaux résultats du « débat » fut précisément le regroupement et le renforcement de cette tendance, qui cherche à se concilier le peuple en agitant le drapeau de la religion. Le texte final, sans trancher d’une façon radicale marque un net recul des positions pagsistes sur ce point.
Le P.R.S. réaffirme à ce sujet la position de principe de son programme minimum en se prononçant pour un Etat laïque par la « suppression de l’intervention étatique dans les affaires du culte et de la manipulation de la religion à des fins politiques » et la « garantie de la non-intervention de la religion dans les affaires de l’Etat » (El Jarida, n° 17).
A propos de la langue nationale, l’arabisation est conçue d’une façon agressive comme un djihad contre les forces anti-arabes. Le but est de créer un climat de terreur intellectuelle propice à la propagation d’une idéologie conservatrice et réactionnaire sous prétexte de lutte contre les idées étrangères. Cette façon de poser le problème, manifestation du despotisme culturel, est une manipulation grossière qui évite de poser les vrais problèmes. Car personne ne remet en cause la nécessité de l’arabisation, le rôle de l’Arabe comme langue nationale. Mais tout le monde est en droit de se poser la question du CONTENU de l’arabisation et de RAPPORT avec la langue parlée : ARABE POPULAIRE ET BERBERE.
L’arabisation démagogique entreprise par le pouvoir a été faite sans tenir compte des spécificités de l’Algérie et des choix économiques. Ainsi aucun débouché n’est offert aux jeunes arabisés, car la langue dominante, la langue du pouvoir, celle qui permet l’accès au marché mondial (en fonction duquel se décide toute la politique actuelle du pays) reste le Français (ou l’Anglais, le Russe ou l’Allemand). Or qui sont ces jeunes arabisés ? Essentiellement des enfants des classes du peuple : ouvriers et paysans, n’ayant pu accéder à l’enseignement bilingue. Ainsi, sous prétexte de langue nationale le pouvoir mène une politique de classe qui érige une barrière de plus en plus infranchissable entre une élite bilingue occidentalisée détenant les leviers de décision et la masse d’Algériens réduits sous prétexte d’arabisation à une culture au rabais fermée à toute influence révolutionnaire.
Une autre barrière apparait au niveau de l’Arabe lui-même. L’Arabe officiel est celui du Moyen-Orient considéré plus pur. Il ne tient aucun compte de celui parlé par les Algériens, fruit de leur culture et de leur évolution historique. S’il est vrai que l’Arabe parlé présente des lacunes et qu’il doit être enrichi, il n’en est pas moins vrai que le passage doit se faire progressivement, en préservant les originalités de notre parler et en évitant de créer une coupure entre les enfants scolarisés et leurs parents.
Le résultat de cette politique est catastrophique. Il se manifeste en particulier par le profond désarroi des jeunes arabisants qui deviennent une masse de manœuvre pour les démagogues.
Sur la question du Berbère, la « charte » ne dit pas un mot. Voilà donc un texte qui se présente comme national et qui évacue complètement un problème auquel sont sensibles des millions d’Algériens. Pourtant au cours des « débats » la question a été posée à maintes et maintes reprises. Le pouvoir répond comme à son habitude par le mépris.
Or la langue berbère existe. C’est la langue maternelle d’une partie des Algériens. Elle doit être reconnue, préservée et développée comme partie intégrante de notre patrimoine national. Son enrichissement, son passage à la forme écrite, son enseignement, sa diffusion doivent être garantis. Il n’y a pas d’opposition entre cette défense du Berbère et le développement d’une langue nationale. Il n’y a pas d’opposition si on conçoit l’UNITE comme englobant la diversité et non comme l’UNICITE, l’uniformité, le monopole.
Pour le P.R.S. l’Arabe doit être la langue nationale, mais :
– d’une part, son contenu doit tenir compte des réalités algériennes, de notre histoire, de nos luttes et de notre aspiration à une société meilleure et non comme un moyen supplémentaire pour nous maintenir dans le sous-développement et l’obscurantisme,
– d’autre part, cela ne veut pas dire étouffement des composantes diverses de notre culture, uniformisation, totalitarisme cultuel. La question de la langue ne peut en effet se poser séparément de la question de la démocratie. (….)