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Algérie : Arabisée ou non, l’exploitation c’est toujours l’exploitation !

Article paru dans Travailleurs immigrés en lutte, n° 40, 1er avril – 1er mai 1980, p. 16-17.

Après s’être déclenché à Alger, un mouvement de grève des étudiants arabisants s’est généralisé aux principales universités du pays. Les étudiants revendiquaient des débouchés pour les diplômés arabophones, l’arabisation totale de l’enseignement et de l’administration. Au début, le gouvernement a eu une attitude conciliante ; le ministre de l’éducation déclarait : « Nous comprenons vos problèmes, vous ne trouvez pas de débouchés après vos études, vous manquez d’enseignants… Mais il faut du temps pour résoudre des questions aussi graves, etc. ».

Mais devant l’ampleur du mouvement, le gouvernement changea progressivement de ton. La presse officielle, relayée sur le terrain par l’UNJA (Union Nationale de la Jeunesse Algérienne) animée par les staliniens du PAGS, se mit à les traiter d’ « agents de l’étranger », de « tenants de la réaction ». Chadli, dans un discours officiel, menaça de faire appel aux flics pour mettre fin à la grève. Mais ce qui fut le plus efficace pour calmer les étudiants, ce fut sans doute la promesse faite par le régime d’arabiser sous peu l’administration et l’enseignement conformément à la Charte Nationale ! et depuis, il ne cesse de proclamer son attachement aux valeurs « arabo-islamiques » .

Il ne s’agit pas d’un problème de culture

Il est certain que la grève des étudiants arabisants a un caractère corporatiste petit-bourgeois et réactionnaire, car non seulement ils réclament des places de privilégiés en rapport avec leurs études (juristes, économistes, etc.), mais en plus il semblerait qu’ils soient pour la promotion de la religion…

La bourgeoisie, en faisant campagne pour l’arabisation et la promotion des valeurs « arabo-islamiques », visait à couper l’herbe sous le pied des étudiants et à désamorcer leur mouvement de contestation. Mais il n’y a pas que cela, L’arabisme qu’essaie de promouvoir le gouvernement n’a en somme qu’accessoirement pour objectif de militer pour la culture, la langue arabe. Ce qui intéresse avant tout nos exploiteurs, c’est en ressassant des phrases creuses du genre : « nous sommes tous et avant tout des arabes », nous faire croire que tous les arabes, tous les Algériens ont les mêmes intérêts, qu’il n’y a pas de classes sociales aux intérêts radicalement opposés, et par conséquent, nier aux travailleurs tout rôle politique autonome.

La religion est « l’opium du peuple »

L’arabisme que la bourgeoisie nous assène pour nous mystifier, s’accompagne inévitablement de toute une propagande en faveur de la religion, de l’islam. « C’est dans un islam militant, austère, mu par le sens de la justice et de l’égalité, que le peuple algérien s’est retranché aux pires heures de la domination coloniale et qu’il a puisé son énergie morale, cette spiritualité qui l’ont préservé du désespoir, et lui ont permis de vaincre », peut-on lire dans la Charte Nationale p. 21.

La bourgeoisie n’a pas oublié l’usage qu’elle a su faire de la religion pour mobiliser les masses laborieuses derrière elle lors de la lutte de libération nationale. Elle avait alors joué (entre autres) sur le fait que des mœurs et une langue étrangers étaient imposés à la population, pour développer le nationalisme au sein des masses laborieuses. Lors de la guerre de libération, la classe ouvrière, comme l’ensemble des couches défavorisées, n’avaient eu aucun rôle politique autonome face aux nationalistes bourgeois.

Aujourd’hui, comme par le passé, la bourgeoisie se sert de la religion comme d’un ciment idéologique pour réaliser un consensus social. Elle s’en sert aussi comme justification idéologique des inégalités sociales, de la propriété privée, de l’exploitation de la femme, etc., enfin de tous les aspects de la société bourgeoise. L’Islam « austère » que prêche démagogiquement la Charte n’est austère que pour les masses ; les bourgeois quant à eux…

Quelle que soit sa nationalité, la langue qu’il utilise, quelle que soit sa religion, un patron est un patron, et si nous, travailleurs, voulons nous affranchir de l’esclavage salarié, il est important que nous le sachions.

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