Article paru dans Le Réveil anarchiste, n° 1026, 22 juillet 1939.
Il y a en France de braves gens faisant la propagande pour l’économie de l’abondance devant remplacer l’économie des restrictions et des destructions en même temps, propre au capitalisme. Comme moyen de réalisation, il préconisent une Constituante. Dans l’immédiate après guerre, lorsque sur toute l’Italie soufflait un vent de révolution, de braves gens aussi proposaient de s’en tenir à la convocation d’une Constituante, ce qui, d’ailleurs, ne fut pas même tenté. Notre camarade Malatesta y était naturellement opposé et en donnait d’excellentes raisons. Et, bien entendu, il s’entendit faire cette objection : « Mais que voulez-vous à la place de la Constituante ? » A quoi il répondit :
«La Révolution. Et par Révolution nous n’entendons pas uniquement l’épisode insurrectionnel, qui est d’ailleurs indispensable, à moins que, chose peu probable, le régime ne tombe de lui-même en décomposition, sans besoin d’une poussée venant du dehors, épisode qui resterait aussi stérile s’il n’était pas suivi de la libération de toutes les forces latentes du peuple et ne servait qu’à remplacer un état de contrainte par une nouvelle contrainte.
La Révolution est la création de nouvelles institutions, de nouveaux groupements, de nouveaux rapports sociaux ; la Révolution est la destruction des privilèges et des monopoles ; c’est un nouvel esprit de justice, de fraternité, de liberté qui doit renouveler toute la vie sociale, élever le niveau moral et les conditions matérielles des masses en les appelant à déterminer par leur œuvre directe et consciente leurs propres destins ; la Révolution est l’expropriation des parasites, afin que tous aient les moyens de travail ; la Révolution est l’organisation de tous les services publics par ceux qui y travaillent, faite dans leur intérêt et celui du public ; la Révolution est la destruction de tous les liens imposés, c’est l’autonomie des groupes, des communes, des régions ; la Révolution est la fédération libre faite sous la poussée de la fraternité, des intérêts individuels et collectifs, des nécessités de la production et de la défense ; la Révolution est la constitution de myriades de libres groupements selon les idées, les désirs, les besoins, les goûts de toute espèce existant dans la population ; la Révolution est la formation et la dissolution de mille corps représentatifs, de quartier, communaux, régionaux, nationaux, corps qui, sans avoir aucun pouvoir législatif, servent à faire connaître et harmoniser les désirs et les intérêts des gens proches et lointains et qui agissent par les renseignements, les conseils, l’exemple. La Révolution est la liberté éprouvée dans les creusets des faits — et dure aussi longtemps que la liberté, c’est-à-dire jusqu’à tant que d’autres, — profitant de la lassitude qui survient chez les masses, des inévitables déceptions qui suivent les espoirs exagérés, de possibles erreurs et fautes des hommes,— ne parviennent à constituer un pouvoir, qui, en s’appuyant sur une armée de conscrits ou de mercenaires, fasse la loi, arrête le mouvement au point où il en est et commence la réaction. »
Errico Malatesta
Une réponse sur « Errico Malatesta : La Révolution »
Visiblement on est encore au même point qu’en 1939 …logique tant que la source des problèmes, le capitalisme sauvage, n’a pas été tarie.