Article paru dans Jalons, n° 14, décembre 1986, p. 22-29
Voici trente ans, le prolétariat hongrois se soulevait contre l’exploitation capitaliste imposée par la clique stalinienne de Géroé-Rakosy s’appuyant, elle-même, sur la police de sûreté de l’Etat, l’AVH, dont les pratiques de tortionnaire n’avaient rien à envier à celles de la Gestapo.
Tout est parti le mardi 23 octobre 1956. A l’initiative du « Cercle Pétöfi », étudiants et intellectuels étaient venus manifester massivement en faveur des « frères polonais », les travailleurs et les employés pour leurs propres revendications sociales et en signe de solidarité avec leurs frères de classe polonais en lutte contre la dictature de Bierut qui, bientôt, sera relayée par celle de Gomulka.
Alors qu’ils s’attendaient à d’importantes concessions de la part du gouvernement de Hegedüs, les manifestants reçurent une fin de non-recevoir totale. Géroé, ex agent influent du NKVD en Espagne en 1936-37, leur tenait un discours proprement provocateur. Des centaines de manifestants cherchèrent à pénétrer dans la Maison de la Radio pour transmettre un massage radiodiffusé à la nation. Des dizaines d’entre eux furent abattus à la mitrailleuse lourde par les agents de l’AVH qui montaient la garde dans les couloirs. La colère explosa. La gigantesque statue d’acier de Staline fut déboulonnée. L’ignoble symbole de la misère et de l’oppression des masses hongroises, qui trônait dans le Parc public de Budapest, fut décapité et démembré au chalumeau dans des cris de joie et des chants d’allégresse. Mais ces cris comme ces chants appartenaient au répertoire patriotique.
Travailleurs et étudiants commencèrent alors à se battre réellement. La manifestation autorisée par le chef de cabinet du ministre de l’Intérieur M. Fekete avait tourné à l’insurrection. Des unités de l’armée hongroise se laissèrent désarmer par les manifestants où bien passèrent de leur côté ; des ouvriers retournèrent vers les usines où les équipes de nuit arrêtèrent le travail et s’emparèrent des dépôts d’armes de la « milice ouvrière », des groupes de combat se formèrent. Au cours de la nuit, les combats se généralisèrent.
Dans le but de faire respecter la « légalité socialiste », le gouvernement Hegedüs décrétait la loi martiale le lendemain. Ce pantin, dont Rakosy tirait les ficelles, fut remplacé par Imré Nagy appelé à assumer la place de premier Ministre. Sur la base du « Traité de Varsovie », Nagy demanda, en bon chien de garde, l’intervention des unités russes qui stationnaient en Hongrie depuis 1944. Et, conformément à la « solidarité du camp socialiste », celles-ci se mettaient en marche. Les chars russes de Kroutchev déferlèrent et pénétrèrent à Budapest, le 24 octobre. Les combats de rue redoublèrent d’intensité tandis que les manifestations de rue se poursuivent. Les insurgés harcèlent les Russes et tiennent les quartiers autour des casernes et dans les banlieues ouvrières. Loin d’écraser l’insurrection, l’intervention des tanks russes la généralise et exacerbe les sentiments chauvins. Le caractère nationaliste de l’insurrection ne fait plus aucun doute.
Les travailleurs sont engagés dans des combats terribles. De graves défections se font jour dans l’armée hongroise. Ainsi, le 26 le colonel Maleter passe du côté des insurgés. Avec son unité de chars, il tient la caserne Kilian. Par endroits, les soldats russes fraternisent ou bien se déclarent neutres et tirent au-dessus des têtes.
Par leurs combats, les insurgés tiennent tête aux forces gouvernementales et aux troupes russes. Ils obligent celles-ci à se retirer dans leurs garnisons, le 28 octobre. Au plus fort de la bataille, des milliers de prisonniers de l’AVH furent arrachés de leurs geôles. Farkas, premier flic de Hongrie, est abattu ainsi que des centaines de ses sbires.
Après dix ans de « construction du socialisme », les travailleurs de Hongrie concluaient que ledit régime n’avait rien du caractère « ouvrier » que lui prêtait la propagande stalinienne et que le « parti dirigeant » avait en mains la machine d’oppression sur la population laborieuse.
Dans ce pays où la grève est regardée comme un véritable crime envers l’Etat et la « propriété du peuple », la grève va devenir générale et tenir bon. Dans les principales usines de la banlieue industrielle de Budapest, des Conseils Ouvriers surgissent. De Pecs à Budapest, de Debrecen à Csurgo, de Gyor à Miskolc, les Conseils Ouvriers s’organisaient. La classe ouvrière, longtemps censurée et muselée, réapprenait à parler son langage de classe. La faim, le froid, la mauvaise nourriture et la fatigue d’un effort productif exorbitant, la terreur policière, l’y avait inéluctablement poussée.
Dans leur soif de changement les prolétaires voulaient l’écrasement de la hiérarchie salariale, la suppression des normes et de l’impôt sur les célibataires et les couples sans enfants, la majoration des retraites les plus faibles, l’augmentation des allocations familiales et la construction de logements sociaux par l’Etat. Cela sur le plan économique.
En politique, ils voulaient le Gouvernement d’Imré Nagy, la suppression du monopartisme, des élections libres et une Constitution nouvelle ; la libération du territoire national, des négociations avec tous les pays en vue d’établir des « relations sur la base du principe de l’égalité », le démantèlement de la police politique, la constitution d’une Garde Nationale ouvrière pour renforcer armée et police ordinaire.
Sur le plan social, les travailleurs réclamaient la constitution de Conseils ouvriers dans les usines et l’indépendance des syndicats à l’égard de l’Etat.
Ce qui ressort de ces revendications c’est que le prolétariat ne s’attaque nullement à l’Etat capitaliste en tant que tel. Ce puissant mouvement est dirigé contre une forme d’Etat.
Les Conseils ouvriers se voulaient être plus proches des Conseils yougoslaves de Tito que des Conseils ouvriers de la Hongrie de 1919. Ils revendiquaient la cogestion. Ils recherchaient les meilleures voies pour que la Hongrie construise elle-même « son » socialisme national, indépendant et « libre ». Les Conseils ouvriers se voulaient être les propriétaires des usines. Certains Conseils s’étaient mis à fonctionner en véritables gestionnaires de la force de travail, organisant eux-mêmes l’émulation au travail pour obtenir des rendements « jamais vus ». Dans leur mémorandum adressé à Nagy, les ouvriers ont exprimé le désir de travailler honnêtement pour le bien de la Patrie.
La question de la transformation sociale apparaît comme un simple réaménagement des conditions de travail, comme une simple question d’ « organisation démocratique » de la production, non comme l’aboutissement d’une lutte de classe dont le champ est, non l’usine ou l’entreprise, mais la société tout entière, c’est à dire une lutte politique.
Il n’est point fortuit si le 26 octobre le nouveau Comité central du parti « communiste » hongrois approuve l’élection des Conseils ouvriers avec l’assistance des syndicats, tandis que le Présidium du Conseil national des syndicats devenus « libres » propose lui-même que les entreprises soient dirigées par les Conseils ouvriers. De la sorte, on ranimait les anciens Conseils de Géroé qui étaient composés du directeur, du secrétaire, des bonzes du syndicat et de quelques ouvriers lèche-bottes. Des réunions de coordination des Conseils d’usine eurent lieu au siège des Syndicats, notamment celui de la puissante fédération de la métallurgie. Encore le 24 novembre, le quotidien syndical affirmait que les ouvriers devaient avoir un droit de regard plus étendu sur la marche des entreprises.
Affirmons que les travailleurs hongrois, mystifiés par le capitalisme d’Etat, confondaient socialisme et propriété étatique des moyens de production et d’échange. Ainsi, proclamaient-ils leur farouche intention de défendre les « acquis »: la nationalisation de l’industrie, des services et du commerce et la collectivisation des terres (qui avait été, bien des fois, forcée). Ils déclaraient être décidés à ne rendre ni les usines aux capitalistes ni la terre aux hobereaux. Les travailleurs, en plein fantasmes, craignaient le retour des « capitalistes » autant que les paysans celui des « seigneurs ». Ils ne voulaient pas qu’on leur enlève leurs usines, leurs mines, leurs postes, leurs chemins de fer, leurs banques nationalisés.
Si les socialisations s’intègrent dans l’Etat, elles ne représentent pas une marche vers la destruction des rapports de production capitaliste, mais un maquillage de l’ennemi, de son pouvoir, de son exploitation. Si l’on admet que l’on puisse faire la lutte pour la socialisation sans la lutte pour la destruction de l’Etat, on devient le colporteur d’une mystification dans les rangs ouvriers. Dans tous les cas, la « propriété du peuple », la « propriété syndicale », la « propriété de la coopérative ouvrière », c’est le capitalisme d’Etat !
Les Conseils ouvriers se sont fédérés par arrondissements, par villes et par provinces. Mais, jamais ils n’ont représenté une virtualité de « double pouvoir ». A l’inverse, ils formaient le rempart vivant du gouvernement Nagy. Les travailleurs voulaient Nagy au pouvoir et déclaraient être prêts à travailler loyalement avec l’équipe de « novateurs ». Grand était le prestige politique de Nagy qui, de 1952 à 1954, ralentissant l’accumulation dans l’industrie lourde, avait accordé quelques miettes en améliorant le secteur des biens de consommation. Prestige d’autant plus fort qu’il avait été brutalement relevé de ses fonctions d’administrateur du capitalisme hongrois, en avril 1955. A l’inverse Rakosi, qui avait repris les concessions de l’éphémère « printemps hongrois » en pratiquant la politique du « salami », incarnait le Mal. Soutenu par Moscou, il était le facile bouc émissaire au mécontentement général.
La classe ouvrière hongroise avait choisi Nagy et rejeté Rakosy. Où est le choix de classe ? Nulle part. Croyant qu’il pouvait y avoir un « moindre mal », elle crut qu’un changement de personne allait résoudre ses problèmes. Aucune force révolutionnaire, aucune organisation marxiste, personne n’était là pour montrer au prolétariat hongrois qu’il n’y a pour lui aucune forme d’organisation bourgeoisie qu’il puisse défendre.
Dans la Hongrie de 1956, il n’y eut donc pas débordement des institutions, l’Etat ne fut pas mis en pièce et remplacé par les organismes de la dictature du prolétariat : Conseils et Comités révolutionnaires. Le mouvement revêt un caractère constitutionnel. Ce qui fut réalisé, à l’applaudissement frénétique des trotskystes, ce fut l’épuration populaire de la police. Mais la police en tant que telle resta entièrement debout et ses représentants se faisaient élire dans les Comités révolutionnaires. Une partie de l’armée hongroise passa dans le camp « anti-russe ». Mais, en tant que telle, l’armée demeura intacte et, elle aussi, put se faire librement représenter dans les Comités révolutionnaires.
A lire les nombreuses proclamations, ce qui saute aux yeux c’est la revendication de la liberté nationale pour la Hongrie, la liberté pour son peuple de choisir son destin. En Hongrie, la classe ouvrière ne lança pas d’appel à la classe ouvrière d’Amérique et d’Europe, encore moins à celle de Russie. Et, pourtant, cette dernière se dressait, en maintes occasions, contre la dictature de Khrouchtchev. Ses représentants s’adressèrent démocratiquement à l’ONU et à la « conscience du monde ». A mille lieux des objectifs révolutionnaires, la classe ouvrière de Hongrie méconnut et ses ennemis et ses amis.
En Hongrie, aucun mouvement révolutionnaire des ouvriers ne se produisit ; le patriotisme national fut le plus fort. Déclenché comme une rébellion contre l’URSS, le mouvement n’a pas été prolétarien mais inter-classes. C’est la classe ouvrière qui lui a fourni les combattants qui ont tenu en échec la deuxième puissance impérialiste mondiale. Sa puissance lui est venue de la grève générale. Mais la grève générale voulait se dérouler jusqu’au départ du dernier soldat russe.
La classe ouvrière hongroise versa abondamment son sang. Or, le véritable combat de classe contre ses propres exploiteurs n’a pas eu lieu. La classe ouvrière ne se démarqua pas politiquement avec assez de netteté des autres couches de la population. Elle glissa dangereusement dans le front uni anti-russe et s’y empêtra. Elle voulait la pluralité des partis qui reconnaissaient la socialisation (capitalisme d’Etat). Aussi, était elle pour des élections « libres » afin de désigner un nouveau Parlement. D’une manière générale les ouvriers désiraient que les partis ayant participé à la coalition gouvernementale entre 1945 et 1947, puissent prendre part à ces élections. En 1956, les travailleurs de Hongrie sont attachés à une illusion mortelle : la démocratie, sociale et politique.
Si en face du déferlement des chars russes les ouvriers sont poussés, non pas vers l’attaque contre la machine étatique du capitalisme mais vers sa sauvegarde, alors c’est la collaboration de classe qui triomphe. La voie pour l’éclosion de la conscience de classe se trouvait tout à fait en dehors d’un appui à Nagy, dans la voie opposée du déclenchement du mouvement prolétarien, politiquement indépendant.
Neuf mois après avoir dénoncé les « crimes de Staline » et sa pratique de la répression de masse au moyen de l’appareil gouvernemental, le parti et le gouvernement de la Russie ont écrasé dans le sang, à la face du monde, l’insurrection hongroise. Les tanks « socialistes » russes, qui au passage avaient mis en selle le nouveau gouvernement de Kadar, homme de paille attaché à maintenir la Hongrie dans la dépendance de l’impérialisme russe, tiraient des obus « ouvriers » qui déchiquetaient le corps des travailleurs « fascistes » hongrois et, les cocktails Molotov des « hooligans » mettaient hors de combat ces mêmes chars « socialistes ».
En 1919, la Commune hongroise fut trahie par les socio-démocrates Paidle et Payer, secondés dans ce travail par les corps des officiers, la bureaucratie cupide et la soldatesque ignorante. En 1956, l’insurrection de Hongrie fut noyée dans le sang par des bouchers s’intitulant « communistes ». Cette répression, qui fit entre 30 000 et 40 000 morts, exercée au nom de la « patrie socialiste », fut autant bestiale que celle du régent Horty.
Ce qui s’est passé en Hongrie en 1956 doit nous rappeler que le fameux « camp socialiste » est à l’image des pays de la domination capitaliste sous la zone occidentale, composée de grandes et de petites nations dominées par l’impérialisme yankee. Comme les bourgeoisies nationales, les équipes au pouvoir dans les pays de l’Est utilisent les slogans de l’ « indépendance nationale » pour s’assurer des fiefs – qui finalement ne peuvent retomber que sous la coupe d’un suzerain. Nous pensons que les travailleurs ont autre chose à faire que de se solidariser avec leurs exploiteurs et leurs dirigeants.
Pour la classe ouvrière il ne s’agit pas de mettre une touche de libéralisation sur le régime capitaliste, mais de l’abattre. L’Etat n’a pas – et ne peut-être humanisé dans son fonctionnement, mais détruit. L’armée et la police ne doivent pas être démocratisées mais démantelées pour laisser place aux milices ouvrières armées. Il ne s’agit pas de préférer le « libéral » Nagy au « stalinien » Rakosy ; il s’agit de mettre fin à leurs pouvoirs.
Eux seuls les ouvriers n’ont pas de patrie. Et seule leur lutte autonome pour leur émancipation sociale pourra aboutir à la construction d’un monde unifié et solidaire, sans Etat ni nation et leur saleté de rivalités inter-impérialistes.
Le programme hongrois de 1956 constitua un recul énorme par rapport à celui de la rouge Commune hongroise de 1919, qui proclamait « Dictature du prolétariat ! ».
Les trotskystes de la IVème Internationale ont favorablement présenté l’insurrection et l’ont louée comme une date des plus marquantes de la révolution politique dans un « Etat ouvrier déformé » pour le débarrasser de la bureaucratie usurpatrice. Pour « Socialisme ou Barbarie » ce fut la première révolution prolétarienne contre la bureaucratie d’Etat, contre la techno-bureaucratie. Se laissant abuser par les formes, ce groupe sombra dans l’apologie pure et simple du mouvement qui, selon ses analyses, mettait aux prises « dirigeants » et « dirigés ». Derrière tout ce radicalisme de façade se cachaient les préjugés gestionnistes les plus pernicieux. Pour « Socialisme ou Barbarie », pour la « IVème Internationale », la classe des propriétaires bourgeois des usines et de la terre avaient disparu, seule la « caste » dirigeante s’opposait au socialisme.
Il reste que le mouvement hongrois est difficile à classer. L’importance sociale du prolétariat avait augmenté et cependant le regroupement des classes dans la lutte est retourné à un modèle archaïque – un modèle quarant-huitard, oui, mais sans les bases historiques et matérielles de 1848. Telle un fantôme du passé, la « démocratie révolutionnaire » a resurgi avec un contenu anachronique. C’est le contraste béant entre la puissance des moyens de classe mis en branle par le prolétariat et l’étroitesse bourgeoise des buts. Ce mouvement s’est produit dans un pays industriel moderne colonisé par une grande puissance impérialiste qui en pillait les meilleures richesses.
Ce mouvement est comme le début du processus qui mettra les prolétaires en mesure de dépasser la fausse opposition Totalitarisme-Démocratie. Il constitue une des premières brèche dans le monstrueux édifice de la contre-révolution stalinienne.
Pour les communistes que nous sommes il est hors de question de faire de l’insurrection hongroise, marquée par la profonde empreinte de la contre-révolution, le « nec plus ultra » du mouvement ouvrier moderne. Les Conseils ouvriers appelés à surgir demain en Hongrie reprendront, en l’élevant qualitativement, la forme d’organisation qui était celle de leur tradition révolutionnaire de 1919. Et, ils en approfondiront le programme social.
On s’en doute, la presse stalinienne française a calomnié tant et plus l’insurrection en déversant des tombereaux d’ignobles mensonges. L’ « Humanité » et la cryto-stalinienne « Libération » se déchaînèrent. Ces deux torchons imprimèrent les mensonges les plus vils. Les insurgés étaient présentés comme des hooligans payés par l’Amérique, les Conseils ouvriers comme les organismes du « lumpenprolétariat » et la « lie de la société ». A. Stil, récent prix Staline de littérature, eut le front d’écrire : « Les fascistes, usant de la démagogie autant que de la terreur, ont forcé les travailleurs demeurés loyaux au régime socialiste à faire grève contre leur gré, et à occuper les usines le fusil dans le dos. » Quelques mois auparavant, le P « C » F avait voté les pleins pouvoirs au gouvernement de la répression colonialiste française.
En pleine guerre froide, l’impérialisme occidental utilisa l’intervention des chars russes en Hongrie pour couvrir ses propres entreprises militaires en Algérie et en Egypte. Les Bidault et les Laniel, les réactionnaires de tous bords se découvraient d’un amour sans bornes pour les travailleurs – pourvu qu’ils habitent Budapest.
Un véritable concert de déboussolement du prolétariat fut ainsi organisé par la gauche « progressiste » et par la droite « réactionnaire ». Les crocodiles occidentaux pleurèrent, démagogiquement, à chaudes larmes sur la répression. Les staliniens se réjouirent, cyniquement, du retour à l’ordre et au travail. Les travailleurs, désorganisés, sans perspective, restèrent dans l’expectative et écoutèrent en silence les informations venant de Budapest.
Trente ans après l’insurrection de Budapest, les maîtres de Moscou et leurs satellites nationaux continuent à gouverner d’une poigne de fer. L’Armée rouge, gardienne du Saint-Empire grand russe est toujours là, prête à intervenir militairement pour écraser toute opposition.
Aujourd’hui alors que le monde sombre dans le pourrissement social et culturel, les Conseils ouvriers restent plus que jamais la seule solution possible à la crise qui ronge le capitalisme et qui y sévit de façon permanente, à l’Est comme à l’Ouest. Mais à condition que ces prochains Conseils se fassent l’armature de la dictature rouge et le fer de lance du programme révolutionnaire.
ADDITIF: Le 21 nov., une Conférence nationale des Conseils ouvriers se réunit à Budapest, en dépit de l’interdiction gouvernementale et du déploiement des forces russes dans le quartier où elle doit avoir lieu. La Conférence appelle à une grève de 48 heures contre la répression, elle exige de nouveau le retour de Nagy, le départ des Russes, l’arrêt des emprisonnements « arbitraires », le droit de grève, la possibilité légale d’éditer des journaux. Pour le 23 novembre, elle décide de commémorer dans le recueillement l’anniversaire du début de la « Révolution » et demande aux gens de rester chez eux pendant 1 heure. En outre, elle propose que seule les femmes participeront à la commémoration de l’anniversaire de la 2ème intervention russe, pour le 4 décembre. On le voit, le Conseil Central fonctionne rapidement tel un syndicat.