Article paru dans Le Prolétaire, n° 402, juillet-août-septembre 1989.
Abdelhamid Benzine, dirigeant du P.A.G.S. (autrefois : Parti « communiste » algérien), a donné une interview à la « Tribune d’Octobre » (No 7, mai 89), dans laquelle il déclare que « la situation en Algérie appelle un rassemblement de toutes les forces vives autour d’objectifs communs, fussent-ils transitoires. L’ennemi, c’est le fanatisme aveugle et l’extrémisme, c’est la manie de vouloir imposer une solution unique. »
Que le P.A.G.S. , champion de la collaboration de classes, soit ennemi de « l’extrémisme » n’étonnera personne ; et que l’expression « rassemblement de toutes les forces vives autour d’objectifs communs » signifie lorsqu’on laisse de côté les termes hypocrites et nébuleux : union entre les classes pour défendre les intérêts bourgeois, c’est ce que tout l’interview démontre.
Benzine s’efforce longuement d’y démontrer que le P.A.G.S. n’est pas opposé à l’idéologie nationale bourgeoise, et en particulier à l’idéologie religieuse :
« S’agissant de la religion, je crois fermement qu’aucun parti socialiste, patriotique ou communiste (pour lui, c’est la même chose – NDR) arabe, n’a un jour pris des positions contre l’Islam, ou contre toute religion monothéiste. L’impérialisme, le racisme… voilà le mal. En aucune manière ce ne peut être la religion ».
Ce Monsieur a-t-il jamais entendu dire qu’un certain Karl Marx avait écrit que « la religion est l’opium du peuple » ?
Notre dirigeant du « Parti de l’Avant-garde Socialiste » (sic !) continue sur le même registre :
« Nous nous considérons comme les enfants d’une nation arabe, musulmane dotée d’une culture populaire et à ce titre, nous sommes les premiers à défendre l’arabité et l’Islam (… ). Tant que la religion sera pour Dieu et la patrie pour Tous (!), nul n’aura le droit d’user de la foi des gens à des fins politiques, comme le font certaines tendances chez nous. Il appartient à Dieu seul de juger les intentions des gens (…) Les accusations selon lesquelles le parti communiste serait athée sont sans fondement », etc., etc.
Et à une question humoristique du journal : « songez-vous à construire des mosquées pour les musulmans marxistes ? », notre dévot « communiste » répond sérieusement : « cette idée ne nous a pas encore effleuré. Nous faisons la prière dans les maisons de Dieu que sont les mosquées » ! …
La capitulation du P.A.G.S. devant le bon Dieu et l’idéologie religieuse n’est que la conséquence de sa capitulation devant la bourgeoisie et le Dieu capital. De la même façon qu’il y a selon le P.A.G.S. un « Islam des riches » et un « Islam des pauvres », un bon côté et un mauvais côté de la religion, il y a un bon côté et un mauvais côté de la bourgeoisie et du capitalisme.
Le bon côté, c’est le capitalisme d’Etat, le mauvais c’est le capitalisme privé. En effet :
« Nous estimons qu’il est possible de soutenir le capitalisme d’Etat et de consolider les organisations de masse car cela prépare l’avènement du socialisme. (…) C’est ce qui nous pousse à mobiliser la classe ouvrière et à l’amener à donner un contenu progressiste à nombre de secteurs productifs pour la consolidation du capitalisme d’Etat et la création de syndicats capables de prémunir le travailleur contre ce qui pourrait découler d’une gestion, somme toute (sic !), capitaliste. »
Canaille ! Comment croire qu’il soit possible de prémunir le travailleur contre une « gestion capitaliste » Cela signifie-t-il qu’il pourrait y avoir une gestion non capitaliste dans le cadre d’un Etat bourgeois ?) Tous en le « mobilisant » en soutien de ce capitalisme d’Etat ?
Il est indéniable que le capitalisme « prépare » le socialisme, mais à condition que la classe ouvrière dans une lutte anti-capitaliste quotidienne se prépare à le renverser et à le détruire. Le P.A.G.S., lui ne prépare que l’éternelle soumission de la classe ouvrière au capitalisme. C’est si vrai, qu’après avoir appelé au boycott des premières élections, quand l’émotion populaire était encore forte, il a ensuite appelé à voter pour la constitution et il soutient aujourd’hui le gouvernement de Merbah, dont l’objectif est pourtant de favoriser le capitalisme privé aux dépens de ce capitalisme d’Etat tant admiré :
« Nous avons soutenu par le passé les orientation du gouvernement de Ben Bella ou du gouvernement de Boumédienne, pourquoi refuserions-nous de le faire pour le gouvernement Kasdi Merbah ? L’objectif n’est-il pas le même : la construction de l’économie nationale ? (…) Nous ne ménageons aucun effort pour assurer la réussite du programme d’urgence (programme du gouvernement NDLR) , car nous mesurons l’ampleur des difficultés que l’économie nationale doit affronter cette année ».
La bourgeoisie algérienne peut être satisfaite ; pour lui éviter des difficultés, le P.A.G.S. ne ménagera aucun effort, c’est-à-dire, redoublera la seule activité qu’il connaisse, en dehors de la prière, celle de la collaboration de classe, de la soumission des intérêts prolétariens aux intérêts privés ou d’Etat, mais toujours du capitalisme national !