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Le football au service de la bourgeoisie

Article paru dans Travailleurs immigrés en lutte, mensuel ouvrier révolutionnaire, n° 11, juin 1977, p. 8-9


Ces derniers jours, Alger a été le théâtre d’affrontements violents entre flics et spectateurs venus assister à un match de football. Ces derniers, mécontents de voir l’équipe « nationale » se faire battre par l’équipe tunisienne, « défilent à travers les artères de la ville, agressant et détruisant tout sur leur passage. Autobus de la RSTA, et de la SNTV, vitrines, subissent la colère de ces bandes de voyous. Ce phénomène prend de l’ampleur : dès qu’arrive le vendredi, le service d’ordre est sur la brèche et les populations d’El Biar s’enferment à double tour. On signale des cas similaires à l’Est et à l’Ouest du pays, avant et après chaque match. »

Après cette description des faits, El Moudjahid (9.5.77) feint de s’étonner : « Si les incidents dans les tribunes avaient une origine bien déterminée, la défaite, ceux-ci n’en ont point et constituent des gestes gratuits. Pourquoi ces incidents ? Question qui reste sans réponse. »

Question sans réponse, ou question à laquelle on ne veut pas donner de réponse ?

Le football, utilisé comme instrument de dépolitisation et d’abêtissement des masses, sert souvent à engendrer un chauvinisme largement entretenu par nos bureaucrates.

Mais cette arme est à double tranchant : il est fréquent que, lors des regroupements qu’occasionne un match de foot, ce soit l’occasion pour la jeunesse algérienne d’exprimer de façon spontanée et violente un mécontentement qui va croissant. Mécontentement dû au fait qu’en Algérie, la situation devient de plus en plus alarmante : le sous-emploi et le chômage sévissent (60 % d’inactifs chez les jeunes), et leurs conséquences, délinquance, larcins de toute sorte, prostitution, sont pour beaucoup la seule solution de survie.

Or c’est bien la bourgeoisie qui est responsable du chômage et de la misère. C’est bien la politique de ces exploiteurs qui est la cause de ces manifestations de colère.

Cette politique pourtant, place la bourgeoisie devant des contradictions qui ne peuvent que prendre de l’ampleur. Contrôler et encadrer une population à qui elle impose des conditions de vie misérables, ne lui sera pas facile, même si elle distribue des « dérivatifs », les mêmes que partout, d’ailleurs.

Le football en est un, qui a l’avantage, de plus, d’entretenir un nationalisme bien utile. L’Islam en est un autre ; … les discours démagogiques sur la patrie socialiste en est encore un autre, plus subtil celui-là. Mais les anesthésiques ne suppriment pas le mal. La bourgeoisie ne pourra empêcher que la population, entassée dans les villes sans moyen de survie décent, n’exprime un jour sa révolte.

Les événements dont parle El Moudjahid n’en sont qu’un exemple. Quelles que soient les formes qu’elles prennent, ces manifestations sont bien des manifestations de colère de la part de jeunes pour qui l’avenir est bien sombre… La voilà, la réponse ! Et encore une fois, on ne peut que regretter l’inexistence d’un parti révolutionnaire, qui puisse donner des perspectives politiques à cette révolte.

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