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Grève générale des postiers

Textes parus dans Tribune algérienne, n° 21, septembre 1979, p. 8-13


Dans la lutte que mène la classe ouvrière pour ses revendications urgentes et contre le régime militaro-policier de Chadli, la grève générale des postiers en juillet 1979, marque un moment important.

Rappelons pour mémoire, le mémorandum adressé par les travailleurs des Postes et télécommunications, au mois de Mars 1979, au ministre des P et T, au Parti FLN, aux dirigeants de l’U.G.T.A., qui portait une série de revendications (augmentation générale des salaires, droit au logement pour tous, respect de la promotion interne, amélioration des conditions de travail, droits sociaux améliorés, distribution équitable sous forme de prime des 7 milliards de bénéfice réalisés pour l’année 1977-78) et exigeait leur satisfaction dans les meilleurs délais.

Le gouvernement, le ministre, ne daignent pas répondre.

En juillet, la grève éclate au centre de tri d’Alger. Elle dure une semaine. Le Directeur du centre intervient, pour discuter et faire reprendre le travail.

Il est récusé, traité de bourgeois et renvoyé par les travailleurs en grève. « Nous voulons que le ministre lui-même vienne » disent-ils mais, ce dernier est en voyage… Le Secrétaire général du ministère des P et T descend voir les travailleurs en grève et promet de faire un rapport exact sur la situation, d’enregistrer les revendications et de les soumettre au Ministre colonel Zerguini.

Le 13 juillet, aucune réponse du Ministre n’arrive. Pendant ce temps, le téléphone fonctionne entre les grévistes d’Alger et toutes les postes du pays.

Le 16 juillet dans les postes importantes se tiennent des assemblées générales, la grève générale est décidée. Elle dure deux jours. Le mouvement est suivi à 100 %.

A Alger : Les travailleurs de la Grande Poste se mettent en grève tout en restant à leur poste de travail et, à l’intérieur des locaux dans la grande salle qui accueille le public, une grande banderole fut fixée où l’on pouvait lire : « Et toi, Zerguini ta villa de 500 Millions » !

Peu de temps après, les portes de la poste sont fermées et, tous les grévistes sont dehors sur les marches, de la grande entrée. Mais pourquoi ?

Est-ce à cause de la sympathie que manifestent les usagers aux travailleurs grévistes ? toujours est-il que l’appareil répressif, hommes armés de Chadli sont très hésitants, équipés avec un équipement des plus perfectionnés, appareillage anti-émeute, casques, boucliers, encadre la grande poste avec des voitures « camionnettes » grillagées.

Tout y est pour un éventuel assaut, mais les choses ne sont pas si simples pour le pouvoir !

Intervenir en plein centre d’Alger, au su et au vu de la population n’est pas à faire sans « mûres réflexions ». Le mouvement ayant un tel degré d’organisation et ayant un caractère public, il est aisé de comprendre pourquoi les choses en sont restées là pour ce qui est de l’intervention directe de la police.

Toutes les postes d’Alger sont en grève, devant chacune, un policier en faction. La grève des postiers trouve un écho certain et favorable dans toute la population.

Le lendemain, le secrétaire général du Ministre des P et T et le secrétaire général de l’U.G.T.A viennent négocier avec les représentants des travailleurs. Ceux-ci refusent et ne veulent discuter qu’avec le Ministre.

Malgré toutes les déclarations de celui-ci, n’a-t-il pas dit entre autre qu’il n’avait pas l’intention de discuter avec ceux qui menacent le gouvernement par la grève ? Mais le colonel Zerguini, Ministre des P et T viendra.

Et il vient négocier avec les représentants des travailleurs. Les négociations se déroulent au siège de « l’Assemblée Nationale ». Les postiers arrachent : 450 dinars de prime uniforme pour tous et mensuelle, payée dés le mois de juillet, le paiement des primes de rendement, le paiement des primes d’ancienneté.

Le régime Chadli par l’intermédiaire du colonel Zerguini, ministre des P et T a été obligé de reculer, de lâcher. Cette victoire est à mettre au compte de toute la classe ouvrière combattant sur ses revendications contre le régime de l’arbitraire.

Cette grève a un retentissement considérable. Elle est révélatrice de la combativité de la classe ouvrière et des masses, comme elle représente en même temps un aiguillon formidable pour tous les autres secteurs de la classe ouvrière.


« NOUS SOUTENONS LA GREVE DES TRAVAILLEURS DES P&T » DISENT LES SECTIONS SYNDICALES D’ALGER
CONTRE DEMENE ET LE SECRÉTARIAT NATIONAL DE L’UGTA

Alors que la grève se poursuivait au centre de tri d’Alger, Démène et les secrétaires nationaux de l’U.G.T.A réunissent les sections syndicales d’Alger.

A cette Assemblée générale, Démène déclare : « que la réaction interne,
soutenue par la réaction extérieure s’est infiltrée dans nos rangs »… « pour preuve » poursuit-il « c’est ce nombre de grève qui sont déclenchées simultanément ».

La réponse des représentants des sections syndicales, c’est-à-dire la base syndicale, ne se fit pas attendre, un délégué intervient en ces termes :

« Nous voudrions bien connaître ces réactionnaires ; parce que celui qui dit la vérité est un réactionnaire pour vous ! Pas d’eau, pas de légumes, rien sur les marchés et quand il y a quelque chose, il faut pouvoir se le payer. Les prix grimpent de jour en jour. Que peut faire un travailleur avec un salaire misérable ? Quel est le rôle de l’U.G.T.A ? »

Un second représentant d’une section syndicale prend la parole :

« depuis le temps qu’on parle de crise de logement, de crise des transports, alors que les « gestionnaires » promènent leurs voitures de luxe et construisent des châteaux ! Alors que nos revendications de base ne sont pas satisfaites, et par dessus le marché, ce sont nos droits. Il faut arrêter de tromper les travailleurs, de leur dire des mensonges. Il faut mettre fin à la démagogie. Les travailleurs sont conscients, ils ne nous reconnaissent plus comme leurs représentants. Ils ont raison, il faut des solutions immédiates et concrètes. »

Un troisième intervenant :

« A chaque fois, vous nous parlez de la bataille de la production, on dirait que ce sont les travailleurs qui ne font pas leur boulot, à chaque fois la faute incombe aux travailleurs. Je voudrais bien savoir qui est entrain de passer des contrats avec un taux de pourcentage placé dans les banques étrangères ? Est-ce que ce sont les travailleurs ? »

Un quatrième représentant d’une section syndicale intervient :

« Est-ce que ce n’est pas une honte de voir encore des travailleurs surexploités, qui touchent entre 450 et 500 dinars par mois. Depuis 1976 aucune revendication n’a été satisfaite ; il suffit de lire les compte-rendu des réunions. Je pense qu’il faut soutenir la grève des P et T. Je crois que la seule issue c’est la grève. »

Un cinquième représentant syndical déclare :

« Comment voulez-vous qu’on lutte, quand pour apprendre une nouvelle sur notre pays on est obligé d’écouter les radios étrangères. Il faut laisser les gens parler, il nous faut la liberté d’expression ».

A ce moment le président de séance arrête les débats dans ces termes :

« Démène, le secrétaire général ne peut pas rester longtemps avec nous alors il va nous éclairer sur certains points. »

Alors un travailleur se lève et dit :

« On en a marre de ces réunions truquées dès qu’il y a des débats où on parle de nos problèmes on arrête la séance, on dirait que c’est voulu. Il faut laisser les cadres syndicaux exposer leurs problèmes. Comme ça on ne blâmera pas les travailleurs et leurs représentants ».

Démène prenant la parole s’excuse de cette coupure dans les débats et explique :

« La situation est tellement alarmante qu’il faut qu’on se mette sérieusement au travail et je vous jure que dés que j’aurai toutes les listes des agents contractuels et celles des travailleurs qui touchent des bas salaires, je ferais de mon mieux pour solutionner ces problèmes.

Par contre, pour les grèves, je ne suis pas d’accord, parce que ces grèves sont contre nous et ça encourage la bourgeoisie qui veut exploiter les travailleurs. Il y a certains « gestionnaires » qui ne demandent que ça et ils veulent mettre en échec notre révolution. »

A la fin de son intervention une motion est lue par le président de séance Mesbahi de l’Union de Wilaya d’Alger. Cette motion reprend les grandes lignes du discours de Démène et condamne la grève des P & T.

C’est l’explosion dans la salle, ce sont des cris et des sifflets contre cette motion, certains travailleurs quittent la salle en criant et gesticulant à l’adresse de dirigeants de l’U.G.T.A. « C’est une honte !  » disent-ils.

D’autres travailleurs restent et proposent énergiquement des amendements :

Il faut soutenir la grève des P et T,

Il faut élire une commission de contrôle qui sera chargée de contrôler l’origine des biens des nouveaux riches !

Telle est le contenu de cette Assemblée générale.

C’est l’échec pour Démène et tous les bureaucrates de l’U.G.T.A. La grève des P et T d’Alger, se transforme en quelques jours en grève générale des postiers de toute l’Algérie.


AFFRONTEMENTS SANGLANTS À BADJARAH – ALGER,
LA QUESTION DU LOGEMENT

Nul n’ignore aujourd’hui que les grèves se succèdent en Algérie et qu’en se multipliant elles prennent un caractère puissant.

Travailleurs, étudiants, c’est le peuple dans son ensemble qui décide de se défendre fermement, d’arracher ses droits et revendications.

La preuve est donnée par les « sans logis » habitants dans les bidonvilles situés dans la banlieue algéroise (El-Harrach, Hussein-Dey) « ces habitants logent dans des mansardes où n’existent ni eau, ni électricité ni réseaux d’égouts pour l’évacuation des eaux usées » (cf. El Moudjahid 26.6.79) « Aux limites de l’intenable ».

Ces citoyens décident donc de s’en sortir et optent pour une solution immédiate et directe. Voilà comment la presse aux ordres, sans vergogne, relate les faits. Je cite :

« l’occupation illégale d’un immeuble à Badjarah par 30 familles (…) cette affaire qui s’est soldée par un affrontement avec le service d’ordre (…) qui a poussé ces chefs de famille à défier les autorités en se mettant en travers de la loi, si ce n’est la situation désespérée dans laquelle ils se trouvent depuis plusieurs années. Pour ces habitants, qui se considèrent comme des « laissés pour compte » car ils ont épuisé toutes les voies possibles pour l’obtention éventuelle d’un logement, la patience a des limites »

El-Moudjahid du 26.6.79.

Que cette remarque complaisante ne trompe personne, si cette presse aux ordres a mis l’accent sur l’aspect moral de cet événement, pour nous, c’est son aspect meurtrier pour un simple droit au logement qui nous frappe.

Sachons que ces citoyens ont répondu par la violence du service d’ordre qui pour les déloger se mit à jeter toutes les affaires par les fenêtres. L’affrontement fut sanglant, des homme sont balancés par les fenêtres. Il y a des blessés graves et des morts. El-Moudjahid ne dit pas un mot sur ces victimes. Il est évident que si le service d’ordre a mis tant de hargne et de sauvagerie c’est qu’il avait carte blanche pour le faire.

La suite de l’article de ce journal montre bien que ces occupants sont : employé à la ville d’Alger, Chef de rang au complexe touristique de Moretti. Ce sont pour la plupart des travailleurs, pères de famille, excédés par l’injustice, par leur condition de vie dans les taudis misérables, les baraques.

Ce qui anime ces citoyens est le même sentiment qui anime ceux qui vivent douze mois de l’année sans eau, ceux (et c’est la majorité) qui sont accablés par les conditions de vie et de travail désastreuses.

L’affrontement « brutal » (pour El-Moudjahid) est plutôt un affrontement sanglant, ou plusieurs pères de famille ont laissé leur vie, ont été assassinés par la police du régime des colonels.

Au droit au logement, les colonels répondent par l’assassinat.

Le régime des colonels, régime assassin est totalement opposé à la satisfaction des droits les plus élémentaires des masses populaires.

Balayer ce régime, c’est ouvrir la voie à la souveraineté du peuple travailleur, à ses droits, à ses libertés, exprimée pleinement par l’ASSEMBLEE CONSTITUANTE SOUVERAINE.

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