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Vuillemin : Oradour-sur-Glane en Algérie

Article de Vuillemin paru dans Ohé Partisans !, n° 4, août 1945


La vérité sur le drame d’Afrique du Nord

Une censure sournoise et une presse bien sage : voilà pourquoi si peu de gens ont une idée précise des événements qui ont ensanglanté l’Algérie.

La situation

Les populations d’Afrique du Nord n’ont jamais connu les « bienfaits de la colonisation ».

La richesse des gros colons, et des industriels a été faite de la sueur et du sang des esclaves coloniaux.

Depuis la guerre, une famine effroyable a augmenté terriblement la mortalité.

En Algérie, les deux tiers des enfants indigènes meurent avant l’âge de deux ans.

Dans certaines régions, les Algériens ont pour toute nourriture 120 grammes de grain par jour.

Des milliers d’Arabes vivent dans des loques et à peu près nus.

Multipliez par dix les restrictions que nous connaissons ici, et par vingt la pourriture vichyssoise : vous avez la situation en Afrique du Nord.

La colère des masses en est multipliée d’autant.

Les partis algériens

Par leur politique de soutien du gouvernement, les Partis Ouvriers français ont perdu une grande partie de leur influence.

Les Algériens réalisent nettement que les paroles du P. S. et du P. C. F. contre les gros colons ne sont que de la démagogie.

Il est évident que les colons ne pourraient exploiter longtemps le peuple algérien s’ils n’avaient pour les soutenir, les baïonnettes du gouvernement « démocratique » auquel participent le P. S. et le P. C. F.

Ce sont donc les Partis Nationalistes Algériens qui bénéficient de la confiance des masses populaires.

Le Parti du Peuple Algérien (P. P. A.) qu’une certaine presse hypocrite a tenté de confondre avec le P. P. F. Inutile de dire qu’il n’y a rien de commun.

Le chef du P. P. A. : Messali Hadj, fut emprisonné sous le gouvernement de Daladier puis sous celui de Pétain et enfin sous le gouvernement actuel.

Le deuxième parti est « le mouvement des amis du manifeste », de Ferhat Abbas.

Devant la poussée des masses laborieuses, la bourgeoisie ne pouvait freiner le mouvement par des appels au calme de chefs ouvriers traîtres (à la mode de chez nous), ces derniers n’ayant plus de crédit en Algérie.

Pour briser les reins au mouvement d’émancipation, elle prépara une monstrueuse provocation.

La préparation du massacre fut l’oeuvre des colons fascistes et de l’administration algérienne. (Cela, toute la presse de gauche l’a reconnu en France.)

Mais la complicité du gouvernement (sur laquelle la presse se tait) ressort des faits qui suivent.

Le drame

Le 8 mai, le drame éclate à Sétif. Une manifestation indigène avait lieu. Une foule de plusieurs milliers de Nord-Africains défilent avec des banderoles : « Vive l’Algérie Indépendante » ! « Libérez Messali Hadj » !

La police intervient. La foule refuse de retirer les mots d’ordre. Un commissaire de police sort son revolver et tire sur les manifestants. Plusieurs s’écroulent ; la foule se disperse. Alors, un groupe d’indigènes parcourt la ville en tuant un certain nombre de personnes.

En tout, 102 morts, d’après les chiffres officiels.

Le prétexte est fourni à une répression sauvage et l’Etat français se garde bien naturellement d’inquiéter les fomentateurs de la provocation.

Au contraire, la répression est organisée contre la population indigène.

Les Versaillais ont fait des petits !

La loi martiale est décrétée à Sétif. Il est interdit aux indigènes de sortir de chez eux s’ils ne sont pas munis d’un brassard spécial indiquant qu’ils se rendent au travail.

Tout musulman vu sans brassard est tué sans avertissement.

En pleine ville de Sétif, dans un square, un gamin qui cueillait des fleurs est tué par un sergent.

Dans la région de Sétif, la répression est faite par la Légion étrangère et les Sénégalais qui massacrent, violent, pillent les demeures des indigènes et incendient.

La marine dépêche le Duguay-Trouin de Bône. Il bombarde les environs de Kerrata, M. Tillon a demandé aux ouvriers de travailler à construire une forte aviation. Fort bien, les fascistes algériens savent utiliser cette aviation pour semer la mort dans les villages indigènes. Elle bombarde et mitraille toute la région au Nord de Sétif qui est aujourd’hui partiellement un désert (presse démocrate d’Algérie).

Le massacre atteint son comble.

A Guelma. La presse pétainiste a fait du bon travail et suscité une véritable folie raciste dans la population européenne, à telle point que la répression est dirigée par des éléments de la France Combattante et même du Parti Communiste local !

Le 11 et le 12 mai, selon l’aveu du sous-préfet Achiary, les officiers français font fusiller 300 (trois cent) jeunes musulmans (6 à 800 selon d’autres témoignages)… Les voila bien les officiers vichystes (qui ne demandaient qu’à se racheter) !

Partout le carnage continue, et à Taher, à la sortie d’une conférence faite par M. Lestrade-Carbonel, préfet de Constantine, plusieurs Vichystes notoires peuvent dire : (c’est un jour de victoire nous !). En effet.

En France, les gardes civiques du peuple n’existent plus, mais en Afrique du Nord la réaction constitue une « Garde civique » à elle, dans laquelle ce sont les anciens membres du S. O. I. de Darnand qui occupent les principaux postes de commandement.

Des militants communistes qui s’étaient élevés contre la tuerie sont frappés par des naphtalineux. Certains militants dis-paraissent même mystérieusement.

A Djidjelli, les 9, 10 et 11 mai, l’armée pille les quartiers indigènes. La fédération des syndicats confédérés proteste et demande à être reçue par le préfet qui refuse en répondant à la manière de Goering : « L’armée fait son devoir » !

La manœuvre classique

Bien entendu, la réaction essaie de brouiller les cartes selon le procédé classique. Elle déclare que c’est la main de l’Allemagne qui est derrière tout cela.

C’est là un procédé qui prend avec les niais qui oublient que c’est le capital qui a fait Hitler et non Hitler qui a fait le capitalisme.

A la mairie de Douera, lors d’une réunion des maires du Sahel, un certain M. Dromigny applaudit le nom du général De Gaulle, puis fait une diatribe contre la « propagande allemande »… et enfin réclame le maintien de la loi martiale et de la répression contre les indigènes.

Or, ce M. Dromigny était avant guerre, le représentant en Algérie du Fasciste Dorgères !

Bilan de la répression

« Quelques centaines de victimes ».

C’est faux !

Alors M. Tixier-Stulpnagel lâche du lest…

« Douze cents Algériens tués ». C’est faux ! Les culottes de peau chargées de la répression avouent huit mille morts !

Le consul américain d’Alger déclare 35.000 victimes indigènes.

« L’ordre règne en Algérie » !

Sur les Champs-Elysées, la foule applaudit les SS de la Légion en képi blanc.

(Ce sont de vrais soldats, ma chère).

Comme tout devient clair dans le « problème allemand »…

Et là-bas dans les ruines d’un village, un vieil Arabe parle à ses enfants du « peuple des Seigneurs ».

Nous ressentons une grande honte en songeant à cela, nous qui avons lutté pendant quatre ans contre l’oppression.

Non ! camarades algériens, nous ne voulons pas être complices du gouvernement bourgeois et de ses tueurs ?

Vive la lutte du peuple algérien pour son indépendance ! Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !

Vuillemin.

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