Texte d’André Breton paru dans Le Libertaire, n° 225, 21 avril 1950, p. 3
C’est jusqu’au 29 avril 1950 qu’aura lieu à la Galerie Mirador : « Visions de France », peintures de G. Vivancos. Dans le dépliant édité à cette occasion par la Galerie Mirador, André Breton nous présente l’artiste en ces termes :
MIGUEL G. VIVANCOS
Comme au retour des belles promenades, l’enfant à califourchon sur les épaules de l’homme — en les croisant on va du regard de l’un à celui de l’autre pour n’en faire qu’un, et qu’il soit le regard même du bonheur — comme aussi ces fleurs-flammes, les giroflées, jamais si belles que hors de portée au faite des vieux murs, la peinture de Miguel G. Vivancos nous est une indiscernable leçon de candeur et de force. Le don qu’elle manifeste est bien plus que celui qui sacre, à partir de la vie la plus intensément vécue, la plus haute possibilité de recommencement de la vie. L’enfant à jamais sur les épaules de l’homme, la crête ardente qui déjoue les ruines, c’est le regard de notre ami Vivancos qui fut tour à tour chauffeur, docker, peintre en bâtiment, verrier, mineur, avant de se révéler aux côtés de Durruti, un des plus purs héros de la guerre d’Espagne (c’est au colonel libertaire Vivancos qu’est due, en décembre 1937, la prise de Teruel, c’est lui qui, à la fin de cette guerre en qualité de Commandant militaire de Puigcerdà organisa de manière impeccable l’évacuation de soixante dix mille républicains). Ce 14 avril 1950, jour anniversaire de la proclamation de la République espagnole qui a été choisi pour l’ouverture de son exposition, je tiens à honneur de saluer l’homme que la défaite momentanée de ses idées et cinq années de camp de concentration en France n’ont en rien abattu et dont le surprenant destin est de savoir chanter aujourd’hui comme nul autre ce qu’il sut défendre : la simplicité d’un village, le printemps d’un marronnier, les vieilles pierres de l’histoire, le dôme en marche des oranges, les petits magasins qui rêvent et l’éblouissement philosophal des blés mûrs.
André BRETON.