Tribune ouvrière, n° 82, 5 avril 1962, journal publié par un groupe d’ouvriers de la Régie Renault
Pour qu’il n’y ait sur ce point aucun doute possible, le général de Gaulle a expliqué, à la télévision, que, non seulement il s’agissait pour chacun de nous, en disant OUI de donner son adhésion à lui-même mais, encore de lui attribuer ainsi par avance, une confiance complète non pas pour régler l’affaire d’Algérie, mais pour toute sa tâché dont l’affaire d’Algérie n’est qu’une partie au milieu d’autres ». Et encore : « pour aujourd’hui et pour demain ».
J.J. S.S., L’Express du 29 mars 1962.
Le 8 Avril les Français sont appelés à participer à un référendum. A quoi sert ce référendum ?
Constitutionnellement à RIEN ; les accords d’Evian ont été signés et aucun référendum ne peut les changer.
Donner plus de pouvoir à de Gaulle ? Tous les pouvoirs il les a et le référendum ne lui en donnera pas davantage. Le référendum c’est avant tout une entreprise de publicité.
De Gaulle veut donner à son régime une physionomie démocratique.
Il veut que le peuple lui confie ouvertement tous les pouvoirs. Pour cela il saute sur toutes les occasions.
Quand les capitalistes ne veulent plus de la IVème République, il se fait plébisciter ; quand les capitalistes ne veulent plus supporter la guerre il se fait encore plébisciter.
Il choisit tous les moyens pour montrer au monde que le peuple c’est lui.
De Gaulle veut faire croire qu’il représente la volonté de 45 millions de Français quand dans la réalité il représente surtout la volonté des banques et du grand capital. Pour arriver à ses fins il emploie les mêmes méthodes que les fabricants de lessive ou de dentifrice : il berne les consommateurs.
Il s’est fait plébisciter par les pieds noirs en leur disant que « l’Algérie était organiquement une terre française et pour toujours » (discours d’Oran le 6 Juin 1958), et ça a marché.
Il s’est fait plébisciter par les Français à deux reprises, en promettant à la fois qu’il ne pactiserait jamais avec les « rebelles » et à la fois qu’il allait faire la paix.
Le OUI à de Gaulle c’était tout et n’importe quoi. C’était à la fois le OUI à la Paix et le OUI à la guerre. Mais avant c’était lui remettre tous les pouvoirs et toute la confiance pour faire la politique des banques et du grand capital.
Avant lui le système parlementaire de la IVème République, quoique, aussi trompeur, était plus subtil. On demandait aux gens de voter aux élections pour un programme que personne n’ appliquait. Le seul programme suivi était celui de la bourgeoisie et de la haute finance. Ainsi en 1956 les électeurs votèrent à gauche et contre la guerre d’Algérie. Une fois élus, les députés de « gauche » ne respectèrent pas leurs promesses et suivirent au contraire les directives de la bourgeoisie : ils continuèrent la guerre.
En 1962 cette même bourgeoisie est contrainte sous le pression des ouvriers et des paysans Algériens à signer un accord et à cesser les combats mais en procédant ainsi elle renie toute sa politique coloniale suivie depuis plus d’un siècle c’est alors qu’elle essaie d’entourer ses actes d’un semblant de suffrage.
Nous, travailleurs, nous n’avons pas à nous prêter à ces comédies et à ces subtilités ; une chose est claire : ce ne sont pas les votes qui ont fait la PAIX, CE SONT LES FUSILS DE L’A.L.N. et LES MANIFESTATIONS MUSULMANES. Si les accords d’Evian existent aujourd’hui ce n’est pas grâce au génie de de Gaulle ; si le colonialisme français est mort ce n’est ni grâce aux partis de gauche ni grâce à de Gaulle mais bien parce qu’une population entière d’Algériens a tué ce colonialisme et les votes des Français n’y peuvent rien changer.
Par contre, les OUI au référendum ont une autre signification : les Français accepteraient de remettre leur sort entre les mains d’un général qui a accepté le massacre de plusieurs milliers d’hommes pendant des années ; les Français accepteraient qu’un homme règle tous les problèmes.
Le OUI, c’est le OUI pour le passé… et l’avenir,
C’est OUI aux salaires,
OUI aux matraques des C.R.S.
OUI aux morts de Février
OUI aux banques
OUI aux armes nucléaires
OUI à un régime de policiers et de militaires.
Mais c’est encore plus : dire OUI au au référendum c’est tenter de nous donner un rôle pacifiste dans la guerre d’Algérie.
NON LES TRAVAILLEURS FRANCAIS N’ONT RIEN FAIT POUR CETTE PAIX, ALORS AYONS LA PUDEUR OU DU MOINS DE NE PAS DIRE OUI A CETTE MASCARADE.
C’est pour toutes ces raisons que nous ne pouvons pas voter OUI.
Nous ne pouvons pas voter NON avec les bandits de l’O.A.S.
C’est pourquoi nous affirmons notre opposition à ce PLEBISCITE en nous refusant d’aller aux urnes.
Ou bien, si nous y allons, nous mettrons dans les enveloppes tout tract, manifeste, mot d’ordre démontrant notre opposition ouvrière à répondre OUI au général.
A FAIRE CIRCULER – A FAIRE CIRCULER