Texte paru dans Venceremos, n° 2, octobre 1986, p. 61-62
La diffusion de masse de l’héroïne sur les quartiers et dans les cités correspond historiquement au début de la crise et du chômage qui en découle (années 74-75) ; la bourgeoisie doit étendre son contrôle et son exploitation jusqu’au prolétaire exclu du marché du travail, pour ce faire elle utilise un moyen déjà utilisé dans d’autres pays (les USA des années 60) pour pacifier les ghettos et détruire les velléités de révolte.
L’HEROÏNE : Ces fonctions sont à la fois idéologiques et économiques. La poudre et sa dépendance liée intrinsèquement à sa nature crée chez le toxico un état d’apathie générale et de vulnérabilité totale par rapport au reste du corps social. Le toxico obligatoirement marginalisé ne peut plus s’insérer dans le monde du travail et en est réduit à vivre autour de la drogue et du milieu qu’elle génère, en découle une pauvreté de rapports et une quasi impossibilité de communication avec le reste de la société. Dans un même temps la survie du toxico est liée économiquement à sa capacité de faire circuler la marchandise qu’il consomme et qu’il doit revendre, la concurrence devient règle autant entre les prolétaires intoxiqués qu’entre tout les prolétaires des cités et quartiers. Entre les toxicos : la nature même de l’héroïne, la dépendance rapide qui naît de sa consommation, son prix très élevé, oblige le toxico à faire commerce de l’héroïne. La loi du marché est alors similaire à celle du marché capitaliste, à ceci près que le facteur principal de régulation du marché est le niveau de répression (plus il s’accentue plus les prix augmentent). Entre les prolétaires : les familles touchées par ce fléau sont souvent contrainte de dépenser une grande partie de leur revenu soit à subvenir au besoin du toxico soit à essayer de le soigner, de plus et à la grande satisfaction de la bourgeoisie la poudre fixe le toxico sur un territoire pour pouvoir le contrôler plus régulièrement au moyens de toutes les instances prévues à cet effet (police, éducateur, juge, etc). Tout l’argent du toxico passe dans la dope, son incapacité à travailler (état physique et psychologique, manque) l’oblige à subvenir à ses besoins sur la cité et le quartier en volant le plus souvent d’autres prolétaires ce qui renforce (inconsciemment pour le toxico) l’esprit sécuritaire dont l’état a besoin pour créer son consensus de peur et de répression dans les quartiers populaires.
En tout état de cause, des états gèrent la drogue, la produise pour certains : Pérou, Bolivie, Thaïlande, Birmanie, Laos, Turquie, etc. pays pauvres qui remboursent une partie de leurs dettes aux pays riches avec l’argent du marché de la dope, pays riches qui la distribuent et contrôlent sa diffusion (USA, Europe). Le but est à travers la crise et grâce à la drogue de maintenir toute une partie la plus pauvre du prolétariat (jeune chômeurs, fils d’immigrés) sous le contrôle direct de l’état tout en l’exploitant économiquement (le marché de l’héroïne représente plusieurs milliards de francs) et en renforçant son consensus idéologique sécuritaire. Plus précisément la politique de répression (rafle, contrôle, etc.) vise essentiellement les petits revendeurs et consommateurs(voir article suivant), économiquement dette politique amène une augmentation des prix et donc du profit des gros trafiquants liés aux états producteurs et distributeurs qui ne sont jamais atteints (sauf exception servant médiatiquement à confirmer la règle). Mais l’axe principal de cette politique déterminée d’utilisation de la drogue est la pacification née de la concurrence entre les prolétaires qui tend à réduire considérablement la réduction de la capacité de révolte, de prise de conscience des jeunes les plus touchés par la crise.