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La IVe Internationale flétrit l’agression de l’armée soviétique contre le peuple hongrois

Déclaration du Secrétariat international de la IVe Internationale parue dans La Vérité des travailleurs, n° 50, 1er novembre 1956, p. 12


En Hongrie, la faillite économique et politique des dirigeants staliniens hongrois inféodes au Kremlin et leur refus bureaucratique jusqu’à la dernière minute d’accéder aux demandes et aux aspirations profondes des masses, ont provoqué un soulèvement populaire.

La presque unanimité de la population ouvriers, étudiants, soldats, paysans a lutté les armes à la main contre la caricature monstrueuse du socialisme à la Rakosi-Geroë qui, des années durant fut essentiellement appuyé par les troupes d’occupation soviétiques.

Les masses ouvrières et même les masses paysannes ne voulaient certes pas revenir à l’ancien régime féodo-capitaliste, mais faute de direction révolutionnaire consciente, elles cherchaient confusément la voie d’une Hongrie socialiste, indépendante, libre, démocratique.

Les changements intervenus sous Gomulka en Pologne ont incontestablement joué à la fois comme élément catalyseur des événements de Hongrie, et comme exemple à imiter.

Cependant, parmi les crimes du stalinisme en Hongrie, comme du reste en U.R.S.S. et dans les autres « Démocraties populaires », non le moindre, incontestablement est celui d’avoir atomisé l’avant-garde révolutionnaire consciente dans tous ces pays, d’avoir combattu férocement toute autre alternative politique prolétarienne légale, d’avoir sous le régime bureaucratique et policier du parti monolithique unique coupé les masses de toute direction révolutionnaire authentique. Ce qui fait que, dans un cas comme celui de la Hongrie, quand les masses passent enfin à l’action et clament ouvertement leur rupture complète avec l’appareil bureaucratique stalinien, la révolution politique ainsi commencée contre la bureaucratie indigène et soviétique, risque d’errer pendant une période sans orientation politique prolétarienne précise.

Les forces de la réaction indigène et de l’impérialisme peuvent, par conséquent, en profiler pour canaliser l’amertume, l’exaspération et la haine que le régime stalinien suscite nécessairement parmi les couches les plus arriérées du prolétariat et de la paysannerie, dans la voie de la contre-révolution sociale.

La Révolution hongroise a parfaitement illustré ces dangers.

Dans sa première phase, ce qui a dominé c’était incontestablement le courant antibureaucratique prolétarien qui a fait surgir de la lutte les formes immortelles de toute véritable révolution populaire : les Comités démocratiques des ouvriers, des paysans et des soldats.

Une direction politique révolutionnaire, qui aurait été capable dès le début, de s’appuyer audacieusement sur ces comités en adoptant un programme conforme aux plus profondes aspirations des masses, d’indépendance nationale, d’organisation démocratique du pouvoir populaire, d’une planification de l’économie, tournée vers l’élévation substantielle et constante du niveau de vie des masses, aurait eu des chances énormes et tout à fait réelles d’orienter l’action révolutionnaire des masses vers le renouveau du socialisme en Hongrie.

Mais les épaves disparates de l’ancien appareil stalinien en décomposition, sans appui parmi les masses, sans prestige, se sont vues vite ballotées, impuissantes par les vagues de la tempête populaire, elle-même souffrant du manque de direction.

Cependant sur une évolution saine, prolétarienne, de la révolution anti-bureaucratique, pesait la présence intolérable pour les masses des troupes soviétiques et le poids de la bureaucratie soviétique. Cette présence heurtait de front la sensibilité des masses, troublait leur conscience et discréditait irrémédiablement toute direction voulant s’appuyer sur elles.

Que la bureaucratie soviétique et les directions staliniennes des P. C. de par le monde se complaisent maintenant dans la « victoire » d’un « gouvernement ouvrier et paysan » présidé par Kadar, instauré par l’action des tanks soviétiques sur les cadavres des travailleurs hongrois, c’est là l’aveu du cynisme bureaucratique, allié à celui de l’impuissance et de la banqueroute.

Aucun régime révolutionnaire ne peut être imposé de telle sorte, contre la volonté démocratique de la majorité des masses travailleuses.

La IVe INTERNATIONALE, pleinement consciente de ses responsabilités envers les travailleurs du monde, déclare que c’était aux travailleurs hongrois et à eux seuls de montrer qu’ils voulaient et pouvaient défendre le régime social contre les forces de la contre-révolution, et d’appeler éventuellement à leur recours les armées d’autres États ouvriers.

Les conséquences de leur carence éventuelle à procéder ainsi, malgré les dangers évidents qu’elle faisait courir au régime social de Hongrie, seraient préférables pour l’avenir du socialisme en Hongrie et dans le monde à l’action militaire décidée en réalité par le Kremlin contre la volonté de la majorité masses travailleuses du pays.

La IVe INTERNATIONALE appelle plus particulièrement les travailleurs membres des Partis Communistes à comprendre que si le socialisme s’est avéré compromis en Hongrie, si le danger contre-révolutionnaire est devenu tout à fait réel, ceci est dû avant tout au bilan économique et politique désastreux des staliniens agissant sur les ordres du Kremlin.

On ne peut remédier à un tel bilan en faisant marcher, au nom d’une justification a posteriori par l’histoire, les tanks d’une armée étrangère contre les masses d’un pays, sans défigurer par cette action le sens même du socialisme, et sans compromettre davantage devant elles son avenir.

En écrasant dans le sang les travailleurs hongrois, en instaurant un nouveau régime de pantins, la bureaucratie soviétique qui lutte désespérément pour sauvegarder ses privilèges menacés par la montée révolutionnaire des masses aussi bien en U.R.S.S. que dans les « Démocraties populaires » et le monde entier — ne défend ni le socialisme ni même ses propres positions.

La marche des masses qui se trouvent encore sous son contrôle, vers la véritable démocratie socialiste est devenue désormais irrésistible. Elle s’oriente inexorablement, malgré des échecs passagers vers : l’abolition du régime du parti monolithique unique et la légalisation de tous les courants politiques ouvriers ; la constitution de comités réellement démocratiques dans les usines, les collectifs, les villages, représentants de tous les courants politiques ouvriers ; des élections libres pour un Parlement qui désigne le gouvernement et le contrôle ; des syndicats libres, indépendants de l’État ; un plan économique élaboré et appliqué par les masses, orienté sur l’élévation substantielle et constante du niveau de vie ; l’indépendance effective de tous les États ouvriers et leur alliance volontaire sur un pied d’égalité ; une nouvelle Internationale révolutionnaire de tous les travailleurs.

Le 5 Novembre 1956.

Le Secrétariat International de la IVe Internationale.

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