Appel paru dans Le Populaire, 4e année (2e série), n° 383, 4 mai 1919, p. 3
Nos camarades des Jeunesses Socialistes ont tenu leur Congrès au moment où le Parti Socialiste tenait le sien. Celui-ci a fait passer celui-là au second plan et il faut le regretter car le travail qui y fut fait présente un réel intérêt. D’ailleurs, l’action des Jeunesses Socialistes grandit chaque jour, sous l’impulsion des événements et la jeunesse ouvrière de France ne peut pas ne pas comprendre qu’elle doit se donner tout de suite à l’action socialiste, si elle veut s’éviter pour l’avenir les massacres des guerres capitalistes.
Avant de clôturer leur Congrès, nos camarades des Jeunesses ont rédigé un appel à la Jeunesse ouvrière de France et à celle de tous les pays. Nous donnons ici les plus larges extraits de ce manifeste :
APPEL A LA JEUNESSE DE TOUS LES PAYS
La Conférence Nationale des Jeunesses Socialistes de France, réunie les 20 et 21 avril 1919, au terme du conflit sanglant qui pendant quatre ans a ravagé le monde salue fraternellement la Jeunesse socialiste de tous les pays.
Malgré l’ignorance où elles ont été tenues, malgré les passions qui atteignaient le paroxysme, les Jeunesses socialistes de France sont demeurées inébranlablement fidèles à leur idéal d’émancipation et de collaboration internationale de le jeunesse ouvrière.
Les Jeunesses Socialistes adressent un suprême appel à la Jeunesse ouvrière de France, à celle de tous les pays.
Elles leur rappellent que le Socialisme avait prévu le conflit provoqué par les rivalités antagonistes des classes capitalistes, par leurs convoitises économiques, par les augmentations incessantes d’armements, par une criminelle politique d’alliances, de colonialisme et de diplomatie secrète, et qu’il avait lutté de toutes ses forces dans tous les pays, pour en éviter le déchaînement. . .
C’est la Jeunesse ouvrière qui a donné le plus lourd tribut à la guerre, par les sacrifices qu’elle a consentis, par la situation politique et économique qui lui est léguée. Celle-ci a énormément empiré et les jeunes prolétaires supportent aujourd’hui des classes capitalistes scandaleusement enrichies par la guerre, le poids de l’exploitation accrue de leur travail.
La jeunesse ouvrière de France, comme celle des autres pays, se doit de prendre conscience de son rôle lamentable et ne compter que sur son effort pour assurer son émancipation. De par la bourgeoisie elle-même une situation révolutionnaire est créée. Déjà des peuples se libèrent ou tentent de se libérer de l’oppression du régime capitaliste, et d’assurer le triomphe du socialisme. Sans rechercher les formes et les moyens employés qui sont le résultat des pays eux-mêmes, les Jeunesses socialistes de France, applaudissent à l’émancipation de ces prolétaires.
A cette heure solennelle de l’histoire, les Jeunesses socialistes de France font un pressant appel aux jeunes ouvriers et ouvrières de tous les pays, pour affirmer hautement leurs revendications. Les Jeunesses socialistes, en en dressant le programme, savent que ces revendications ne se réaliseront qu’avec la transformation complète de la Société.
LA PROTECTION DE LA JEUNESSE OUVRIERE
Les Jeunesses socialistes réclament donc :
1° La suppression de l’enseignement de classe, l’institution d’un enseignement unique, égal et gratuit à tous les degrés pour tous les enfants ;
2° L’entretien de ceux-ci à la charge de la Société ;
3° L’organisation d’un enseignement physique, scientifique et professionnel ;
4° L’internationalisation de l’enseignement ;
5° La suppression de l’éducation chauvine à l’école ;
6° L’interdiction aimable du travail pour les enfants au-dessous de 16 ans ;
7° La réduction du travail à 5 heures par jour pour les adolescents de 16 à 21 ans ;
8° L’organisation dans la journée de cours post-scolaires, pour une éducation physique, professionnelle et générale ;
9° L’égalité de salaires des jeunes ouvriers et jeunes ouvrières ;
10° La reconnaissance de droits politiques et syndicaux aux jeunes travailleurs ;
11° L’interdiction aux détaillants de délivrer aux jeunes gens ou jeunes filles, toute autre boisson que vin, café, bière, cidre, sous peine de suppression totale de rétablissement ;
12° Interdiction aux établissements cinématographiques de recevoir des enfants au dessous de 13 ans, sans s’exposer aux mêmes peines ;
13° Création d’un bureau international d’éducation et de documentation de l’enfance et de la jeunesse ouvrière.
LA LUTTE CONTRE LE MILITARISME
Les Jeunesses socialistes attirent également l’attention de la Jeunesse ouvrière, sur la lutte qu’elle doit mener contre le militarisme.
L’accroissement du militarisme a un double but : hypnotiser la classe ouvrière opprimée pour aviver entre les travailleurs de tous les pays une haine nationale qui conduit fatalement à la guerre ; et la défense du régime capitaliste pour assouvir ses convoitises et défendre ses intérêts menacés à l’intérieur et à l’extérieur par l’émancipation de la classe ouvrière.
Les Jeunesses socialistes revendiquent donc :
Le désarmement général et simultané ;
L’abolition complète des armées et de la fabrication d’armements.
LE ROLE DE LA JEUNESSE SOCIALISTE
Le. Jeunesse ouvrière ne doit compter que sur la classe ouvrière elle-même pour réaliser son affranchissement.
Dans tous les pays, elle doit venir au socialisme, s’organiser, s’éduquer, flatter pour le triomphe de ses revendications, pour la réalisation de son émancipation. Elle héritera, non seulement de l’enseignement de Marx et de tous les théoriciens socialistes, mais aussi de la leçon terrible de la catastrophe mondiale, et sera assez puissante, si elle le veut, pour empêcher d’autres crimes des potentats de la bourgeoisie, pour réaliser ou collaborer à la transformation du régime capitaliste en régime socialiste et à l’affranchissement total, politique, économique, intellectuel et moral de tous les travailleurs.
Jeunes prolétaires de France, jeunes étudiants, les Jeunesses socialistes vous invitent à les rejoindre !
Jeunes travailleurs de tous les pays, unissez-vous et luttez en commun.