Article paru dans Alarme, n° 8, avril-mai-juin 1980, p. 5-6
Depuis de longues années les mass-média nous rabâchent les oreilles, avec un frisson d’horreur hypocrite, des actions d’éclat menées par la « Révolution en marche ». Ce ne sont que détournement d’avion, prise d’otage, pose de bombe dans les lieux publics, etc. (question subsidiaire : à votre avis qui va la prendre dans la gueule la bombe ? Réponse : vous et moi, vous avez gagné), et tout cela pour la « Sainte Cause ». Et plus il y aura de morts et plus il y aura de sang et de violence et plus les auteurs de ces actes pris d’une sorte de confusion mentale dans leur recherche d’une fausse radicalité, et plus ces énergumènes s’affubleront avec cynisme du nom de révolutionnaires et seront crus autour d’eux.
Outre que ces groupes, mouvements ou individus n’ont d’autres buts que de prendre le pouvoir pour perpétuer à leur propre compte l’exploitation capitaliste, la manière même d’agir suffirait à prouver que tous ces guignols sont des ennemis du prolétariat et de la révolution communiste. On peut citer les divers mouvements de « libération nationale » qui fourmillent sur toute la surface de la planète. Pour plus de détails on se reportera au bottin mondain du capitalisme international. On connaît bien les sigles en question : F.L.N ou F.N.L auxquels on peut ou non rajouter un ou deux « P » pour populaire ou patriotique ou les deux, suivis de l’initiale du pays que l’on tient à « libérer » ; ces mouvements sont de fervents adeptes du capitalisme d’Etat souvent soutenus par le modèle du genre : la Russie. On peut mettre dans le même sac capitaliste les divers mouvements autonomistes qui eux, pauvres utopistes, veulent faire de leur région un Etat capitaliste indépendant et ne supportent plus leur capitalisme national (oubliant que le capitalisme domine sur toute la planète). Il ne faut pas non plus oublier divers mouvements gauchistes apprentis cow-boys, d’ailleurs aidés plus ou moins ouvertement a la fois par des pays capitalistes d’Etat champions des causes nationalistes (Algérie, Libye, Cuba, etc.) et par les divers mouvements déjà cités qui n’ont pas encore « réussi ».
« Qui se ressemble s’assemble », c’est bien connu ! Ainsi, intitulez-vous « libérateurs » de votre pays, lancez des bombes un peu partout, faites jouer vos relations et avec un peu de chance et beaucoup de persévérance vous finirez bien par devenir dirigeants capitalistes de l’E.T.A., de l’I.R.A., de l’O.L.P. et consorts, encore un effort pour devenir chefs d’Etat. Si vous n’y arrivez pas, suivez des cours chez le « rebelle » preneur d’otages Hissène Habré, il vous dira au moins comment devenir premier ministre des chefs d’Etat que vous combattez ; ça ne peut qu’avoir qu’un temps, d’accord, mais vous connaitrez l’ivresse du pouvoir si vous ne la connaissez pas déjà.
Le comble de l’ignominie et de la mystification est atteint avec les nouveaux pitres religieux de l’Iran ou « gardiens de la révolution » qui n’ont plus que ce mot à la bouche. Il est vrai qu’ils parlent par la bouche du Prophète. Il faut vraiment que les mots aient perdu tout leur sens pour qu’on y voit ce qu’il n’y a surtout pas à voir ; pire, ils signifient souvent exactement le contraire. Il y a 99 chances sur cent pour que ceux qui se disent révolutionnaires soient en réalité contre-révolutionnaire ; les actes parlent d’abord d’eux-mêmes.
La société communiste que nous voulons est une société où les hommes auront enfin la possibilité de s’épanouir et de mener une vie passionnante. Allons-nous pour atteindre ce but commencer par zigouiller des exploités comme nous dans des attentats et des prises d’otages ? Ceux qui le pensent, nous ne voulons rien avoir [à faire] avec eux ; ce sont de tristes pantins. De telles méthodes tiennent de la barbarie capitaliste et comment en serait-il autrement puisque ceux qui utilisent de telles armes ne se battent que pour des intérêts capitalistes opposés à d’autres intérêts capitalistes. La violence révolutionnaire est tout autre chose. Certes elle suppose des actions dures mais avant tout subversives, au moyen desquelles le prolétariat renversera ou tendra en tout cas à renverser les rapports d’exploitation capitaliste basés sur le travail salarié.
Si un jour nous prenons les armes ce sera en plein jour, sans nous cacher dans l’ombre de quelque conspirations secrètes et contre les défenseurs du Capital de toutes tendances réunies : partis de l’extrême droite à l’extrême gauche, syndicats, armée, police etc.) ; nous ne le ferons ni par sadisme ni par amour du pouvoir qui n’est pas notre but mais parce que ce sera la seule manière de mettre fin à l’exploitation de l’homme par l’homme, aux classes et au salariat.
La barbarie avec son cortège de massacres, de famines artificielles, de misères et autres calamités, a toujours été le fait des sociétés de classes, capitalistes ou non. Ceux qui veulent faire croire en citant des exemples récents que le Communisme mène au même résultat, voient des révolutions là où il n’y a qu’une barbarie capitaliste de plus (dans le cas du Cambodge de Pol-pot elle a même été purement et simplement esclavagiste ; avec l’invasion vietnamienne, le capitalisme d’Etat va reprendre du poil de la bête). La violence du Capital en face d’une révolution prolétarienne on la connaît bien. Elle est totale, sauvage et sans pitié. L’histoire nous en a montré maint exemples (Commune de Paris, Révolution espagnole de 1936, 37, etc.) ; seuls les prolétaires dans leur tentative de mettre fin à leur exploitation et à leur oppression se comportent en êtres humains parce qu’ils ne cherchent pas à maintenir quelques privilèges mais bien plutôt à mettre fin à tous les pouvoirs.
Faire œuvre de violence au nom du prolétariat, aveuglément et par n’importe quel moyen, c’est encore l’exploiter et surtout c’est lui enlever le seul espoir d’humanité qui lui reste encore dans ce monde qui le nie en tant qu’être humain : celui de se révolter.
A ceux qui enlèvent des patrons, tuent des flics, nous disons : nous n’allons pas pleurer sur le sort des crapules qui passent entre vos mains mais vos actions n’ont rien de subversif. Vous ne remettez pas en cause cette société pourrie dans laquelle nous « vivons ». Et même quand il s’agit effectivement d’actes désespérés d’individus isolés qui en ont marre (et comme on les comprend), il ne peut être question pour nous de croire que la mort d’un patron changera quoi que ce soit à notre obligation de vendre notre force de travail toute notre vie durant et remédier à la misère et à la barbarie de ce monde. C’est le système qu’il faut abattre.