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Terrorisme ou violence révolutionnaire ?

Article paru dans Alarme, n° 2, octobre-novembre-décembre 1978, p. 5

Document montrant les visages des seize membres du groupe Baader-Meinhof (Andreas Baader et Ulrike Meinhof sont en haut à gauche) recherchés pour terrorisme (1972) © Getty – Photo by dpa/picture alliance via Getty Images (Source)

Périodiquement, l’ « information » attire notre attention sur tel ou tel attentat terroriste. On réapprend à chaque fois la longue liste des victimes de la Bande à Baader, Brigades Rouges, Front du Refus, etc. Par une insidieuse confusion on laisse planer l’analogie historique avec les anarchistes poseurs de bombes et ennemis de l’Etat, faussement baptisés « nihilistes ».

De fait, de même que les « propagandistes par le fait » du XIXe et que tout terroriste, Baader et consorts agissent fondamentalement en dehors du terrain de classe. De plus, loin de détruire l’Etat, ils lui donnent l’occasion de se justifier et seraient prêts à en prendre les commandes « pour servir le Peuple », reproduisant ainsi la plus belle tradition stalinienne. Ils incarnent la barbarie de ce système (qui le leur rend bien d’ailleurs : conditions de détentions, assassinats, chantages sur la famille du terroriste…), transformés et se transformant en mécanismes assassins face à un système encore plus meurtrier.

Tels les « gauchistes », les terroristes idéalisent le prolétariat, le méprisant en fait. Reprenant à leur compte le triptyque guévariste « Provocation — Répression — Révolution », ils considèrent que la classe ouvrière se rebellera spontanément face au « Fascisme de l’Etat » alors qu’elle est, en fait, écrasée par celui-ci (cf. la popularité de la délation en Allemagne) et qu’ils dirigeront le prolétariat dans la « Révolution » pour construire en fait un capitalisme d’Etat. Sous prétexte qu’ils tiennent une mitraillette et qu’ils sont courageux, quelques imbéciles essayent (en vain !) de théoriser l’action de ces nouveaux « Martyrs de la Révolution ». Comprenant sans doute la futilité de leurs efforts théoriques, ils ne prennent pas la peine de les mettre en pratique.

Ils ne comprennent pas que le terrorisme est de toute façon injustifiable, surtout d’un point de vue révolutionnaire. Au niveau d’une organisation, quelles que soient ses positions de base, si elle pratique le terrorisme elle ne peut plus défendre des positions révolutionnaires mais des positions terroristes : le terrorisme de moyen qu’il est au départ devient la finalité du groupe qui navigue rapidement de « libération de camarades emprisonnés » en « vengeance de camarades martyrs ». Le révolutionnaire (si révolutionnaire il y a, ce qui n’est pas le cas pour Baader ou pour R. Curcio) ne défend plus que les intérêts d’un groupe spécifique et plus du tout ceux du prolétariat ; s’il le prétend encore, il ne fait qu’essayer de se substituer à la classe historiquement révolutionnaire. Les terroristes tels que ceux de la R.A.F. et des Brigades Rouges comprennent encore moins que l’on s’oppose à eux en les considérant comme des contre-révolutionnaires staliniens. Ils ne sont pourtant que cela. Ils croient tels des médecins anachroniques, que la saignée est un remède souverain, et qu’elle amènera la purification de ce monde – par la révolution – qu’ils confondent avec un bain de sang.

La révolution sociale est un mouvement profondément dynamique, violent certes, mais qui engendre de nouveaux rapports sociaux, qui bouleverse l’ordre antérieur ; la violence révolutionnaire est une violence de classe et non une violence de secte qui en son nom reproduit les tares du système qu’elle prétend combattre. La révolution sera le fait d’individus conscients et non de machines à tuer.

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