Article paru dans Alger Républicain, 25 février 1954
NOUS reprenons aujourd’hui, dans notre Tribune libre, la publication des interviews que nous avons sollicitées auprès de différentes personnalités d’Alger sur l’important problème de l’union des forces nationales et progressistes d’Algérie. A ces personnalités nous avions posé les questions suivantes :
Première question. – Dans la dernière période, les partis nationaux et progressistes algériens ont lancé différents appels et ont pris nettement position en faveur de l’union. Que pensez-vous de ces prises de position ?
Deuxième question. – Pensez-vous qu’il existe entre ces différentes prises de position des points communs qui soient susceptibles de réaliser l’union des forces nationales ?
Troisième question. – Comment, personnellement, concevez-vous justement cette union des forces nationales ?
Nous publions aujourd’hui les réponses qu’ont bien voulu faire à ces questions Me Bentoumi et M. Mustapha Kateb.
L’interview de Me Bentoumi
Réponse à la première question.
– « L’idée d’une union des partis progressistes existe depuis 1946. Elle a fait beaucoup de progrès sous la poussée des événements politiques et notamment de la répression. Les dernières élections municipales ont révélé qu’elle était devenue le souci majeur de l’immense majorité du peuple.
« Il est évident que les dernières prises de position constituent un progrès très important. Elles ont le mérite de poser le problème algérien sur son véritable plan et dénotent incontestablement une grande largeur de vues.
« Elles sont encourageantes parce que leurs promoteurs sont animés d’un désir sincère d’union et se sont départis de tout sectarisme stérile.
Réponse à la deuxième question.
« Je pense que cette question est presque dépourvue d’objet. Je me souviens avoir vu dans un numéro du journal « Liberté » un tableau qui rendait de façon saisissante la multiplicité des points communs entre l’appel du P.C.A. et celui du M.T.L.D.
« Ce qui est remarquable, c’est l’identité de vues sur les questions fondamentales. Il en résulte donc que l’union est parfaitement réalisable.
Réponse à la troisième question.
« Je pense que la formule du Congrès national est à retenir en raison du fait qu’elle est, à mon sens, la première proposition concrète d’union. Elle a cet avantage de permettre la discussion préalable à toute entente et l’élaboration d’un programme commun. »
Celle de M. Mustapha Kateb
Réponse à la première question.
« Il est heureux de constater que les partis nationaux et progressistes soient unanimes à vouloir l’union. Encore faut-il que nos partis ne reflètent pas seulement le désir des militants et de tout le peuple algérien, mais encore de vouloir l’union dans un large esprit de collaboration et dans le respect réciproque des idées et des conceptions de base. Union ne veut pas dire même opinion, mais moyens d’action en commun.
Réponse à la deuxième question.
« Il est possible qu’entre les diverses prises de position on trouve des points communs qui soient susceptibles se réaliser l’union des forces nationales. Le seul fait de dire : Je veux l’union, c’est laisser entendre : Je sais qu’il existe un moyen de rassembler les forces nationales.
Réponse à la troisième question.
« On ne peut concevoir une union que sur une base d’action commune. Les organismes politiques se doivent de s’unir ; ils seront l’image de cette idée-force qui anime le peuple algérien ; et son vœu le plus cher n’est pas encore exaucé. L’immense majorité du peuple algérien est inorganisée. Elle ne se manifeste que pendant les consultations électorales et n’a jamais failli à son devoir, obligeant l’administration à recourir à certains procédés extra-légaux qui, d’ailleurs, eux-mêmes, l’ont dénoncée aux yeux du monde.
« Un des partis nationaux a suggéré et préparé le C.N.A. J’y applaudis de toutes mes forces. Mais que l’on aille devant ce congrès avec des réalisations positives ! Si nos partis nationaux se présentent avec des propositions concrètes, le succès du C.N.A. n’en sera que plus grand. »