Article de Kurt Landau paru dans La Vérité, n° 14, 13 décembre 1929, p. 3
Berlin, décembre,
Le Congrès de l’opposition syndicale révolutionnaire a siégé à Berlin le 30 novembre et le 1er décembre.
Ce Congrès, que le Parti communiste allemand préparait depuis de longs mois avait, à l’origine, un but très particulier. C’était celui de créer en Allemagne une sorte de mouvement minoritaire dans les syndicats, de réunir en un bloc rouge l’opposition existant dans les différentes organisations et d’établir ainsi la première condition pour la création de nouveaux syndicats en Allemagne.
Mais au cours de la préparation du Congrès, une série d’expériences a montré au P.C.A., le contraste qui existait entre ses thèses sur « la radicalisation des masses » et la réalité.
Une série de grèves dirigées par le parti et l’opposition syndicale révolutionnaire sont restées isolées et se sont terminées par de lourdes défaites. L’espoir de provoquer une chaîne de grèves de solidarité en déclenchant simplement des grèves à certains endroits échoua lamentablement, et devait échouer parce que – sans même considérer toutes les fautes tactiques commises – la radicalisation n’a pas atteint dans le prolétariat allemand, le degré que lui suppose la direction du parti.
La direction n’a pas su tirer cet enseignement des expériences des derniers mois ; mais elle a toutefois dû reconnaître que des expériences telles que celle des monteurs en chauffage ne sont pas faites pour fortifier l’influence du parti sur les masses, mais réduisent au contraire sensiblement cette influence. Elle aurait donc dû adopter une politique différente au Congrès de l’opposition syndicale révolutionnaire, qui devait être le début de la mise sur pied d’organisations nouvelles ; mais la direction maintint son appréciation de la situation et sa fausse évaluation du processus de regroupement des masses ; elle ne fit ainsi qu’augmenter la confusion régnante.
Il y eut 1122 délégués au Congrès ; dont 27 délégués d’entreprises employant de 3 à 10.000 ouvriers, et 25 délégués appartenant à de grandes usines de plus de 10.000 ouvriers. Mais la grande majorité de ces délégués n’avait pas été élue par des véritables assemblées ouvrières mais seulement choisie dans de petites réunions de l’opposition où, dans la plupart des cas, une fraction seulement des ouvriers de l’usine était présente. C’est donc une grande exagération de dire que ces délégués représentaient 2 millions d’ouvriers.
Néanmoins le congrès, quoique entièrement dominé par le parti, aurait pu marquer le début d’un large front de défense prolétarienne contre la sérieuse offensive du capital, à condition que la situation soit justement appréciée. L’exposé principal fut fait par le fameux stratège syndical Merker, membre du C.C. du P.C.A. Il esquissa convenablement les progrès de la rationalisation, l’offensive brutale des patrons ; mais il ne sut rien dire de « l’essor révolutionnaire », de la puissante contre-offensive prolétarienne, des « combats d’assaut » de la classe ouvrière qu’annonçait encore en juin le congrès de Wedding. Les délégués pouvaient en dire moins encore. Leurs discours indiquaient une colère profonde contre les réformistes, les conséquences terribles de la brutale dictature patronale, ils montraient tout, sauf cette poussée impétueuse des masses dont la direction du parti parle quotidiennement.
Le délégué des usines Leuna exprima le compromis le plus parfait entre la théorie du C.C. du parti et la réalité en déclarant :
« Il existe un mouvement à gauche décisif dans le prolétariat, sauf à l’usine Leuna. »
L’exposé de Merker reflète bien la couardise du centrisme ; il attaqua vivement la tendance favorable à de nouveaux syndicats, tendance que la direction avait systématiquement créée et qui la gênait pour le moment.
Pour détourner l’attention de la faute du parti on fit un grand discours contre les chefs sectaires de deux syndicats créés il y a quelques années (bâtiment et vêlement) ; on les accusa de ne pas savoir apprécier le travail dans les syndicats, de créer des syndicats à eux, etc …
L’attitude du délégué anglais représentant de l’Internationale syndicale rouge qui, au début du congrès n’était pas encore au courant du revirement tactique, prouva très bien combien ce brusque tournant était surprenant et par suite déroutant ; ce nouveau zigzag du Comité exécutif de l’Internationale communiste venait ainsi brusquement contrecarrer les plans de Lozovsky qui avait d’abord eu l’intention de venir lui-même au Congrès. Dans ces conditions, le tournant qui venait d’être admis n’était pas un renoncement à la fausse tactique de l’I.C. et du C.C. du P.C.A. S’ajoutant à la fausse appréciation de la situation, qui n’est pas abandonnée, monté en épingle sur un système de méthodes erronées qui empêchent la mobilisation des masses, ce revirement laisse la porte ouverte à n’importe quelles interprétations et à tous les écarts aventuristes et opportunistes. – K. L.