Article paru dans Tribune ouvrière, n° 5, octobre 1954, p. 4
Orléansville a été dévasté par un séisme. Des deuils de la misère.
Evidemment, le gouvernement, la bourgeoisie s’apitoient sur le sort de ces pauvres gens réduits au plus triste dénuement. Les organisations dites ouvrières font de la surenchère en organisant des collectes avec les patrons.
Quels hypocrites ces gens qui larmoient sur le cercueil de quelques centaines de malheureux, eux qui tuent et se préparent à tuer des millions d’hommes.
Chaque gouvernement réserve environ 1/3 de son budget national au budget de guerre. Mais pas un sou n’est prévu pour les catastrophes naturelles, inondations, cyclones, incendies, séismes, etc.
Là on fait appel à la générosité du peuple toujours sensible à la misère de ses semblables et on exploite cette sensibilité. La radio pleure, quémande quelques tentes, quelques habits.
Combien de tentes, de vêtements, de camions et d’avions ont été détruits dans le gouffre de Dien Bien Phu ? Combien de matériel envoyé en Afrique du Nord pour assassiner les frères des victimes d’ORLEANSVILLE qui osent réclamer leur droit à la vie et un peu plus de liberté ?
Les travailleurs ont refusé de verser leur obole aux collectes pour les victimes d’ORLEANSVILLE. En sont-ils pour cela moins solidaires de leurs frères de misère d’Afrique du Nord ?
Beaucoup sentent, peut-être confusément et sans bien savoir l’exprimer, qu’en acceptant un sacrifice même léger, ils permettent aux dirigeants du Gouvernement de se dérober à leurs responsabilités.
Le gouvernement néerlandais n’a-t-il pas annoncé avec fierté, à la suite des inondations de Hollande, que grâce à la générosité de tous les peuples il avait pu envisager de réparer les ruines sans diminuer son budget de guerre et sans ralentir son effort de réarmement.
Dure leçon pour les pauvres gens à l’âme charitable qui se sont laissées duper par leurs dirigeants. Ils peuvent être assurés que le jour venu ils auront leur compte de bombes sur la figure.
Cette solidarité envers les sinistrés d’ORLEANSVILLE a réalisé l’union nationale. Les syndicats s’y sont associés, il est bien plus difficile pour eux de réaliser un geste de solidarité pour les ouvriers en lutte.
Des dizaines de milliers d’ouvriers anglais sont en grève contre les heures supplémentaires qu’on veut leur imposer. Qui prendra l’initiative de collecter de l’argent pour les soutenir ?
C’est surtout sur ce terrain que la classe ouvrière doit agir.
On nous signale qu’un militant anarcho-syndicaliste a été mis à la porte de son entreprise au nom des intérêts de la défense nationale. Le patron déclarant que s’il ne le licenciait pas, il se verrait refuser une commande de la marine. Les ouvriers de l’entreprise se sont mis en grève, SOUTENONS-LES.
