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En Israël, déclarations de la « Troisième Force »

Textes parus dans La Révolution prolétarienne, 26e année, n° 414 – Nouvelle série n° 113, février 1957, p. 17

Lors de la conquête de la Palestine par les sionistes nous avions signalé (1) qu’un certain nombre de Juifs étaient adversaires de cette conquête coloniale et réclamaient, pour le moins, la fondation, non d’un Etat juif, mais d’un Etat arabo-juif.

Cette tendance des Juifs restés fidèles à l’internationalisme et au socialisme véritable existe toujours, même au sein de l’Etat d’Israël ; elle s’est groupée dans un mouvement qui s’intitule la « Troisième Force » ; le président en est M. Stein et le secrétaire Y. Zichroni.

Nous donnons ci-dessous deux déclarations de ce mouvement faites au cours de l’an dernier ; nous les empruntons, la première à la revue anglaise Contemporary Issues, et la seconde au journal de l’Independant Labour Party, the Socialist Leader. -R.L.


Sur la question des réfugiés et la condition des Arabes demeurés en Palestine.

Lettre du 20 mai 1956 au président du Conseil de Sécurité de l’O.N.U.

En vue des prochaines délibérations du Conseil de Sécurité sur le problème israélo-arabe, et étant donné que la déclaration conjointe des gouvernements soviétique et britannique du 26 avril 1956 et la déclaration conjointe des gouvernements français et soviétique du 19 mai 1956,

ne mentionnent pas le droit qu’ont les réfugiés arabes de rentrer chez eux ;

qu’elles se contentent de promettre l’aide de l’O.N.U. pour alléger les maux des réfugiés,

qu’elles ne font aucune mention des maux de la minorité arabe qui vit en Israël,

Nous appelons votre attention sur les points suivants :

1° Les Arabes de Palestine n’ont pas quitté leur pays volontairement ou parce qu’ils y ont été poussés. Des centaines de milliers d’hommes, et spécialement des paysans, n’abandonnent pas leurs demeures et leurs terres de leur propre volonté ou par suite de propagande. Ils se sont enfuis d’ici parce qu’ils craignaient pour leur vie et appréhendaient la domination sioniste. Le terrible massacre qui eut lieu dans le village arabe de Der-Yassin en 1948 ainsi que les faits semblables qui le précédèrent ou le suivirent, prouvent que leur crainte n’était point sans fondement.

Il n’est donc pas douteux que les réfugiés arabes sont des réfugiés de guerre et qu’ils ont droit en conséquence, non à la charité mais à la restitution de leur droit au rapatriement, chose qui leur a été refusée au cours de ces huit dernières années au mépris du droit et de la justice.

2° Ce n’est pas seulement les réfugiés, mais aussi les Palestiniens arabes qui sont demeurés en Israël qui mènent une existence pénible.

Villages et villes arabes d’Israël sont soumis à l’autorité militaire, et leurs habitants arabes ne peuvent les quitter sans la permission du gouverneur militaire, même pour aller chercher du travail ou des secours médicaux, permission qu’il est toujours difficile d’obtenir et est souvent refusée.

La plus grande partie des terres des Arabes d’Israël a été prise par le gouvernement (en plus de toutes celles des réfugiés) et données aux « kibbuzim » constructeurs du « socialisme », et autres colons juifs.

L’Histadrut, la grande organisation syndicale d’Israël, n’accepte pas les ouvriers arabes comme membres, et si un ouvrier arabe trouve du travail autrement que par l’intermédiaire de l’Histadrut les fonctionnaires de l’Histadrut le chassent de sa place avec l’aide de la police, sous le prétexte que c’est un « non syndiqué ».

Même en matière de citoyenneté, il y a discrimination contre les Arabes. Tandis que les Juifs sont automatiquement citoyens d’Israël et que tout immigrant juif devient citoyen israélien dès qu’il descend du bateau ou de l’avion, l’Arabe – dans sa propre patrie – doit demander à être citoyen et sa demande n’aura de suite que s’il produit certains papiers qu’il est souvent incapable de se procurer.

On justifie généralement la juridiction militaire dont nous venons de parler par des raisons de sécurité parce que les établissements arabes sont situés près des frontières. Mais ce motif est faux car les Arabes ne reçoivent point l’autorisation de quitter leurs villages, même pour s’éloigner de la frontière ou pour aller dans des établissements juifs.

Le mal qui a été fait aux Arabes de Palestine est la première et principale cause de la haine et de la crainte que les peuples arabes ressentent à l’égard d’Israël, et aussi longtemps que ces sentiments persisteront, tout traité de paix entre Israël et les Etats arabes sera sans valeur réelle.

Ce n’est que si les torts que nous venons d’exposer sont redressés, que la crainte et la rancœur s’évanouiront, et qu’alors, mais seulement alors, une paix réelle deviendra possible entré Israël et les Arabes, au bénéfice des deux parties.

… Pour ces raisons nous estimons que les conditions nécessaires pour une paix stable entre Israël et ses voisins sont les suivantes :

a) rapatriement des réfugiés arabes et paiement d’une compensation adéquate à ceux qui ne voudraient pas revenir ;

b) abolition de l’administration militaire et de toutes autres discriminations contre les Arabes vivant en Israël ;

c) retour de toutes les propriétés arabes entre les mains de leurs propriétaires.

Pour le mouvement de la « Troisième Force » en Israël.

M. Stein, président.
Y. Zichroni, secrétaire.


Sur la nationalisation du canal de Suez

Résolution du Comité central de la « Troisième Force » :

1° Nous exprimons notre complète solidarité avec la mesure de nationalisation de la Compagnie du canal de Suez prise par le gouvernement égyptien. Le canal de Suez fait partie du territoire égyptien et la Compagnie en question est légalement une société égyptienne ; la légalité et le bien-fondé de cette mesure est donc indiscutable. On doit tout spécialement s’en féliciter du fait que les profits faits autrefois par la Compagnie serviront désormais, d’après ce qu’a déclaré le gouvernement égyptien, au financement de la construction du barrage d’Assouan qui est d’une importance vitale pour la population égyptienne et qui ne peut être faite qu’avec les seuls ressources de l’Egypte étant donné le refus apporté à son financement à la fois par l’Ouest et par l’Est.

2° Nous protestons vigoureusement contre les mesures militaires et économiques prises par la France et la Grande-Bretagne à l’occasion de cette nationalisation, dans le but de renverser le présent gouvernement et de forcer les pays du Proche-Orient ainsi que les autres nations d’Asie et d’Afrique, spécialement l’héroïque peuple algérien, à se soumettre au joug de l’oppression et de l’exploitation coloniales. Cette action militaire et économique démontre clairement le mépris que professent les « grandes démocraties » pour l’Organisation des Nations Unies et le manque de sincérité de leurs solennelles déclarations sur le caractère sacré de la souveraineté nationale et sur leur amour de la paix …

3° A cette occasion, nous exprimons notre regret de ce qu’il ne soit pas permis aux navires israéliens de passer dans le canal de Suez à cause des relations hostiles qui existent actuellement entre Israël et l’Egypte, et nous espérons sincèrement qu’avant longtemps l’Etat d’Israël réparera les injustices qu’il a commis à l’égard des Arabes de Palestine et rejoindra de tout cœur ses Etats frères, les Etats arabes qui l’accueilleront et le respecteront, dans leur dure lutte pour un Orient libre et indépendant.


R. P. de juin et août 1948.

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