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Retour de Paris, le jeune poète et conférencier Kateb Yacine rend visite à « Alger Républicain »

Article paru dans Alger Républicain, 11e année, Nlle série, n° 1.425, 18 février 1948, p. 2

M. KATEB Yacine, jeune poète et conférencier, a rendu visite hier à « Alger Républicain ». Originaire de Constantine, M. Kateb revient d’un voyage à Paris où il est resté neuf mois. De son séjour dans la capitale française, où il a eu l’occasion d’approcher et de connaître les divers milieux d’intellectuels et écrivains marquants du moment, M. Kateb rapporte plus que des impressions. De ces contacts nombreux avec des poètes tels qu’Eluard, Aragon, Guillevic, Loys Masson, Madeleine Riffaud, des journalistes comme Mme Viollis, Dominique Desanti et Claude Morgan, notre jeune poète tire une leçon de modestie et de probité littéraire dont il mesure toute la valeur et toute la beauté.

« A côté des snobs et des parasites des salons littéraires, nous dit-il, il existe à Paris des hommes qui voient dans la pensée autre chose qu’un délassement ou qu’une distinction qui n’a d’égale que la décomposition d’un certain nombre d’esprits prétendus éclairés ».

M. Kateb, qui a été publié dans les « Lettres françaises » et « action » résume ses impressions. Il nous dit avec cette chaleur sincère qui le caractérise :

« La jeune littérature de France, si elle est menacée par les relents d’une production qui s’acharne contre les forces nouvelles qui l’ont condamnée, ne peut manquer de donner ses fruits. La souffrance des années d’occupation, le combat actuel, la libération de l’art qui se prépare dans chaque esprit sain en assurent déjà le triomphe. L’accueil qu’elle reçoit auprès du peuple et l’espoir grandissant qu’elle permet, sont les meilleurs preuves de son succès bientôt total. »

Loin de tomber dans le piège grossier de l’« esprit pur » M. Kateb n’a pas cessé de songer au combat, autrement pressant, qui se livre dans son pays. Avec d’autres jeunes, ouvriers et intellectuels algériens, il a milité pour l’union des forces progressistes algériennes au sein du comité Emir Khaled du « Front national démocratique algérien », mouvement qui gagne en ampleur, grâce à l’activité de ses membres et à la lutte dans le domaine pratique qu’il a menée en faveur des Nord-Africains de Paris.