Article paru dans Les Yeux ouverts, bulletin de l’association des femmes maghrébines immigrées, n° 0, février 1984, p. 5-6

– DEFENSE DE L’EMPLOI DES FEMMES IMMIGREES !
– EGALITE DES DROITS !
– UNITE DE TOUTES LES TRAVAILLEUSES ET TRAVAILLEURS CONTRE LE RACISME !
Dans la situation particulière de « crise ouverte » en France, au moment même de la restructuration industrielle, les « responsables » désignés par cette politique, seront les immigrés.
Au niveau idéologique, le terrain était déjà préparé : l’Immigration depuis un an est à la « une » des journaux pour parler de « chômage et d’insécurité ». De plus, alors que les attentats racistes et les « ratonades » se multipliaient dans toute la France, sur le thème de l’immigration, l’extrême droite réalisait ses scores électoraux dans le 20e arrondissement comme à Dreux. Aujourd’hui, ce thème n’est pas encore épuisé et Le Pen gagne dans ses rangs des franges de l’opposition et se prépare mieux que jamais aux élections européennes.
Le gouvernement pendant ce temps enterrant ses promesses du 10 Mai (carte de séjour pour 10 ans pour tous les immigrés, droit de vote, etc …) appliquait des mesures draconiennes contre les immigrés sans papiers : rafles massives, expulsions sans sommation et invitait dans le même temps la droite à un débat commun sur un terrain d’entente privilégié : « Pour régler le problème de l’immigration ».
Au niveau économique : Le gouvernement dans l’affaire de Talbot-Poissy, composait avec la direction Peugeot P.S.A. et acceptait 1 905 licenciements dont 1 500 immigrés. Ce sont une fois de plus les immigrés qui sont frappés de plein fouet par la crise économique.
Mais à l’opinion publique, pour qui bien souvent « Talbot c’est les immigrés ! », nous devons affirmer une fois de plus que la lutte contre les licenciements, c’est la lutte de tous les travailleurs français et immigrés. C’est celle aussi des mineurs, des sidérurgistes, des travailleurs dans la construction navale et celle de Massy-Fergusson.
ET LES FEMMES IMMIGREES ?
Peu nombreuses dans les grosses entreprises des bastions industriels, sauf dans les usines automobiles où la main d’œuvre féminine est très importante comme par exemple à Renault-Dreux, on a tendance à les oublier comme ailleurs on les oublie dans l’espace de leurs foyers.
Mais si les hommes sont touchés par le chômage, elles le sont davantage par le manque de qualification et parce que de surcroît elles appartiennent aux secteurs les plus touchés par la crise.
Quelques chiffres pour nous éclairer* :
Sur l’ensemble de la population immigrée en 1975 elles constituent 40 %
En 1983, elles représentent 48 %. La moitié d’entre-elles environ sont salariées contre 37 % en 1975 et 31 % en 1962.
Aujourd’hui plus de 17 % des étrangers travaillant dans les entreprises sont des femmes et 20 % d’entre-elles ont moins de 20 ans.
Or le dispositif de formation des 16 à 18 ans mis en place en 1982, n’atteint pas beaucoup les femmes immigrées du fait même que plus le degré du stage est élevé, moins elles sont nombreuses à le suivre.
A la féminisation de l’immigration correspond maintenant la féminisation du chômage.
Outre que nous ne voulons plus que les femmes immigrées restent cantonnées dans les secteurs les plus mal payés et attachés aux travaux les plus pénibles, nous revendiquons le droit à la formation et à la qualification, prise sur le temps de travail et organisé dans les entreprises.
Nous revendiquons le droit à l’emploi et à la sécurité des salaires pour toutes les femmes immigrées sans discrimination.
Nous refusons les licenciements abusifs auxquels les patrons ont recours à l’égard des femmes immigrée sachant justement que cette main d’œuvre corvéable et malléable à merci est la moins susceptible à se défendre de par sa situation de femme et de travailleuse immigrée.
Pour le 8 MARS date qui symbolise les luttes des femmes de par le monde, depuis la révolte des ouvrières de la confection en 1857 à New-York, nous voulons précisément que 1984 marque notre détermination à la défense de l’emploi des femmes immigrées et à une réelle formation des femmes de la seconde génération.
Et si comme par exemple les manifestations du 8 MARS en Europe ont été orientées contre la guerre, et qu’en 1919 les femmes russes manifestaient contre le tsarisme, en 1925 en France contre le colonialisme, en 1937 en Espagne contre le franquisme, en 1943 en Italie contre le fascisme, en 1980 en Iran contre le régime du Chah … les femmes immigrées en 1984, dans la continuité de cette tradition des luttes contre l’oppression spécifique et au sein même du mouvement ouvrier, se mobilisent contre le racisme. Grâce à l’initiative des jeunes immigrés « La Marche des Beurs » quelque chose à changé. Certes Le Pen peut encore réaliser 12 % dans le Morbihan toutes celles et tous ceux qui ont participé à ce mois et demi de marche ont vaincu le climat de peur que voulait faire régner l’extrême droite
Pour faire face aux attaques racistes, pour faire face au climat de division, c’est l’unité de toutes les femmes immigrées de tous les travailleurs qu’il faut forger dans la lutte pour la défense de nos acquis les plus élémentaires, l’emploi et les salaires agressés tous les jours par le patronat.
Pour un 8 MARS unitaire des femmes immigrées et des mouvements des femmes en France.
– POUR L’EGALITE DES DROITS.
– CONTRE LE RACISME.
– SOLIDARITE INTERNATIONALE AVEC LES FEMMES EN LUTTES DANS LES PAYS DU MAGHREB, EN IRAN, EN AMERIQUE CENTRALE, AU MOYEN-ORIENT.
– POUR LA LIBERATION DES FEMMES.
* Les chiffres que nous donnons sont repris du dossier du Monde sur l’immigration datée du Mercredi 1er Février 1984.
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