Article paru dans Le Populaire de Paris, 20-21 juin 1948, p. 4 ; suivi de « Au congrès des Peuples », paru le 22 juin 1948, p. 4 ; « Le congrès des peuples a terminé ses travaux », paru le 23 juin 1948, p. 4
« A l’exploitation capitaliste doit succéder la collaboration fraternelle avec les peuples exploités » déclare Bob Edwards
Le Congrès des peuples d’Europe, d’Asie et d’Afrique s’est ouvert hier matin à la mairie de Puteaux.
Parmi les délégations présentes, outre les représentants des nations européennes et asiatiques, on remarquait les délégations des divers territoires d’outre-mer et notamment les représentants de Madagascar et du Viêt-Nam.
Deniau, maire de Puteaux, a accueilli par quelques mots de bienvenue les délégués venus des confins des trois continents. Puis, Bob Edwards, secrétaire général du Comité pour les États-Unis socialistes d’Europe, prenant la parole, a souligné l’importance historique du congrès :
– A l’exploitation capitaliste doit succéder la collaboration fraternelle avec tous les peuples qui furent exploités, a-t-il affirmé.
Fenner Brockway, représentant du Labour Party, a présenté un rapport sur les méthodes de travail et le plan qui seront suivis par les congressistes.
Après l’acceptation de son rapport, Jean Rous a souligné la diversité des peuples et les tendances représentées au congrès.
– Il faut dégager, a-t-il dit, un minimum de principes communs pour aboutir à une efficacité réelle, et c’est le but que nous poursuivons.
L’orateur a poursuivi en faisant ressortir qu’il fallait en premier lieu reconsidérer la question coloniale afin de trouver un terrain d’entente et de solidarité avec les peuples d’outre-mer.
Puis le congrès a pris connaissance des rapports économiques et politiques qui serviront de base aux travaux des commissions.
AU CONGRES DES PEUPLES
Vieilles nations :
Abandonnez le colonialisme
Jeunes nations :
Ne sombrez pas dans l’autarcie
A la mairie de Puteaux, les travaux du Congrès des Peuples d’Europe, d’Asie et d’Afrique s’achèvent.
Dimanche, les délégués se sont partagés en deux commissions, l’une économique et politique. La préparation des rapports a donné lieu à de larges débats, parfois passionnés.
Hier, le Congrès a adopté le rapport économique à la quasi-unanimité des présents.
Dans cet important document, le Congrès constate, tout d’abord, la faillite de l’exploitation capitaliste et colonialiste et affirme que le développement économique ne saurait s’inscrire dans le cadre des limites de chaque territoire.
Le premier objectif qui s’impose donc aux nations d’Europe, d’Afrique et d’Asie est l’organisation de l’économie en vue de la satisfaction des besoins et le développement de la production en fonction de la consommation réelle et non pas seulement de la demande solvable.
Ce qui suppose, d’une part, l’abandon par les vieilles nations de leurs tendances d’hégémonie et le rejet par les jeunes nations des tendances autarciques qui se font jour à l’occasion de leur émancipation.
De même, il convient de consacrer les capitaux disponibles au développement des richesses naturelles des territoires moins évolués avant que d’y créer de nouvelles industries sans rapport direct avec les richesses naturelles ou les besoins primordiaux existant localement.
Et d’abord il faut développer la production agricole, promouvoir une industrialisation destinée à faciliter la culture et à mettre à la disposition des peuples des produits de consommation courante.
Le Congrès recommande en outre le contrôle démocratique par les populations – sinon la socialisation – des grands moyens de production afin de prémunir les peuples contre l’oppression intérieure ou extérieure. Le Congrès insiste enfin sur le libre exercice des droits syndicaux, la formation professionnelle, le développement de la sécurité sociale.
Les délégués d’Asie et d’Afrique ont fait adopter des résolutions où sont particulièrement développés les problèmes intéressant ces continents.
L’importante motion de politique générale a fait l’objet d’un nouveau débat en séance plénière.
Le congrès des peuples a terminé ses travaux
LE Congrès des peuples d’Europe, d’Asie et d’Afrique a terminé ses travaux. Il s’est finalement mis d’accord sur une résolution politique après un débat très animé. Il n’était certes pas aisé de rapprocher les points de vue de groupements préoccupés presque uniquement de la libération des territoires coloniaux et ceux des socialistes internationalistes.
Une fédération mondiale
Un comité de trente membres (dix par continent) a été désigné. Il sera chargé de coordonner les efforts de documentation et de propagande tendant à l’affranchissement politique et économique des peuples coloniaux, ainsi qu’à populariser l’idée d’une Fédération socialiste des peuples.
Hier les délégués européens ont tenu une réunion consacrée aux Etats-Unis socialistes d’Europe.
Une résolution a été votée pour appuyer les partis socialistes et démocratiques d’Europe centrale qui résistent à l’emprise russe. En outre, un télégramme de félicitations a été envoyé à la C.G.T. autrichienne qui a réussi récemment malgré l’opposition des occupants staliniens à imposer ses délégués d’usine renvoyés par les Russes.
Les groupements fédéralistes européens à tendance socialiste ou démocratique ont examiné la position à prendre vis-à-vis du Comité International de Coordination de la Conférence de La Haye. Il a été décidé à la majorité que ces groupements pourraient à titre d’observateurs suivre les travaux de ce comité, la minorité voulant s’y intégrer comme participant.
Le délégué des groupements pour les Etats-Unis Socialistes d’Europe ont désigné un Comité de direction pour un an. Rasquin, président du Parti socialiste luxembourgeois, a été nommé président.
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