Affiche reproduite dans Al Kadihoun, Revue des travailleurs arabes en Europe, 1ère année, n° 1, 5 juin 1972

L’IMMIGRATION de la main-d’œuvre des pays néo-colonisés dans les pays néo-colonisateurs est un des graves phénomènes de notre temps.
Cette immigration ne fera qu’augmenter et se compliquer dans les années à venir. Et ce, pour les raisons principales que voici :
La baisse de la démographie dans les pays dominants et la hausse démographique dans les pays dominés enregistrées dans les deux dernières décennies.
– L’appauvrissement des pays dominés ne fait que croître devant l’enrichissement relatif des pays dominants.
– La domination économique, politique, culturelle et militaire des pays néo-coloniaux ne fait que s’accroître.
– L’exportation de la main-d’œuvre reste pour les bourgeoisies des pays dominés une source de profit et un moyen pour apaiser le mécontentement des classes laborieuses de ces mêmes pays.
– L’accélération des progrès techniques dans les moyens de production capitalistes : les secteurs et les branches non encore atteints par ce progrès technique où le travail est moins rémunérateur, plus pénible et plus dangereux, n’emploient dans la plupart des cas que des travailleurs immigrés non européens.
– Le système capitaliste entretient la différence des salaires et des droits entre travailleurs européens et immigrés. Il en tire un surprofit et le transforme en capital supplémentaire.
– Le développement d’une culture européocentrique, raciste, haineuse et chauvine héritée d’un passé féodal, moyenâgeux, fanatique et entretenue par un système capitaliste inhumain.
Devant l’aggravation de ce phénomène, il est indispensable pour les travailleurs immigrés de s’organiser pour défendre leurs droits de travailleurs et d’hommes libres.
L’organisation de ces travailleurs n’est pas un mot vague ni un vœu pieux, ni la quête d’une charité, ni même un suivisme derrière certaines centrales ouvrières des pays capitalistes embourgeoisées, nationalistes et européocentriques.
Il s’agit pour ces travailleurs d’arracher et d’obtenir avec l’aide des travailleurs européens conscients leurs droits dans l’usine, dans le logement, dans la rue et dans toutes les autres conditions de la vie.
Il s’agit aussi de participer main dans la main avec tous les travailleurs européens, à la construction d’un monde nouveau où l’exploitation, le racisme et la haine seront bannis à jamais.
Il s’agit de développer et d’affermir la solidarité et la fraternité ouvrière, unique espoir de notre humanité meurtrie.
Toutes ces tâches ne peuvent s’accomplir qu’à la condition que les travailleurs immigrés puissent exprimer eux-mêmes, librement et franchement, leurs idées, leurs analyses et leurs propositions.
Or, les conditions de travail et de vie imposées par le système capitaliste à ces travailleurs ne leur permettent que le refoulement, la révolte ou la résignation.
Les travailleurs immigrés vivent une destructuration quotidienne, permanente, dans toutes les dimensions de leur personnalité (culturelle, affective, nationale, etc.).
C’est pourquoi nous réclamons la création d’une presse libre. Elle seule « est l’esprit du peuple toujours en éveil, l’expression de la confiance qu’il a en lui-même, le lien qui unit l’individu à l’Etat et à la société … C’est la confession franche et absolue d’un peuple, et l’on connaît le pouvoir libérateur de la confession … C’est le monde idéal qui, surgissant sans arrêt du monde réel, s’y replonge toujours plus riche pour le vivifier ». (1)
Le but de notre revue « AL-KADIHOUN » est double :
– Défendre l’égalité des droits de tous les travailleurs en Europe.
– Prendre conscience des causes profondes de notre exploitation dans nos différents pays et en Europe et connaître leurs remèdes.
Dans notre premier numéro, nous avons tenu à présenter un dossier assez complet d’un cas concret de notre lutte quotidienne. Nous l’avons préféré aux analyses théoriques que nous présenterons dans notre prochain numéro.
Nous attendons de tous les travailleurs un soutien moral, intellectuel et matériel. Nous attendons aussi leurs critiques et leurs propositions dans la franchise et la fraternité prolétarienne.
AL-KADIHOUN.
(1) Marx : Essai sur la liberté de la presse, « Rheinische Zeitung », mai 1842

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