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La C.G.T.U. se préoccupe-t-elle de la situation des ouvriers étrangers ?

Article paru dans La Vérité, 4e année, n° 135, 22 décembre 1932

La Chambre française a voté au mois d’août 1932, la loi sur la « protection de la main-d’œuvre nationale ». Cette loi a fermé la frontière aux travailleurs étrangers, mais, en grande partie par suite de l’opposition des représentants de la bourgeoisie elle n’a pas voulu fixer les limites pour l’embauche des ouvriers étrangers. Elle en a jeté pourtant les bases, en fixant la procédure à travers laquelle le pourcentage des ouvriers étrangers pourra être déterminée dans chaque branche d’industrie.

Selon cette procédure, les syndicats ouvriers et patronaux doivent faire une démarche au ministère du travail pour proposer un pourcentage dans l’industrie qu’ils représentent. Ensuite le ministère du Travail informe tous les Syndicats des propositions qui lui sont faites. Les syndicats ont un mois pour étudier la question. Après quoi la question est posée devant le Conseil supérieur du Travail, où elle reste également un mois à l’étude. Enfin, le ministre du Travail prend la décision sans appel.

Au début de novembre, le ministre du Travail a été saisi de la part des Syndicats de la C. G. T. au sujet de trois industries des plus importantes, d’une demande de fixation d’un pourcentage d’ouvriers étrangers.

Parmi les trois corporations visées, il y a l’habillement où sont employés des dizaines de milliers d’ouvriers étrangers. Les réformistes réclament du Gouvernement de chasser de la production un certain nombre d’ouvriers étrangers.

Une grande partie de la classe ouvrière ignore ces démarches, pour la simple raison que les réformistes ont tout intérêt à les cacher. Pourquoi la C.G.T.U. n’en a-t-elle pas dit un mot ?

Or, ces propositions datant du début de novembre, elles sont déjà au Conseil supérieur du Travail et, aux premiers jours de janvier, le ministre va se prononcer. Comment peut-on concevoir que la C.G.T.U. laisse les ouvriers étrangers en proie aux manigances des réformistes et des Pouvoirs publics ?

Pourtant, si nous prenons toutes les résolutions des Congrès et C.C.N. de la C.G.T.U. concernant la main-d’œuvre étrangère, nous y trouvons de grandes phrases pour la défense des ouvriers étrangers et de grands mots d’ordre généraux (comme l’abolition des passeports, l’abolition de la carte d’identité et libre migration), qui, quoique fort justes n’ont aucune valeur tant qu’ils ne sont pas liés aux revendications immédiates des ouvriers étrangers. L’exemple que nous citons plus haut montre, malheureusement, que quand il s’agit des revendications immédiates, la C.G.T.U. fait défaut.

Nous nous bornons ici à poser quelques questions à la direction confédérale et particulièrement à la Commission de la M.O. Immigrée :

1° Le silence des chefs confédéraux n’est-il pas une concession au courant de chauvinisme et de xénophobie qui, malheureusement existe actuellement dans la classe ouvrière et qui gagne même certains comités de syndiqués unitaires ?

2° Pourquoi toutes les sections de langues se sont-elles tues sur la même question ? La direction confédérale ne veut-elle pas attendre que le pourcentage des ouvriers étrangers soit déjà fixé pour ensuite s’indigner ce qui est facile – de la manœuvre réformiste contre les ouvriers étrangers ? Immédiatement elle doit prendre position publiquement. Elle doit engager la campagne et faire toute l’agitation nécessaire pour la défense des ouvriers étrangers.

Tout silence sera interprété par nous, et par tous les prolétaires étrangers comme une complicité avec la manœuvre des réformistes.

P. S. – Nous avions rédigé cet article quand l’ « Humanité » du 21 décembre a publié un bref communiqué de la M.O.I. sur le renouvellement des cartes d’identité pour les étrangers en 1933. A ce propos, on parle de l’expulsion des gardes blancs, mais non de ce qui intéresse directement les ouvriers : la fixation proche du pourcentage employable de travailleurs immigrés par le ministre du Travail.

UN GROUPE D’OUVRIERS ETRANGERS SYNDIQUES UNITAIRES.