Article paru dans Le Libertaire, 4 juillet 1925

(Lettre d’un camarade bulgare).
Depuis longtemps je devais vous écrire – vous décrire les horreurs de la réaction qui sévit. Si je ne pus pas vous écrire jusqu’à présent, c’est à cause des circonstances créées par les derniers événements. Il nous est interdit toute possibilité de communication tant avec les camarades de province qu’avec l’étranger.
Nos lettres sont décachetées et quelques-unes même ne nous parviennent pas.
Ce qui est inimaginable pour l’imagination la plus sadique, ici est réalité vivante. L’inquisition du moyen âge, la terreur de la Russie tzariste, de l’Espagne cléricale, l’Italie fasciste, palissent devant des forfaits commis par le gouvernement des professeurs et généraux. Depuis deux ans les révolutionnaires et honnêtes gens gémissent sous les coups répétés d’une dictature inouïe, qui chaque jour nous enlève des victimes.
La répression féroce a surexcité et a poussé les esprits des opprimés à la violence désespérée, d’où l’attentat de l’église. Je ne l’approuve pas, connaissant les conséquences terribles. D’une façon ou de l’autre les faits sont accomplis : nous devons nous occuper de la situation actuelle.
L’attentat était bienvenu pour le gouvernement. Le moment était venu pour assouvir ses instincts bestiaux. L’état de siège proclamé ; les bourreaux militaires ont occupé les fonctions administratives. On connaît leur manière d’agir, de maltraiter, d’arrêter, de fusiller chaque individu suspecté d’infidélité envers le gouvernement, l’Etat. Pendant la soirée de l’attentat, on a arrêté plus de dix mille personnes ; une partie desquelles furent fusillées sur le champ : communistes, agrariens, anarchistes et aussi des sans-parti, qui, d’une façon ou de l’autre, étaient en opposition au gouvernement de Tzankoff. Par exemple M. Herbst, rédacteur du journal « Aujourd’hui ». Les arrêtés sont horriblement torturés. Le mauvais traitement du camarade Traikoff a été plus que déchirant. Après on l’a assassiné avec les camarades Boris Georgieff (professeur de lycée), Ivanka Simenova (étudiante), Rachila, etc …
A Plevna, Tarnovo Kelifarevo, Stara Zagora, Nova Zagora, Stivin, Roustchouk de même, arrêtés, torturés, assassinés.
En général, la situation est horrible. La folie, le sadisme, l’inhumanité sont arrivées à leur point le plus élevé.
Mais malgré toutes les persécutions, la crainte est loin de nous.
Sofia. Salutations fraternelles.
AUX ANARCHISTES DU MONDE ENTIER
Camarades,
Le sort des révolutionnaire en Bulgarie est tragique. Le gouvernement sadique du pseudo-professeur Tzankoff, par ses atrocités, a dépassé tous les inquisiteurs et bourreaux connus par l’histoire. Il assassine, non seulement les communistes, les anarchistes et les agrariens, mais aussi chaque homme de cœur qui ose élever sa voix de protestation contre les saccages, contre les assassinats ! Dans son égarement d’esprit le gouvernement des nouveaux Nérons a supprimé Geo Milleff, l’un des jeunes poètes bulgares, qui avait écrit un poème à l’occasion des massacres des milliers de victimes innocentes pendant le mois de septembre 1923.
En vous exposant les férocités du gouvernement bulgare, nous vous adressons à vous, camarades anarchistes, pour protester par une action énergique contre les bourreaux de nos frères en Bulgarie : les meilleurs fils du peuple bulgare.
Berlin, 20 juin 1925. Union des groupes anarchistes bulgares à l’étranger.

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