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Complices de Tsankoff

Article paru dans La Révolution prolétarienne, n° 9, septembre 1925

Les chefs de la Deuxième Internationale ont trahi le socialisme et les intérêts de la classe ouvrière. Depuis 1914, ils font, au sein du prolétariat, la besogne de la bourgeoisie. Ils ont perdu, dans l’abandon de leur doctrine de lutte de classe, toute retenue et toute pudeur. Ce sont là des vérités premières que des faits nouveaux confirment tous les jours et qu’il n’est pas mauvais de répéter sans se lasser.

Mais ces pacifistes et ces démocrates, lorsqu’ils font de la grande politique, trahissent avec autant de désinvolture les intérêts de la « Démocratie » dont ils se réclament, et se refusent à accomplir le devoir le plus élémentaire de solidarité humaine.

Au Congrès de l’Internationale socialiste de Marseille, un démocrate bulgare fit signer par quelques-uns des leaders les plus qualifiés des partis représentés la déclaration suivante :

Le deuxième Congrès de l’Internationale Ouvrière Socialiste réuni à Marseille, apprend avec horreur et indignation que le gouvernement terroriste de Bulgarie a assassiné, pendant les quatre derniers mois, sans jugement et uniquement en vertu de la loi martiale, des milliers de paysans, d’ouvriers et d’instituteurs, et a fait condamner par ses Conseils de guerre, plusieurs centaines d’autres victimes innocentes qui attendent, d’un moment a l’autre, leur pendaison.

Nous considérons de notre devoir d’appeler le monde civilisé, et en particulier la classe ouvrière internationale à protester contre une telle politique de meurtres du régime Tsankoff et nous demandons que la loi martiale soit abrogée et que les sentences de mort soient annulées.

Nous sommes convaincus que la vie et la paix, non seulement du peuple bulgare, mais encore de tous les peuples balkaniques seront en danger permanent, aussi longtemps que la Junte actuelle, militaire et terroriste restera au pouvoir.

Aussi appelons-nous toutes les forces de la démocratie bulgare à s’unir pour donner à ce malheureux pays la paix et la sécurité qu’il mérite pleinement.

Ont signé :

LOEBE, président du Reichstag ;
VICTOR L. BERGER, député américain ;
OTTO BAUER, ancien chancelier d’Autriche ;
JEAN LONGUET ;
J. DOLLIAN, rédacteur de New Leader ;
FRANK B. VARLEY, député anglais ;
RUDOLF BREITSCHEID, député allemand ;
ELLENBOGEN, député autrichien ;
Dr ZSIGMUND KUNFI, rédacteur d’Arbeiter Zeitung ;
MORRIS HILLQUIT, chef du Parti socialiste américain.

– Voilà qui est bien, dira-t-on, et vos reproches sont injustifiés.

– En effet, ce n’est pas mal. Mais attendez la fin avant de rendre hommage aux courageux signataires de cette déclaration. Leurs velléités généreuses n’ont pas tenu devant les nécessités de la grande politique. Cette déclaration n’a pas été approuvée par le Congrès. Il n’eut même pas à en discuter. On s’opposa à ce qu’elle fut présentée au cours des débats. Et vous avez pu remarquer en effet que le Congrès International de Marseille n’a pas eu à protester contre le terrorisme bulgare. Car – tenez-vous bien ! – une protestation de cette sorte « aurait pu gêner l’action des socialistes bulgares ».

Qui donc s’est chargé de la vilaine besogne d’étouffer cette protestation ? Hermann Müller, chef de la délégation allemande, ce qui n’est pas pour nous surprendre. Mais il n’a pas opéré seul. Fritz Adler fut son complice. Entendez-vous, bonne camarade, qui, dans la Vague, couvrez de fleurs la social-démocratie autrichienne.

Fritz Adler n’est qu’un politicien de la gauche socialiste et son jésuitisme s’acoquine à la malfaisance diabolique des politiciens de la droite.

Mais tout de même, comment expliquer le silence persistant des … « courageux signataires » ? Gageons qu’ils regrettent aujourd’hui les mouvements bolchevisants de leur cœur généreux. Qu’ils se rassurent ! Ils sont solidaires de tous leurs collègues de la Deuxième Internationale. Leur imprudence mérite une fraternelle semonce. Mais leur repentir leur vaudra, comme à ceux-ci, la gratitude émue du bourreau Tsankoff !

UN TÉMOIN.