Article paru dans La Petite République, 5 avril 1905

A l’hôtel des Sociétés savantes. – Une conférence-controverse. – Projets et contre-projets
La conférence-controverse sur la séparation des Eglises et de l’Etat, organisée par l’Association nationale des libres-penseurs, qui a eu lieu hier soir, à l’hôtel des Sociétés savantes, a été des plus intéressantes.
Le citoyen Buisson, qui présidait, a présenté les conférenciers, et de suite le citoyen Allard, député du Var, a expliqué les raisons qui l’ont entraîné à déposer son contre-projet devant la commission. La démocratie doit porter un coup décisif à l’Eglise. Mais l’article 4, qui donne aux associations la propriété des menses, fabriques, etc., est des plus dangereux. Le mode de dévolution ne l’est pas moins. L’Eglise est assez riche pour pensionner les prêtres, les gendarmes en soutane du capitalisme.
Le citoyen Furnémont, ancien député socialiste de Belgique, demande à la démocratie française de ne pas faire, comme dans son pays, une caricature de séparation où l’Eglise aura tous les avantages et l’Etat toutes les charges.
Le citoyen Augagneur déclare tout d’abord qu’à la Chambre il votera le projet Allard.
Il s’explique sur l’amendement qu’il a déposé et demande la mise sous séquestre des biens des fabriques, dont la valeur servira au paiement des pensions aux prêtres, puis la reprise par l’Etat des séminaires, des évêchés et palais épiscopaux dont les communes pourront tirer immédiatement parti. Restent les édifices des cultes donnés à l’Eglise sous des conditions très précises, et une interdiction absolue de les utiliser autrement que pour le culte. Des raisons économiques et politiques sont exposées avec clarté par l’orateur en faveur de ces amendements, tendant surtout à éviter les guerres religieuses sans sacrifier les cathédrales qui restent monuments historiques.
Le citoyen de Pressensé s’explique sur les réformes à apporter au projet de la commission, qu’il votera cependant, s’il faut ainsi éviter un avortement. Il fait un exposé historique de la lutte entre l’Eglise et l’Etat dans ces vingt dernières années et montre la différence entre son premier projet et le projet actuel. Puis il répond à Augagneur, dont il partage les craintes sans approuver le projet. L’Etat devrait garder la pleine propriété des édifices religieux ; il faudrait inscrire dans la loi que les prix de location ne pourraient jamais descendre au-dessous des frais d’entretien. Il s’explique ensuite sur la police des cultes et sur les associations cultuelles.
M. Aulard termine la série des orateurs en présentant, au nom de l’Association nationale des libres penseurs de France, un contre-projet élaboré par elle en s’inspirant des arguments fournis de part et d’autre.
Tous ces orateurs ont été écoutés avec une grande attention dans leurs éloquents exposés, maintes fois applaudis, et que M. Buisson a résumés en laissant les auditeurs libres de conclure sur la valeur des arguments nombreux émis dans cette conférence-controverse.

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